Tout sauf Charest

En faisant resurgir le spectre d’une victoire libérale qu’on avait crue impensable, la crise étudiante a eu pour effet de relancer le débat sur la nécessité d’un front commun des forces souverainistes, dont l’idée semblait définitivement enterrée.

Élection Québec 2012


«La crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse », dit la Bible. Ces jours-ci, c’est plutôt la crainte de Jean Charest qui en fait réfléchir plusieurs.
En faisant resurgir le spectre d’une victoire libérale qu’on avait crue impensable, la crise étudiante a eu pour effet de relancer le débat sur la nécessité d’un front commun des forces souverainistes, dont l’idée semblait définitivement enterrée.
Après le Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ), c’est au tour du député indépendant de Borduas, Pierre Curzi, de lancer un appel à l’unité. « La nation ne peut plus se payer le luxe d’un autre gouvernement libéral », écrit M. Curzi dans une lettre publiée aujourd’hui dans Le Devoir.
Certes, il n’est pas le seul à penser que l’intérêt supérieur du Québec commande maintenant de barrer la route aux libéraux et que cet impératif devrait primer toute considération de nature partisane. Option nationale (ON) est actuellement aux prises avec le même débat. Dans une lettre qu’on peut lire sur le site Internet du Devoir, les dirigeants du SPQ Libre, Marc Laviolette et Pierre Dubuc, proposent également une « large coalition autour du PQ ».
Les effets du mode de scrutin actuel sont bien connus. D’une élection à l’autre, le quasi-monopole que le PLQ exerce sur l’électorat non francophone lui garantit un plancher d’une quarantaine de circonscriptions. Dans les autres, la division du vote francophone peut lui permettre de se faufiler dans suffisamment de comtés pour atteindre le chiffre magique de 63, qui assure une majorité à l’Assemblée nationale.
C’est la conjoncture qui a complètement changé au cours des derniers mois. Au début de l’année, la soudaine popularité de la « dame de béton » et la dégringolade de la CAQ, qui semblaient ouvrir la voie à une victoire péquiste, avaient permis à Pauline Marois de couper court à toute discussion sur une éventuelle alliance électorale avec Québec solidaire, mais la situation n’est plus du tout la même. Son rêve de devenir la première femme à diriger le Québec pourrait bien lui échapper.
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Aussi bien au PQ qu’à QS, et maintenant à ON, l’idée d’une alliance se heurte à des oppositions d’ordre idéologique que certains n’arriveront sans doute jamais à surmonter. Jusqu’à présent, la principale pierre d’achoppement a cependant été l’impossibilité de s’entendre sur un partage des comtés entre les partis.
Le candidat péquiste dans Sainte-Marie -Saint-Jacques, Daniel Breton, a raison : dans cette affaire, la mauvaise foi est également partagée entre libéraux et solidaires. Le SPQ Libre propose encore une fois que le PQ abandonne Rosemont à Françoise David, qui pourrait laisser le champ libre à Nicolas Girard dans Gouin, mais rien n’indique que Mme David serait maintenant prête à accepter un arrangement qu’elle a toujours refusé.
Pour contourner la difficulté, M. Curzi propose la tenue de primaires auxquelles pourraient participer les membres en règle de tous les partis faisant partie de l’alliance. Le vainqueur serait le candidat unique de tous les souverainistes. Le député de Borduas suggère que des indépendants puissent également être sur les rangs, ce qui laisse croire qu’il n’a pas renoncé définitivement à la politique.
Le PQ comptant plus de membres, son candidat l’emporterait dans la quasi-totalité des circonscriptions où des primaires auraient lieu. Outre M. Curzi, une des rares exceptions pourrait être le chef de l’ON, Jean-Martin Aussant, dans Nicolet-Bécancour. Cela ferait grimacer certains péquistes, mais l’élection d’un caquiste serait-elle préférable ?
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Il est vrai que le PQ, QS et ON ont des positions qui ne sont pas inconciliables sur des questions comme la langue, l’environnement ou les ressources naturelles, mais il est illusoire de penser qu’ils pourraient s’entendre sur une « proposition principale commune » qui irait au-delà du « tout-sauf-Charest », comme le voudrait le fondateur du NMQ, Jocelyn Desjardins.
Qui trop embrasse mal étreint. M. Curzi se verrait bien ministre responsable de la loi 101 dans un cabinet Marois, mais il est totalement irréaliste de penser à un « gouvernement de coalition » qui inclurait des représentants de QS. La majorité des péquistes ne sont pas davantage disposés à passer de l’axe souveraineté-fédéralisme à un axe gauche-droite que les solidaires sont prêts à faire l’inverse. Avec Amir Khadir dans son cabinet, Pauline Marois deviendrait folle au bout de deux jours. Pour le moment, il vaut mieux s’en tenir à une simple alliance électorale.
Des candidatures souverainistes uniques ne garantiraient cependant pas l’élection d’un gouvernement péquiste majoritaire. Si déprimante que puisse être la perspective d’une victoire libérale, celle de devoir former un gouvernement minoritaire soumis au bon vouloir des libéraux et des caquistes ne l’est guère moins.
Déjà, le PQ hériterait d’une situation financière très difficile qui lui laisserait très peu de marge de manoeuvre. Sans majorité à l’Assemblée nationale, il faudrait également renoncer à la « nouvelle loi 101 », à la citoyenneté québécoise et, bien entendu, à toute initiative de nature constitutionnelle. Les tensions internes qui ont failli provoquer le départ de Pauline Marois cet hiver ne tarderaient pas à réapparaître. Au moins, pour ce qui est de détester Jean Charest, tout le monde s’entend.


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