À voir les appuis des conservateurs fondre comme neige au soleil, Jean Charest doit certainement réfléchir aux avantages et aux inconvénients de mener une campagne électorale en pleine débâcle économique.
Il y a un mois, Stephen Harper était presque le seul à douter de l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire. Aujourd'hui, la question est plutôt de savoir s'il sera encore premier ministre mardi prochain.
Pourtant, des élections axées principalement sur l'économie plutôt que sur l'environnement étaient censées favoriser M. Harper, dont le leadership et l'assurance contrastaient avec l'apparente fragilité de Stéphane Dion, qui était au surplus handicapé par son projet de taxe sur le carbone.
En principe, M. Charest devrait être avantagé lui aussi par un débat sur l'économie face à deux adversaires qui ne sont pas considérés comme des experts en la matière, même si Pauline Marois a déjà été ministre des Finances et du Développement économique.
Il est vrai que, contrairement à son vis-à-vis fédéral, qui a été pris complètement au dépourvu par la crise financière aux États-Unis, M. Charest saura à quoi s'attendre s'il décide d'appeler la population aux urnes cet automne. Comme dit le proverbe: un homme averti en vaut deux.
Il est clair que la population est moins intéressée à savoir ce que le gouvernement conservateur a pu faire depuis deux ans pour solidifier les bases de l'économie canadienne que ce qu'il a l'intention de faire au cours des prochains mois. La chute des conservateurs serait sans doute moins brutale si, à défaut de présenter un nouveau plan, M. Harper avait au moins donné l'impression qu'il comprenait l'inquiétude de la population.
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Depuis quelques semaines, M. Charest s'emploie à présenter comme une mesure visionnaire la baisse d'impôt que tout le monde lui avait reprochée au printemps 2007. Il peut également faire valoir que le vaste programme d'infrastructures annoncé il y a un an a permis d'éviter un ralentissement plus marqué.
L'exemple conservateur illustre cependant le danger de s'appuyer uniquement sur son bilan économique pour rassurer les inquiets, même s'il est jugé satisfaisant. Il y a bien le «plan Nord» qui, à entendre le premier ministre, transformera le Nouveau Québec en un véritable Eldorado, mais cet horizon est beaucoup trop lointain.
Hier, M. Charest a annoncé que la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, présentera un énoncé de politique économique d'ici la fin du mois et que des comités de vigilance assureront le suivi de la situation économique et financière.
Bien entendu, l'ADQ et le PQ vont répliquer à l'unisson que c'est insuffisant. Si la crise s'aggrave, bien des électeurs seront du même avis. Quand on voit son emploi disparaître et ses épargnes s'envoler en fumée, un gouvernement n'en fait jamais assez. Toute la question est de savoir si un autre gouvernement ferait mieux.
À voir les efforts de Mario Dumont pour démontrer que la tenue d'élections est la dernière chose à faire, on a surtout l'impression qu'il ne croit pas à sa capacité de convaincre les électeurs qu'il est l'homme de la situation.
Depuis deux ans, les positions de l'ADQ ont semblé être dictées plus souvent qu'autrement par ses intérêts partisans. Au printemps 2007, alors que le pouvoir semblait à portée de main, M. Dumont était résolu à voter contre le budget -- et à plonger le Québec dans une deuxième élection en autant de mois -- avant même de savoir ce qu'il contenait. Un an plus tard, alors que son parti piquait du nez dans les sondages, il était prêt à appuyer n'importe quoi.
Comme si l'ADQ n'avait déjà pas assez de problèmes, la crise actuelle vient discréditer tout son discours. Alors que partout dans le monde, on presse les gouvernements d'intervenir, son plaidoyer en faveur d'un désengagement de l'État est franchement dissonant.
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Contrairement à M. Dumont, Pauline Marois n'en est pas encore à supplier le premier ministre de ne pas déclencher d'élections, mais elle fait tout son possible pour l'en dissuader. Sa conférence de presse d'hier a donné un aperçu du discours qu'elle tiendrait durant la campagne. Cela ressemblerait beaucoup à ce que Stéphane Dion martèle avec succès depuis quelques jours.
Ceux qui auront à pâtir de la crise n'auront aucune difficulté à la croire quand elle dira que le gouvernement voit la réalité en rose et qu'il a mal préparé le Québec à y faire face. Ces accusations seront d'autant plus crédibles que la situation précaire des finances publiques limitera l'envergure des mesures qu'il pourra mettre de l'avant. Et si jamais il ose envisager un budget déficitaire, Mme Marois poussera des cris indignés.
Évidemment, cela se joue à deux. Même si la chef péquiste a déclaré mardi qu'un Québec souverain aurait été mieux outillé pour faire face à la situation, on peut la croire sur parole quand elle dit n'avoir aucune intention de présenter l'indépendance comme une solution à court terme. Quoi qu'en pense Jacques Parizeau, la souveraineté ne tiendra sans doute pas une grande place dans le discours électoral du PQ.
On peut cependant tenir pour acquis que M. Charest ne s'embarrassera pas de ces nuances. Il se fera un plaisir de rappeler les cinq années de turbulence qu'évoquait Mme Marois, dans l'éventualité d'une victoire du oui. Comme s'il n'en y avait pas déjà assez, ironisera-t-il. C'est un peu facile, direz-vous. Sans doute, mais c'est surtout facile à comprendre.
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mdavid@ledevoir.com
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