TGV: très grande vision?

TGV : Montréal - Windsor/ Montréal - New York



Ce n'est pas la première fois qu'un projet de TGV se profile dans le paysage politique canadien. En fait, on en débat depuis 30 ans et au moins sept études majeures ont été réalisées sur sa faisabilité durant cette période.
Ce sera la première fois, toutefois, que l'on passe d'une idée plus ou moins bien définie à un engagement électoral dans un programme politique.
Dans son dernier livre, Terre de nos aïeux, consacré à la branche maternelle de sa famille, le chef libéral parle d'un TGV avec ferveur, affirmant qu'il est invraisemblable que le Canada ne se soit toujours pas doté d'un tel équipement.
«Les Européens ont relié les pays du continent grâce à un train à grande vitesse. Après cinquante ans d'études de faisabilité, il n'y a toujours pas de train à grande vitesse qui relie Windsor et Québec, Vancouver et Calgary ou Calgary et Edmonton. Si nous voulons rassembler les Canadiens, si nous voulons construire un pays, il faut nous mettre au travail», écrit-il
Ce plaidoyer en faveur d'un TGV avait évidemment retenu l'attention au moment de la parution de ce livre, le printemps dernier, mais Michael Ignatieff avait refusé d'en faire un engagement électoral.
Dans le bouquin (et les entrevues qui ont suivi son lancement), l'idée d'un TGV chez M. Ignatieff semblait se situer davantage entre la poésie (le train comme unificateur), le patriotisme et même le fantasme que sur le terrain des vaches, là où il faudra dessiner le tracé et investir des dizaines de milliards.
Au cours des derniers mois, l'idée a cheminé, gagnant des appuis politiques et l'attention de certains leaders économiques. Elle a fait son chemin aussi chez les libéraux.
Michael Ignatieff a consulté des spécialistes, notamment Pierre Beaudoin, de Bombardier, qui lui a donné un cours TGV-101 de plus de deux heures.
Le projet est immense. Vraisemblablement le plus vaste projet d'infrastructure jamais lancé au pays. Il est question, évidemment, de gros sous (entre 20 et 30 milliards de dollars) étalés sur deux décennies, de milliers d'emplois, de développement durable, de technologie, de tracés optimaux et de financement à long terme entre plusieurs ordres de gouvernement.
Nous sommes cependant encore bien loin de tout cela. La première étape, plus simple en apparence qu'en réalité, est purement politique. Le chef libéral y croit mais, dans son entourage, plusieurs conseillers craignent qu'un projet d'une telle ampleur ne les entraîne dans des débats contre-productifs sur les chiffres, sur la faisabilité, sur les guerres de tracés, sur le financement, sur les chicanes entre Ottawa et les provinces, entre les provinces et les villes, entre les régions, etc.
Surtout, certains libéraux craignent que ce projet à long terme soit perçu comme une chimère, comme un rêve importé d'Europe par leur chef. Ils craignent que les retombées lointaines d'un TGV n'apportent pas les solutions économiques immédiates attendues des Canadiens.
Par-dessus tout, on craint de se «faire planter» par les conservateurs si le projet de TGV est connu trop tôt. C'est le syndrome «Tournant vert», le défunt projet politique de Stéphane Dion pour l'environnement, qui avait été la cible de toutes les attaques conservatrices pendant des mois avant les dernières élections.
D'autres libéraux, par contre, pressent leur chef de faire du TGV un élément central de son programme, une «vision pour le pays», même. Un TGV, disent-ils, c'est beaucoup plus que des rails et une machine, c'est aussi un projet vert, un outil économique sans pareil et un objet de fierté nationale.
Pour eux, le TGV doit être synonyme de «très grande vision», non pas de «très grand vertige».
Le TGV risque donc d'être un test politique crucial pour Michael Ignatieff. S'il décide en effet d'aller de l'avant, il a intérêt à être convaincant et déterminé. Il devra éviter de s'enfarger dans les chiffres en étant toutefois assez concret pour passer du rêve poétique de l'héritage de ses ancêtres à un plan terre-à-terre faisable et réaliste.
Le chef libéral a un double défi devant lui : convaincre les Canadiens de la nécessité d'un TGV et faire la preuve que ce n'est pas un autre projet en l'air.
Le moment n'aura probablement jamais été aussi propice. À Québec, le gouvernement Charest semble prêt à monter à bord. Même chose en Ontario avec le gouvernement McGuinty. L'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche pourrait fort bien être la locomotive politique qui a toujours fait défaut à un TGV nord-américain.
Sur le terrain, au Québec, les milieux politique et d'affaires s'activent déjà. Des tiraillements sur le tracé et des batailles régionales sont à prévoir.
La semaine dernière, une centaine de décideurs de la rive-sud du Saint-Laurent se sont réunis à Drummondville pour faire la promotion d'un tracé de leur côté du fleuve. Ils dénoncent le parti pris des gouvernements pour un tracé sur la rive nord.
Ce n'est là qu'un modeste aperçu de la bataille politique dans laquelle veut s'engager Michael Ignatieff.


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