Tel est pris...

Élection Québec - 8 décembre 2008

Hier, le premier ministre Charest est allé présenter son «plan Nord» à Sept-Îles, où il a promis «le plein emploi énergétique pour les vingt prochaines années».
Le problème est qu'il a déclenché des élections sous prétexte qu'il avait besoin d'un mandat fort pour faire face de façon immédiate au ralentissement économique que connaît le Québec. Pour les travailleurs de l'usine d'AbitibiBowater de Donnacona, qui vont perdre leur emploi, la conquête du Grand Nord, si exaltante qu'elle puisse être, ne signifie pas grand-chose. De toute évidence, elle aurait pu attendre au printemps prochain.
On peut voir une démonstration de duplicité dans l'annonce-surprise de la fermeture de l'usine de Donnacona, dont le gouvernement négociait secrètement le transfert des approvisionnements en bois alors qu'il disait travailler à la maintenir en activité.
Cela vient surtout illustrer à un bien mauvais moment son impuissance à faire face à une crise majeure comme celle qui affecte l'industrie forestière. Que peut-il maintenant faire de concret pour les travailleurs? Même l'assurance-emploi ne relève pas de lui.
Si M. Charest était si pressé de déclencher des élections, ce n'était pas pour sauver leurs emplois, mais plutôt pour se faire réélire avant que la crise financière ne dégénère en récession et que les fermetures d'usines ne se multiplient un peu partout.
En voyant ces travailleurs en colère, M. Charest a dû revivre en pensée sa visite désastreuse à l'usine d'ABB à Varennes durant la campagne de 2007, quand il avait été apostrophé par un travailleur qui lui avait reproché sans ménagement de ne pas avoir tenu ses promesses. À dix jours du scrutin, cet incident avait pris valeur de symbole.
Remarquez, rien ne laisse croire qu'un gouvernement péquiste ou adéquiste serait plus apte à affronter la crise, mais c'est M. Charest qui a tenu à ce référendum sur l'économie. Tel est pris qui croyait prendre.
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Même si le dernier sondage de Léger Marketing indique que la santé est le sujet dont 31 % des Québécois souhaitent entendre parler le plus durant la campagne, les stratèges libéraux estiment que l'économie demeure le principal enjeu. Changer de cap est totalement exclu. De toute manière, cela n'est plus possible.
L'économie est un concept large, font-ils valoir. Aux 28 % de Québécois pour qui la lutte contre la crise est la priorité, il faudrait ajouter les 12 % qui privilégient les baisses de taxes et d'impôt et les 5 % qui souhaitent d'abord une réduction de la dette. Total: 45 %.
Il est vrai qu'aux yeux d'un politicien, une question qui ne rapporte plus de dividende politique perd souvent tout intérêt. Il devient même préférable de l'éviter. Après avoir répété pendant des années que la santé devait être la priorité numéro un, M. Charest a sans doute du mal à comprendre que la population ait pu le croire.
Depuis un an et demi, il accuse Mario Dumont de verser dans le simplisme. Il n'a pas tort, mais cela ne l'autorise pas à faire la même chose. À ceux qui tentent de l'interroger sur l'état des services de santé, M. Charest rétorque qu'il faut une économie forte pour soutenir notre système de santé. Un tel truisme est presque insultant. Sans doute est-il préférable de créer la richesse avant de la distribuer, mais encore faut-il savoir quoi faire avec.
Personne ne cherche à nier l'extrême sérieux de la situation économique, mais la crise n'empêchera pas le gouvernement de consacrer à la santé et aux services sociaux plus de 25 milliards provenant de nos impôts en 2009-10 et plus encore les années suivantes.
À voir son air contrarié, sinon outragé, c'est comme si M. Charest trouvait inconvenant qu'on lui demande ce qu'il compte faire pour que cet argent soit utilisé d'une façon plus efficace. Va-t-il réagir de la même façon quand on va lui parler d'éducation ou de culture?
Finalement, il ne semble pas avoir tellement changé depuis l'époque où ceux qui se formalisaient de le voir brader le mont Orford étaient présentés comme des attardés qui ne comprenaient rien au progrès. Chassez le naturel...
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Il est évident qu'à partir du moment où l'économie cesserait d'être le principal enjeu de la campagne électorale, le PLQ perdrait l'avantage du terrain. C'est même toute la stratégie libérale qui s'écroulerait.
La dernière chose que peut souhaiter M. Charest, c'est bien une reprise du débat sur la santé. Certes, le PQ a commis de graves erreurs que Lucien Bouchard a lui-même reconnues, mais la crédibilité du gouvernement n'est pas plus forte. Compte tenu des engagements pris en 2003 et réitérés maintes fois par la suite, son bilan est pour le moins gênant. Il est vrai que des milliards additionnels ont été investis dans le réseau, mais le problème demeure entier.
Hier, Mario Dumont a enfourché le cheval à son tour, accusant le premier ministre de manquer de respect envers la population en refusant de parler de santé. S'il y a un sujet sur lequel on ne peut pas accuser le chef adéquiste de s'être comporté comme une girouette, c'est bien celui-là. Il a toujours plaidé en faveur d'un système de santé mixte public-privé. On peut ne pas être d'accord avec lui, mais sa position a au moins le mérite de la clarté.
Depuis le départ de Philippe Couillard, les libéraux sont bien moins outillés pour débattre de ces questions. Pendant des années, l'assurance et les talents de communicateur de M. Couillard ont permis au gouvernement de donner le change, mais son successeur, Yves Bolduc, est nettement moins convaincant.
Dès le premier jour de la campagne, M. Charest a clairement dit à quelle question il souhaitait que les électeurs répondent dans le secret des urnes: à qui faites-vous confiance pour permettre au Québec de traverser la crise? Dans son esprit, la réponse va de soi, mais si la question était autre?


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