Un discours décevant

Politique étrangère et Militarisation du Canada


Le discours de politique étrangère prononcé par Stephen Harper à l'ONU est décevant.
On comprend que le premier ministre ait voulu profiter de la tribune onusienne pour rappeler aux Canadiens que l'intervention en Afghanistan a obtenu l'aval de la communauté internationale - contrairement à celle conduite par Washington en Irak. Il savait que son message - lancé de cette prestigieuse enceinte - serait relayé dans tous les foyers canadiens. Et qu'il bénéficierait ainsi d'un maximum d'impact.
Le problème, c'est que ce n'est pas un discours de politique étrangère qu'il a prononcé. C'est un discours de politique intérieure. Son allocution visait uniquement à convaincre les Canadiens du bien-fondé de la mission en Afghanistan. Rien de plus.
Sur le fond, Stephen Harper a eu raison de répéter que cette intervention n'a rien à voir avec celle menée en Irak, programmée à coups de mensonges.
Même aux heures les plus difficiles, il faut se souvenir que les talibans avaient fait de leur pays un sanctuaire pour les terroristes d'Al-Qaida. Et que du temps où ils régnaient en despotes à Kaboul, ces fondamentalistes-rigoristes s'acharnaient à supprimer les libertés les unes après les autres. Ils stigmatisaient les hommes qui n'arboraient pas la barbe et les femmes qui ne portaient pas la burqa. Le stade de Kaboul a longtemps résonné des cris de leurs victimes.
Mais lorsqu'on monte à la tribune des Nations unies, on a le devoir de faire des propositions. C'est vrai même quand la plupart des délégués sont partis manger... On a le devoir de faire des propositions sur les défis qui confrontent la communauté internationale, d'indiquer des directions, de suggérer des pistes de solution. C'est ce qu'aurait dû faire M. Harper.
Quel contraste avec le premier discours prononcé à l'ONU par Paul Martin en tant que chef du gouvernement canadien ! En septembre 2004, le premier ministre déchu avait invité ses pairs à donner vie au "devoir d'ingérence".
Dans l'esprit de Paul Martin, la "responsabilité de protéger" - pour reprendre son expression exacte - devait accorder le droit légal d'intervenir pour des motifs humanitaires. Par exemple, dans un pays où le gouvernement ne veut pas ou ne peut pas protéger sa population de graves dangers résultant d'une guerre interne, de la répression ou de la faillite de l'État.
Un an plus tard, en septembre 2005, la "responsabilité de protéger" était officiellement inscrite dans le mandat de l'ONU. Ce principe a bien sûr, et malheureusement, ses limites. On le voit avec le Darfour. Mais son adoption par les Nations unies constitue une avancée significative par rapport à ce qui existait. Le Canada y a contribué.
En s'adressant seulement aux Canadiens, Stephen Harper n'a pas démontré que "le Canada entend être un joueur de premier plan sur la scène mondiale", comme il l'avait déclaré la veille aux membres de l'Economic Club de New York.
Le Canada ne jouera jamais dans la même ligue que les États-Unis, l'Europe, la Chine ou même le Brésil. Mais ce n'est pas en restant atone sur les difficultés et les défis de la communauté internationale qu'il exercera quelque influence que ce soit sur les affaires du monde.
Hier, M. Harper n'a fait qu'effleurer la menace que fait peser la prolifération nucléaire. Il n'a rien dit sur la pauvreté dans le monde, sur l'indigence, sur les inégalités, ni sur la décomposition de plusieurs États. Il n'a même pas cru bon ajouter sa voix à ceux qui ont énoncé des propositions pour rapprocher Palestiniens et Israéliens, un conflit qui ne cesse d'alimenter les extrémismes.
C'est cette absence de vision large et globale qui déçoit.
jmsalvet@lesoleil.com


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