Traitement Royal

Ségolène Royal en visite au Québec - septembre 2007


Ségolène Royal gardera un excellent souvenir de son passage au Québec. Et pour cause : elle a été accueillie comme une reine. Mais son séjour ne passera pas à l’histoire — même pas à la petite. La forme a supplanté le fond ; les figures imposées l’ont emporté sur l’originalité. En fait, elle a marché sur des sentiers déjà foulés par plusieurs politiciens français.



La chef de file socialiste aux élections présidentielles françaises est venue s’inspirer du modèle québécois. C’est très bien. Une telle ouverture d’esprit est toujours flatteuse de la part d’une personnalité politique étrangère.
Le problème est que Ségolène Royal a dit ce que disent bien des politiciens français depuis longtemps. Prenons l’exemple de l’ancien premier ministre socialiste Lionel Jospin, avec qui elle a justement eu un rude échange cette semaine.
Qu’a dit [M. Jospin en voyage officiel au Québec en 1998->archives/france-quebec/jospin.html], il y aura bientôt 10 ans ? Exactement ce qu’a dit Mme Royal ces jours-ci. Citons-le : « Il semble bien que sur cette terre, l’efficacité économique va de pair avec le sens de la négociation, le sens du compromis, des relations sociales modernes. Et je pense que nous, Français, du côté des politiques, du côté des chefs d’entreprise, du côté des syndicalistes, du côté de la société tout entière, nous pouvons nous inspirer de ce modèle qui est le vôtre. » Ouf !
Lionel Jospin n’était pas le premier à aller dans cette direction et il n’a pas été le dernier. Le ministre-président de la Bavière, Edmund Stoïber, a eu des propos semblables. Lucien Bouchard était au pouvoir à ce moment-là.
Nous sommes comme tout le monde : nous aimons bien savoir que l’on peut inspirer autrui ; que nos politiques, nos méthodes et nos approches suscitent de l’intérêt à l’étranger. Ce miroir nous plaît. Mais ces petits messages font depuis longtemps partie du quotidien de ces visites officielles. Ils sont devenus des formules de politesse.
À Québec comme à Montréal, Ségolène Royal a bénéficié de son statut de vedette. C’est sans doute ce qui a permis à ce message d’être davantage répercuté et entendu cette fois.
Ce même statut d’étoile suscite malheureusement des réactions poussées à l’extrême, comme si on n’avait le choix qu’entre l’idolâtrie et la diabolisation à son sujet. C’est trop.
En fait, c’est une politicienne comme bien d’autres qui est venue au Québec. Même façon d’esquiver, de réagir et de chanter des louanges.
Sur l’éternelle question de la souveraineté du Québec (qui passionne les journalistes québécois et énervent depuis longtemps tous les élus hexagonaux), on a eu droit à l’habituelle et lassante séance de patinage artistique.
Après les attaques malveillantes que Lionel Jospin a lancées à son endroit, Mme Royal a réagi comme n’importe quel être humain : plutôt mal. On pourrait même dire très mal dans ce cas précis, puisqu’elle a évoqué le Christ sur la croix, le bûcher de Jeanne d’Arc et du « sexisme (...) qui s’apparente à du racisme ». Il ne manquait rien.
À l’Université de Montréal, elle a exprimé des idées justes sur la Francophonie. Mais les étudiants et les professeurs présents ont également eu droit à l’inévitable couplet lyrique sur le Québec : « Au-delà de l’hiver et du doute, quatre siècles durant, Québec, tu as tenu... »
Personne ne peut mettre en doute la sincérité de Ségolène Royal. Elle a fait ses classes de façon studieuse en allant voir comment sont traités les délinquants sexuels à Robert-Giffard. Mais en disant vouloir s’inspirer du Québec, elle a fait ce que d’autres ont fait avant elle.
Ce n’est pas lui faire injure de l’affirmer, c’est prendre la banale mesure de sa première incursion en terre québécoise.


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