Un an de gouvernement Legault: des relations tendues avec les minorités

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Les anglophones et les immigrés regrettent la belle époque du PLQ...



Le gouvernement Legault et les minorités du Québec sont à couteaux tirés, si bien que certains ténors de la communauté anglophone se surprennent à regretter des administrations péquistes qui l’ont précédé.


Loi sur la laïcité, transfert forcé d’écoles anglophones vers le réseau francophone, abolition prochaine des élections scolaires : le directeur général de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec qualifie de « tendues » les relations entre les Québécois de langue anglaise et les troupes caquistes.




Même des gouvernements péquistes passés ont montré une « sensibilité », qui est « moins en évidence aujourd’hui », affirme Russell Copeman, en pesant ses mots. Il cite la déconfessionnalisation des commissions scolaires, au début des années 2000, qui a nécessité d’amender la constitution en collaboration avec la communauté anglophone.








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Pour faire adopter sa loi sur la laïcité, qui heurte les valeurs multiculturalistes de nombreux anglophones, le gouvernement Legault a plutôt choisi d’utiliser la clause dérogatoire afin de se mettre à l’abri des contestations judiciaires. « C’est une autre façon de gouverner », lance M. Copeman.




Le président du Quebec Community Groups Network estime pour sa part que les droits de sa communauté ont été « brimés » lors du transfert forcé de trois écoles anglophones montréalaises vers le réseau francophone.




« Ils ont fermé des écoles très importantes pour leurs communautés. Celles-ci vont avoir des problèmes à survivre. Les gens déménagent quand les écoles ferment », note Geoffrey Chambers.




Droits brimés




La Commission scolaire English-Montreal a d’ailleurs annoncé son intention de contester le transfert des écoles devant les tribunaux.




M. Chambers, lui, ne cache pas que son groupe pourrait aussi entamer des démarches judiciaires s’il juge que l’abolition prévue des commissions scolaires brime les droits des anglophones.




MM. Chambers et Copeman soulignent tout de même que le gouvernement Legault écoute leurs doléances.




« Mais on n’a pas vu beaucoup d’exemples de changements de cap à la suite de ces rencontres-là », se désole M. Copeman. Pour lui, l’absence d’un contingent important d’élus anglophones, ou même montréalais, au sein du caucus caquiste explique en partie cette situation.




Les relations sont tout aussi difficiles entre Québec et la communauté musulmane. Dans un premier temps, un groupe qui inclut le Conseil national des musulmans canadiens conteste en Cour d’appel la loi sur la laïcité.




« Pas d’islamophobie au Québec »




Le premier ministre François Legault a aussi choqué de nombreux musulmans du Québec en déclarant : « Je ne pense pas qu’il y ait de l’islamophobie au Québec ».




Le président de la mosquée de Québec, Boufeldja Benabdallah, avait dénoncé cette sortie dans une lettre coup-de-poing, où il disait craindre « que votre phrase ne donne la caution magistrale à cette frange agissante de la société qui s’alimente d’islamophobie ».




Le bureau du premier ministre a ensuite corrigé le tir, en précisant qu’il n’y a pas « de courant » islamophobe au Québec.




Pour le coprésident de l’Association des Musulmans et des Arabes pour la laïcité au Québec, l’interdiction de signes religieux à certains employés de l’État a créé une « discrimination directe envers les femmes musulmanes ».




Mais la loi a également contribué à détériorer le climat social, estime Haroun Bouazzi. « Il y a beaucoup de regards malveillants ou de crachats dans la rue, dit-il. Des femmes sentent une réelle tension depuis le passage de la loi. »





Message ambigu pour les immigrants




Laïcité, annulation de 18 000 dossiers en attente d’immigration, réforme de l’industrie du taxi : Louis Balthazar déplore le manque de sensibilité du gouvernement envers les nouveaux arrivants. « On envoie le message qu’on les craint, qu’ils sont un facteur négatif pour la préservation du français », dit-il. Mais Frédéric Boily tempère cette lecture. Il prend l’exemple des partis populistes européens, dont le discours met « l’accent sur l’Autre comme étant une figure qui ne peut pas s’intégrer à la culture nationale ». « Ce n’est pas ce qu’on retrouve dans le propos de la CAQ, souligne M. Boily. Il n’y a pas de discours disant qu’un immigrant est incapable de s’intégrer, par nature, à la culture nationale. »




Que reste-t-il de l’ADQ ?




Ex-conseiller de Mario Dumont, Éric Montigny voit une continuité évidente entre l’ADQ et la CAQ, qui ont fusionné en 2012. « Ce qui est différent, c’est la société québécoise, notamment en raison du remplacement générationnel. Des choses que l’ADQ prônait à sa fondation, qui étaient vues comme plus radicales, se sont normalisées », estime-t-il. Par exemple, le remboursement de la dette était vu à l’époque comme une « hérésie », note-t-il, alors que la CAQ a procédé à un remboursement important, sans susciter de controverse.




Fossé avec Montréal




Avec seulement deux circonscriptions sur l’île de Montréal, et une seule à Laval, les assises du pouvoir caquiste se trouvent particulièrement dans le « 450 » et dans la région de la Capitale-Nationale. « Il y a une possibilité de fracture entre Montréal et le reste du Québec », explique Frédéric Boily, soulignant les aspirations parfois divergentes entre la métropole multiculturelle et le reste de la province. « Ce n’est pas nouveau, mais c’est accentué par la loi sur la laïcité. À long terme, ça pourrait avoir des effets néfastes sur la cohésion sociale, alors que Montréal semble évoluer dans sa propre destinée par rapport à celle du reste du Québec. »








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