Que l’effet Duchesneau se fasse déjà sentir, comme l’indique le dernier sondage Léger Marketing, ou qu’il soit encore « à venir », comme le laisse croire celui de CROP, le PQ et la CAQ sont maintenant engagés dans une lutte sans merci dans le Québec francophone.
La différence est que François Legault s’est également lancé dans une opération visant non seulement à amadouer l’électorat non francophone, toujours aussi réfractaire au PQ, mais surtout l’establishment fédéraliste, qui appuie résolument le PLQ depuis un demi-siècle. Il semble prêt à sacrifier beaucoup, voire l’essentiel, pour y parvenir.
Quand M. Legault a annoncé qu’il mettait la question nationale en veilleuse pour une période de dix ans, plusieurs l’ont trouvé bien naïf de croire que le nation building ferait une pause en attendant que le Québec soit prêt à reprendre le combat. Il manifestait toutefois une telle volonté de s’attaquer aux « vrais problèmes », en santé ou en éducation, que cette naïveté était considérée avec une certaine indulgence.
Bon nombre de souverainistes continuaient à voir en lui un des leurs qui, après une période d’égarement, finirait bien par réaliser que c’est précisément la souveraineté qui est la solution à ces problèmes, comme il l’avait lui-même répété pendant des années. D’ailleurs, ce ne serait peut-être pas une si mauvaise idée qu’il en fasse une nouvelle démonstration.
Sa déclaration au Devoir au premier jour de la campagne a cependant révélé un changement majeur. Le chef de la CAQ ne pensait plus simplement que les Québécois n’étaient pas encore prêts à trancher la question une fois pour toutes, il disait ne plus croire lui-même à la souveraineté.
Le pas décisif a été franchi cette semaine, quand il a déclaré qu’il voterait non à un référendum sur la souveraineté. Du coup, il devient un adversaire du projet souverainiste. Face à un gouvernement péquiste, il fera front commun avec les libéraux pour le combattre et il devra éventuellement s’enrôler dans le camp du non, puisque la loi oblige tous les membres de l’Assemblée nationale à s’enregistrer dans l’un des deux comités.
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Demeurer au sein du Canada est sans doute un choix légitime, mais pas au détriment du français. Au chapitre linguistique, le programme de la CAQ promet « un vigoureux coup de barre dans l’effort de francisation du Québec ». Concrètement, on ne voit cependant pas en quoi les politiques d’un gouvernement caquiste seraient très différentes de celles du gouvernement Charest, dont on connaît les résultats.
Les libéraux aussi prétendent renforcer le rôle de l’Office de la langue française, mais les fonctionnaires ne peuvent pas aller au-delà de ce que prévoit la loi elle-même, que M. Legault refuse de renforcer. Comment peut-on s’engager à faire du français la langue de travail incontestée sans étendre les dispositions de la Charte de la langue française aux petites entreprises ?
Le moyen proposé par la CAQ pour éliminer les écoles passerelles est une véritable supercherie. Toute tentative de faire amender l’article 23 de la Charte canadienne des droits est assurément vouée à l’échec. En renonçant à utiliser la clause nonobstant, comme M. Legault le proposait au départ, elle propose en réalité le maintien des écoles passerelles.
On ne peut certainement pas reprocher à l’ancien chef du Parti Égalité, Robert Libman, de manquer de vigilance quand il s’agit de défendre les droits linguistiques de la communauté anglophone. Il n’aurait pas donné son appui à la CAQ s’il avait cru un seul instant que les écoles passerelles étaient menacées.
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Les anglophones sont certainement aussi inquiets que les francophones de voir se répandre la corruption. Ils doivent donc voir d’un aussi bon oeil l’arrivée d’un homme aussi déterminé à faire le ménage que Jacques Duchesneau.
Cette semaine, l’éditorial de la Gazette trouvait cependant une autre vertu à la CAQ. M. Legault n’est peut-être pas disposé à assouplir la Charte de la langue française, mais le seul fait qu’il ne songe pas à la renforcer, contrairement au PQ, lui apparaissait comme une bonne nouvelle.
Elle est loin l’époque où la Gazette dénonçait presque quotidiennement le bill 101 et la « police de la langue ». Il est vrai qu’un grand nombre d’anglophones ont fini par accepter la nouvelle donne linguistique, même si c‘est à regret, mais il crève aussi les yeux que, dans son état actuel, la Charte de la langue française n’est pas en mesure d’empêcher la rebilinguisation progressive de Montréal.
Puisque M. Legault est prêt à laisser les choses aller, où est le problème ? Mieux encore, le voilà maintenant converti aux vertus du fédéralisme. Good boy ! Depuis le temps qu’ils se sentent tenus pour acquis par les libéraux, bien des anglophones ne demanderaient pas mieux que de leur faire un pied de nez.
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