Comment s'attaquer au déficit sans tuer la reprise dans l'oeuf? C'est la question impossible à laquelle le président Obama a tenté de répondre dans son budget d'hier. Un premier jet honorable, mais qui ne ressortira pas intact de la moulinette du Congrès.
Presque 4000 milliards de dollars. Le budget annuel de notre voisin comporte tellement de zéros que le chiffre en paraît abstrait. Qu'on ne s'y trompe pas. Les coupes dans les programmes et le gel de dépenses proposés auront des effets tangibles dans les États concernés. Leurs élus le savent et entendent bien défendre leur fief.
On a vu la grogne que suscite en Floride l'abandon de l'objectif Lune. Des réactions semblables sont à prévoir dans tous les coins du pays lorsqu'on réalisera les conséquences locales des 126 programmes coupés ou élagués. L'esprit de clocher n'est pas seul en cause. Barack Obama, qui a fait de la création d'emploi sa priorité numéro un et propose d'y consacrer des sommes importantes, aura du mal à défendre des compressions qui feront disparaître des postes.
Les mesures présentées hier devraient ramener le poids du déficit à 4% du PIB en 2013. Pour l'administration Obama, qui vise 3% en 2015, c'est encore trop. Le président fonde donc beaucoup d'espoir sur la commission fiscale bipartite qu'il créera sous peu. Bonne chance! Quand il s'agit de dépenser, on peut toujours s'entendre. Répartir les sacrifices suscite autrement moins d'empressement. Ces compromis-là sont toujours vus comme des compromissions par l'électorat.
Déjà, les républicains refusent qu'on touche aux réductions d'impôt des ménages les plus aisés, une mesure pourtant porteuse d'économies importantes dans ce budget. Les lobbies des industries visées, de l'agriculture aux énergies fossiles, ne resteront pas les bras croisés non plus. Trouver des cibles de réduction qui puissent à la fois faire consensus et se laisser dépouiller sans rien dire promet d'être un casse-tête d'envergure.
Le pire scénario serait que les élus baissent les bras et tombent d'accord sur les réinvestissements proposés (éducation, infrastructure, énergies vertes, recherche et développement) sans avoir le courage d'adopter des mesures d'austérité. Car même avec les resserrements annoncés hier, dont un gel de trois ans dans la plupart des dépenses publiques, la dette des États-Unis continuera à enfler. En 2020, elle devrait représenter 77% du PIB. Un seuil critique, selon Kenneth Rogoff, un économiste de Harvard cité par le Wall Street Journal. L'expérience d'autres pays montre qu'au-delà de 80%, la monnaie risque de dégringoler et les taux d'intérêt de grimper en flèche. De quoi replonger les États-Unis dans une nouvelle crise dont ils auraient encore plus de mal à s'extirper.
akrol@lapresse.ca
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