Un folklore tout à fait moderne

Chronique de Robert Laplante

C'était à peine un entrefilet en page A3 du Devoir (6 juin). « Le cabinet Harper à Québec à la Saint-Jean ». Le journal reprenait une nouvelle publiée par Radio-Canada la veille, annonçant que le cabinet conservateur se réunirait à la Citadelle de Québec «à la veille de la Saint-Jean Baptiste». Il a bien choisi son lieu : la forteresse rappelle sans cesse la puissance et la force de la présence tutélaire d'Ottawa sur la bourgade.
Ici encore et comme toujours, le choix des mots n'est jamais innocent. Il n'a pas été question de la Fête nationale. Comment, diable, ce Premier ministre étranger, adversaire acharné de notre réalité nationale, pourrait-il venir célébrer une nation que l'État qu'il dirige ne reconnaît pas ?
Il n'y a pas de quoi s'en faire, il ne sera pas là pour ça. Il vient courtiser l'électorat. Ce qu'il viendra célébrer ce sont les vertus du clientélisme. Ça ne restera pas dans les entrefilets longtemps. Il va y en avoir du tapage médiatique. Racolage électoral pour le chef du PC, démonstration de contrôle de la part du chef de l'État canadian : il veille, la Belle Province est bien leur chose. Et l'usurpation de notre Fête nationale, leur affaire. On en verra des élus conservateurs plastronner, tout fiers de montrer qu'ils ont de l'influence. Les notables de Québec ne rateront pas une si belle occasion de redire toute l'importance que doit avoir leur belle ville dans le pays.
On peut même parier que la Chambre de commerce, qui a revendiqué la suspension de la Loi 101, nous vante les vertus du bilinguisme canadian. Geste de provocation que cette visite baveuse? Un pied de nez aux souverainistes? Démonstration de force pour mieux redire la négation fondamentale? Rien de tout cela au regard des inconditionnels du Canada, rien qui ne tienne devant les aspirations à jouer les barons ethniques au Club de la Garnison.
Les choses étant ce qu'elles sont dans la province, il ne serait même pas étonnant que Stephen Harper se risque à prononcer le mot peuple à l'occasion d'un petit clip de presse devant le bûcher de la Saint-Jean avec une belle musique traditionnelle en arrière-fond. Il sait que ça rapportera. C'est pure rhétorique, sans conséquence. Il suffit de montrer un peu de sollicitude, d'être courtois et de lancer quelques phrases pour que les velléitaires y voient le début d'un temps nouveau, les signes d'une grande époque qui s'ouvre. Il s'en trouvera même pour dire que ce n'est pas si grave de ne pas être reconnu comme nation dans la constitution, qu'un jour ça viendra, qu'en attendant on apprécie le geste d'ouverture d'en parler pour que ça ne veuille rien dire. Charlebois chante : « Tire-moi des pinottes j'vas te chanter Alouette sans fausses notes ».
En vérité, Harper gère sa clientèle québécoise comme une grosse minorité bonasse. Il s'applique à lui montrer qu'il tient compte de ses notables pour bien lui faire comprendre qu'avec un peu de bonne volonté ils pourront intercéder et faire en sorte que la province reçoive sa part de retombées. Il conduit une politique de folklorisation exemplaire. Elle repose sur la condescendance et le déploiement d'un effort systématique pour brouiller les repères identitaires. Dans ce cas précis, il s'agira d'appuyer tout ce qui contribue à cultiver une certaine ambivalence en laissant flotter les apparences d'une reconnaissance par la multiplication des déclarations et gestes creux. Les inconditionnels du Canada ne demandent pas mieux que de s'employer à tenter d'y mettre la substance de leurs fantasmes. Ainsi va la politique qui tente d'arracher le consentement à la minorisation.
Le 24 juin, un pays incertain célèbrera son existence entêtée. Encombré par des squatters qui voudront en détourner le sens, la fête prendra cette année une coloration d'un folklore tout à fait moderne. La province de Québec sera courtisée. Gentils au point d'en être candides, de nombreux participants à la fête danseront en s'imaginant au bord de l'avenir auquel sourient les maîtres de ce pays. Vive la Canadienne et ses jolis yeux doux, doux!
Ça passera. Nous en avons vu d'autres.
Le Bulletin du lundi fait relâche. Bonne Fête nationale! Bon été!

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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.

Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]





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