Tout un complot mâle, en effet…

Quand le féminisme de Mme Payette rime avec délire

Tribune libre - 2007

Par Maurice Nantel
Si on résume son propos (Les Femmes dérangent, Journal de Montréal, 29 janvier), les jeux seraient faits d’avance en politique: aucune chance pour les candidates d’envergure de se tailler une place, un complot historique machiste leur bloquerait tout passage vers le «trône». Selon elle, les Hillary et Ségolène se feraient brasser dans l’arène, uniquement en raison de leur sexe, Pauline n’aurait jamais eu la chance de faire valoir ses compétences, et elle aurait été battue à plate couture seulement pour les mauvaises raisons, tout le monde sait ça…
C’est connu, Mme Payette aime provoquer, quitte à déraper complètement. Mais si le discours féministe origine d’injustices bien réelles, le sien n’en est pas moins malhonnête et méprisant en 2007. De un, les sondages le confirment : l’avenir des femmes en politique n’a jamais été aussi reluisant. Nul besoin de créer un parti basé sur le sexe (une autre de ses lubies). D’autre part, le fait de se faire bloquer le chemin, niaiser, trahir, «mordre», planter ou ridiculiser, n’est pas l’apanage des femmes en politique, ni un symptôme de misogynie en soi, mais plutôt une «condition» d’embauche préalable que tous doivent surmonter, à plus forte raison si on veut se rendre au sommet. Quant à sa théorie sur les motivations concertées des hommes, c’est du pur délire caractérisé, en commençant par les vraies raisons qui ont mené à la défaite de Pauline Marois.
Allons-y! En jouant à fond la caisse la carte de la candidaTE, elle initiait un faux débat (pas un enjeu dans cette campagne), sauf pour celles qui y tenait mordicus dans les estrades, dont Mme Payette. Par calcul politique élémentaire, la seule candidate en lice, doit-on le rappeler, n’a pas à JOUER le rôle de la seule candidate en lice. Parlant de portes ouvertes enfoncées, au lieu d’indiquer qu’elle voulait diriger, elle lançait du coup le mauvais signal au pire moment : le besoin d’un élément discriminatoire pour gagner, une demande quasi formelle pour un vote subventionné, alors que sa condition était un atout dans les faits. Or, savoir user ou non de «féminitude» avec intelligence, au lieu de revendiquer une prime en son nom, est par définition plus payant, politiquement s’entend…
Dans le même esprit, en entrant de plain-pied dans la course à ses côtés, comme si leur propre honneur était en jeu, les polémistes de profession, que sont justement les Payette, Bombardier et autres bien intentionnées de la cause, lui ont nui. En clair, elle avait absolument tout pour gagner, incluant le choix de ses handicaps dont elle ne s’est pas privée. Dans sa défaite, il y a la baloune jeunesse du PQ (qui dégonfle vite), ses stratégies perdantes et le message ringard de la «sororité» qui tapait du pied en coulisses, et qui disait implicitement « c’est NOTRE tour ». La réponse est venue dès le premier tour d’ailleurs (54% contre 30%), et le vote des militantes en dit long à ce sujet : majoritairement Boisclair... Paradoxal, non? Tout un complot mâle, en effet…
On admettra qu’elle a souffert de comparaisons douteuses avec la Castafiore, mais à ce compte-là, Louis Bernard (qui amenait des idées neuves) a subi un sort bien plus cruel et personne n’a déchiré sa chemise pour autant. Comme quoi, l’injustice faite aux uns...
J’irai plus loin : c’est en refusant de jeter les gants que Marois a perdu. Pas son style, dit-on. Mais si elle était de loin supérieure à Boisclair, comme on le suggérait alors, il fallait l’illustrer clairement. C’était sa job de futur chef d’État de le déclasser, de s’attaquer au mirage, là était le véritable enjeu : démontrer qu’il n’était pas un choix valable, ni pour le parti, encore moins pour le Québec. A-t-elle réussi? En rétrospective, imaginons ce qu’elle aurait fait devant un adversaire nettement plus coriace, comme Jean Charest.
C’est dire combien, même de nos jours, on confond, chez certaines du moins, les concepts de lutte pour le pouvoir et de joute oratoire devant ses chums de filles au pensionnat. Que ça plaise ou non, PRENDRE le pouvoir, ici comme ailleurs, n’est jamais affaire de méritantes, de premières de classes, de fraîcheur pour la forme, il répond à ceux et celles qui le conquièrent. Ironie du sort, Mme Marois aura peut-être une deuxième chance (si le PQ survit aux élections), en autant que la «filière testostérone» ne lui préfère encore une fois un candidat homosexuel ouvertement déclaré, complot oblige…
Quant à ses chances de faire valoir ses compétences, elle en a eues amplement depuis plus de trente ans, dont une réforme majeure en Éducation qui bat sérieusement de l’aile. Si les membres du PQ, hommes et femmes confondus, ont cédé au sourire et aux nœuds de cravates d’un jeune premier, grand bien leur fasse, mais il serait grand temps pour Mme Payette et cie de cesser de dire n’importe quoi dès qu’un poste prestigieux échappe à une femme.
S’cusez le cliché, mais s’il arrive régulièrement au PQ d’être le pire ennemi de la souveraineté, on peut en dire autant de celles qui s’improvisent porte étendard d’une cause toute aussi importante…
Maurice Nantel

Montréal


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