Madrid -- Avis de cyclone politique en Catalogne et, par extension, sur toute l'Espagne et la stabilité du gouvernement Zapatero! La plupart des formations de cette riche et turbulente région du nord-est du pays sont sur le pied de guerre. Solennement, elles ont menacé le Tribunal constitutionnel, à Madrid: si par malheur, ont-elles averti, ses hauts magistrats devaient «amputer la Catalogne de ses droits sur sa langue, ses symboles ou son financement», la réaction unanime pourrait être «terrible».
«Un conflit institutionnel sans précédent avec l'Espagne», a auguré sèchement Joan Ridao, d'Esquerra Republicana (ERC), un parti indépendantiste appartenant à la coalition au pouvoir régional, à Barcelone. Et, hormis le Parti populaire de Catalogne, de tendance «espagnoliste», les autres formations lui ont emboîté le pas sur un même ton de défi chargé d'hostilité, tout en menaçant de «vastes mobilisations de rue», le cas échéant. Autant de vitupérations nationalistes destinées à exercer une pression maximale sur les juges du Tribunal constitutionnel qui, d'ici la fin de l'automne, doivent rendre un verdict sur le nouveau statut d'autonomie de la Catalogne, approuvé en 2006 par 88 % du Parlement autonome catalan, puis validé par un référendum régional.
Un recours
En juillet 2006, le grand parti conservateur national, le Parti populaire (le PP), avait déposé un recours auprès du tribunal constitutionnel (TC) concernant 114 des 223 articles du statut, considérant qu'il dépassait «les lignes rouges de la Constitution espagnole». C'est sur ce recours que les magistrats du TC doivent aujourd'hui statuer.
Pourquoi une telle bronca politique aujourd'hui, alors même que le tribunal n'a toujours pas rendu son verdict? Au travers d'indiscrétions distillées à la presse, la majorité conservatrice du tribunal a d'ores et déjà fait connaître ses réticences sur plusieurs articles de «l'estatut», le nouveau statut catalan. Le texte original risque donc d'être tronqué sur des aspects que les leaders catalans jugent non négociables. Le préambule de l'estatut parle de «nation catalane», concept incompatible, disent les populares, avec le fait qu'«il n'y a pas d'autre nation que la nation espagnole» ; secundo, la langue catalane (co-officielle avec le castillan) et le caractère obligatoire de son apprentissage, comme dans l'administration et à l'école. Or, pour le PP, cette norme viole par exemple le droit des parents à ce que leurs enfants soient scolarisés en espagnol; tertio, les pouvoirs conférés au Conseil de la magistrature catalan seraient identiques à son alter ego national; ensuite, l'estatut fixe des compétences exclusives pour la Catalogne, notamment en matière fiscale, ce que le PP juge «intolérable»; enfin, et peut-être surtout, le texte oblige l'État espagnol à réserver 17 % de ses investissements à la Catalogne, soit l'équivalent de ce que la région apporte au PIB national. Inacceptable pour le PP, aussi, car cela reviendrait à torpiller «le principe de solidarité» entre les 17 communautés autonomes du pays.
Le fond de ce bras de fer hispano-catalan n'a rien de nouveau, puisqu'il agitait déjà les débats lors de la seconde république, entre 1931 et 1936. En gros, il s'agit d'un débat de souveraineté.
Quel statut ?
Pour les uns, il appartient à la Catalogne de définir sa relation avec le reste de l'Espagne; pour les autres, le PP surtout, seul le Parlement national de Madrid est souverain et la Catalogne n'est qu'une communauté autonome comme une autre. Un dialogue de sourds. Ernest Benach, le président du Parlement catalan, est clair: «Le peuple de Catalogne a parlé par référendum: l'Estatut est notre constitution.» Felip Puig, du grand parti nationaliste CIU, ne dit pas autre chose: «Aucun tribunal espagnol n'est au-dessus du verdict populaire exprimé en Catalogne, par consultation et via ses députés.» Une dispute considérable est donc servie qui, éditorialisait hier El Pais, «va conditionner toute la saison politique». José Luis Zapatero est dans l'embarras. Le chef du gouvernement se retranche prudemment derrière «l'indépendance du pouvoir judiciaire», mais il sait que, si le TC modifie en profondeur l'estatut, il ne sortira pas indemne de ce séisme politique. Les socialistes catalans, au pouvoir régional et à qui il doit en bonne partie sa réélection en 2008, ont fait savoir qu'ils s'aligneraient sur un «front de refus inébranlable».
En un mot, l'estatut n'est pas négociable. Zapatero, qui aime cultiver l'ambiguïté, sera alors contraint de choisir son camp.
Un débat de souveraineté secoue l'Espagne - La Catalogne est sur le pied de guerre
Le Tribunal constitutionnel se prononcera d'ici l'automne sur le nouveau statut d'autonomie de la région
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