Charest, le boss

Avant les motivations financières, le coup d'éclat du gouvernement Charest s'explique d'abord par des motifs politiques.

Budget Québec 2010



On aurait pu croire, c'eût été normal, que le retour d'un gouvernement majoritaire à Québec allait nécessairement calmer le jeu à l'Assemblée nationale.
Eh bien non, le début de session parlementaire est plutôt rock-and-roll à Québec et le gouvernement a décidé de mater l'opposition après seulement trois jours en imposant le bâillon.

Jean Charest avait promis à la fin de la dernière session de ne pas imposer le bâillon. Il n'avait pas dit toutefois qu'il se reprendrait à la première occasion dès le début de cette nouvelle session. Faut croire que cela le démangeait.
La manoeuvre est nécessaire, disent les libéraux, pour suspendre certains articles de la loi antidéficit. Sinon, il faudra sabrer dans les programmes gouvernementaux puisque la loi antidéficit interdit... les déficits.
C'est d'une logique indéniable. Sur papier.
Au pied de la lettre, la loi interdit effectivement au gouvernement de faire des déficits. Mais il n'est écrit nulle part que les finances du Québec vont s'effondrer si la province entre techniquement en déficit le temps d'adopter la loi 40 (modifiant la loi antidéficit, vous suivez toujours?). Et puis, le gouvernement est majoritaire. Son projet de loi finira nécessairement par être adopté. Alors, pourquoi cet empressement?
Avant les motivations financières, le coup d'éclat du gouvernement Charest s'explique d'abord par des motifs politiques.
Dans l'immédiat, l'imposition du bâillon relègue le débat sur l'éthique au deuxième rang. Soudainement, hier, David Whissell est devenu beaucoup moins important pour l'opposition.
Pour rester dans les motivations politiques, le geste intempestif de Jean Charest ressemble fort à une mesure de représailles envers le PQ, qui a mordu fort les mollets du gouvernement depuis trois jours sur les questions d'éthique.
Jean Charest pensait que la démission de David Whissell de son poste de ministre du Travail allait noyer le poisson. Mais non, l'opposition n'a pas voulu lâcher le morceau. Les libéraux étaient extrêmement frustrés par les attaques du PQ sur l'éthique, au point de parler, en privé, d'attaquer personnellement Pauline Marois (le mari de Mme Marois est Claude Blanchet, ex-PDG de la SGF, congédié par les libéraux, et parti avec une généreuse pension).
En imposant le bâillon, le premier ministre a réagi comme un père autoritaire: tu ne veux pas m'obéir, paf! Une bonne claque en arrière de la tête, et va réfléchir dans ta chambre!
Après trois jours de session, c'est brutal. À ce rythme-là, l'Assemblée nationale risque de ressembler à une bonne vieille joute Canadien-Nordiques d'ici l'ajournement des Fêtes.
M. Charest aura le dernier mot. Il fera adopter son projet de loi. Mais il n'a pas grand mérite puisqu'il jouit de la majorité à l'Assemblée nationale.
Cette démonstration de force doit être accompagnée dans les prochains jours d'autres gestes, rassembleurs ceux-là. Sinon, Jean Charest aura l'air du petit boss de la ruelle qui fait la loi juste parce que sa gang est plus nombreuse que celle des autres.
S'il est vrai qu'il y a urgence, comme le disent les libéraux, d'adopter le projet de loi 40 pour pouvoir faire des déficits, l'urgence est encore plus grande de commencer à attaquer ces déficits, qui devront être résorbés en 2013-2014, selon l'engagement du gouvernement.
Le gouvernement Charest doit commencer par préciser son plan pour la consultation qu'il a lui-même annoncée. Ensuite, il doit indiquer les paramètres de cette consultation: qui, quand, quoi, comment et pourquoi.
Exposer dès maintenant le plan d'élimination du déficit (prévu en 2013-2014, rappelons-le), comme le demande Pauline Marois, est irréaliste. Le gouvernement ne peut pas indiquer quatre ans à l'avance quels seront ses choix budgétaires. Cela se fait une fois par année, au dépôt du budget, justement.
Et puis, l'opposition doit être cohérente: si elle réclame une consultation, elle ne peut pas en même temps exiger maintenant toutes les réponses du gouvernement.


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