Surréalisme politique Québec / Canada

Tribune libre

A priori, les derniers mois nous auront éprouvés comme peuple. Nous craignions quelque disparition de valeurs fondamentales de société au profit du consumérisme barbare. Il n’en est pourtant rien, si nous y voyons de plus près. La présente élection laissa cours à une surenchère du jeu de l’offre et de la demande néolibérale. Après une élection à l’arraché, Pauline Marois fut finalement consacrée première ministre. Il s’en fallut de peu pour que les dieux de la tragédie l’arrachent à ce fait d’armes pionnier.
Depuis le printemps érable, le destin du Québec emprunte une route impérissable. Nous aurions le heurt d’être déçus de la présente élection, il nous faut cerner les moments de maturation nécessaires pour permettre à notre nation de s’illustrer. Après le tumulte du printemps, le peuple escompte une accalmie passagère. La défaite du gouvernement de Jean Charest nous laisse espérer un moment de répit. Il convient de revenir sur les entrefaites de ce qui s’est passé ce 4 septembre 2012.
Avant même l’irruption de l’attentat politique au Métropolis, nous avons fait face à cette éventualité d’un gouvernement minoritaire attendu. Nous devons compter la défaite du PLQ comme un des tournants de notre vie politique. Quoi qu’il en soit, les résultats quasi identiques de la députation montréalaise à l’exception plus que remarquée de Françoise David consacrent un état de faits qui témoigne du conservatisme de nos mœurs politiques. Même malgré les plus grandes tempêtes, la plupart des bastions résistent tant bien que mal.
Nul ne s’y trompera : nous avons assisté à un rare moment de notre vie politique où le climat politique surchauffé aura laissé libre cours à une haine à peine voilée de s’exprimer et trouver son débouché fatal en actes. Le contexte médiatique, le long printemps qui opposa plusieurs sphères de la société et le règne ininterrompu du PLQ de Jean Charest durant neuf ans auront laissé s’installer un climat de peur et de haines instillées au cœur de la population. Le «bashing» médiatique contre les Québécois-es est parfois consternant et nous le comprenons d’une certaine manière : il nous faut toutefois prendre gare d’aller irrémédiablement contre le destin et la volonté d’un peuple.
Depuis que le caporal Lortie s’est aventuré en pleine Assemblée Nationale et que la Polytechnique fut la scène d’un drame inoubliable, nous connaissons la vulnérabilité de nos existences. Bien sûr, nous avons également connu les événements d’Octobre 1970 au cours de notre courte histoire. Nous devons toutefois comprendre la tentative d’assassinat contre la personne de Pauline Marois comme une occurrence malheureuse et imméritée. Habituellement, une tentative d’assassinat politique a pour effet de renforcer le pouvoir de celui-celle qui survit à l’épreuve. Prenons en acte dans la suite des choses.
Avec abnégation, il nous faut nous rendre devant quelques évidences d’ordre politique. L’inlassable guerre de tranchées entre le Parti libéral du Québec et les souverainistes ont laissé quelques marques. Comme toujours, l’électorat anglophone et immigrant reste rétif quant aux alternatives politiques. Il nous faudra suivre attentivement les péripéties de la commission Charbonneau. Toutefois, il faut tenir compte du facteur temps : les libéraux ont largement eu l’occasion d’effacer et dissimuler certaines traces de collusion et de corruption derrière eux.
Devant le statut quo actuel, il est difficile de déterminer de la marche à suivre pour le rassemblement des indépendantistes. Chose certaine, le vote progressiste doit se ramener au centre, même de gauche. Il nous faut opposer des forces vigoureuses à la dilution et l’érosion des politiques sociales par le courant du néolibéralisme. À chaque candidat de gauche élu dans un petit parti, nous passons par-dessus l’opportunité de voir quelques talents politiques de premier ordre. Il nous faut œuvrer au rassemblement d’une alternative gouvernementale crédible dans les prochaines années et pour l’opportunité des élections à venir. Vous m’accuserez de viser le pouvoir : je vous rétorquerai que nous sommes à même de mener nos destinées en formant un gouvernement. Ce même gouvernement doit se montrer digne de mettre de l’avant les mesures que nous réclamons au tournant d’une mutation nécessaire.
À court terme, la bulle Legault s’est dégonflée. Toute spéculation concernant son avenir dépendra en partie de la tenue du Parti Québécois d’ici la prochaine élection. Option Nationale et Québec solidaire ont deux élections – ou l’équivalent d’un terme de quatre à huit ans – pour s’établir comme un parti majeur. Au cours de la dernière campagne, j’ai défendu la pertinence d’Option Nationale contre vents et marées. La défaite de Jean-Martin Aussant dans Nicolet-Bécancour fut difficile à avaler. Je profite de l’occasion pour nous mettre en garde contre la tentation du «wishful thinking» quand vient le moment de choisir un parti politique qui tiendra les rênes du destin québécois. Ce même «wishful thinking» nous amène généralement à considérer le parti de notre préférence comme pouvant aspirer au pouvoir. Il ne faut jamais rien tenir pour acquis.
Globalement, l’élection qui tranchait les enjeux soulevés au cours du printemps érable nous aura permis d’entrevoir la fin de la hausse décrétée par le gouvernement Charest. Voilà que le PQ de Pauline Marois se lance dans l’apologie de l’indexation comme principe menant à une éventuelle hausse. Sous réserve, je ne crois pas que ce soit la solution. Par contre, si nous tenons compte des impératifs politiques à court terme et que nous respectons l’intention originelle de Mario Dumont, nous devons également annuler la hausse de 2007. Dans une autre vie, Mario Dumont fut un politicien. L’indexation des frais de scolarité qu’il a érigée en principe peut, à la lumière de ce que nous avons vécu comme hausses successives, sembler souhaitable comme position de compromis. Sachez bien ici que je ne renonce en rien à l’éventualité de la gratuité scolaire comme politique intégrante du caractère social-démocrate québécois.


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5 commentaires

  • Élie Presseault Répondre

    9 septembre 2012

    «Françoise David !? Encore ! David n’a rien trouvé de mieux à faire que battre Nicolas Girard, un député exceptionnel. Ce n’est pas une sainte, David, c’est une mesquine et une vaniteuse.»
    Alexis Simard, les intérêts de la nation et du Parti Québécois commandaient d’aménager quelque forme d’accommodement pour ces deux candidats politiques de haute valeur, furent-ils de partis différents. Puissent-ils envisager la prochaine élection dans un esprit différent et abolir la tendance partisane mur à mur s’ils envisagent réellement la possibilité de réaliser l’indépendance politique du Québec. Ceci étant dit, Françoise David n’a pas uniquement des qualités et nous avons vu ce qui pouvait apparaître comme une forme de vanité.
    «Je ne crois pas que, dans les conditions actuelles, nous ayons les moyens budgétaires pour se payer la gratuité scolaire mur à mur.»
    M. Savoie, vous pouvez avoir droit à votre façon de percevoir le mode de règlement des causes politiques en sursis. Pour ma part, la gratuité scolaire devrait vraisemblablement venir un jour. Quant à savoir si elle viendra avant ou après l’indépendance du Québec, le peuple québécois a le dernier mot. Il faudra bien sûr régler le contentieux de l’actuel mouvement de grève étudiante et que le décret soit déposé en bonne et due forme pour annuler la hausse décrétée en 2010 par le gouvernement Charest. Quant à l’indexation qui réenclenchera un mouvement à la hausse des frais de scolarité, laissons les diverses parties se faire entendre au prochain Sommet sur l’éducation. Comme je l’ai soutenu à la fin de mon texte, il est difficile de surseoir à quelque logique en ce qui concerne une indexation pure et simple.
    «Les indépendantistes qui s’enfargeraient dans le « dogme » de la gratuité scolaire, et même à gauche, de toutes les gratuités possibles et inimaginables […], ne manqueraient pas d’idéal, […] mais ils manqueraient de réalisme politique et d’imagination. C’est pour très, mais très longtemps, que le pouvoir leur échapperait. […] C’est l’imagination et la fidélité qui écrivent encore l’Histoire, non pas les « dogmes » […].»
    Si un pouvoir nous échappait mais non pas un dogme, c’est précisément cette vocation actuelle de demi-État qui nuance le sens des priorités à donner aux causes. Si clairement l’indépendance redevient LA priorité, les partis devraient effectivement mettre de l’eau dans leur vin pour réenclencher le sens du mouvement historique. Le pouvoir redonné aux indépendantistes constituerait un revers de fortune intéressant pour la suite des choses.

  • Marcel Haché Répondre

    9 septembre 2012

    Ceux pour qui le pouvoir n'a pas d'importance feraient bien de se regrouper dans un mouvement, ce qui serait parfaitement légitime, mais plus approprié.
    Et ceux qui croient qu'O.N. et Q.S. ont tout à fait raison de faire de la gratuité scolaire qui un immense cheval de bataille, qui un cheval de Troie, auraient tout à fait raison de fermer les livres de leurs partis respectifs, et ces derniers de suivre ensuite les premiers pour s'invertir dans un mouvement quelconque, parfaitement légitime aussi.
    Y a parfois comme la nécessité de mettre un peu-juste un ti-peu- d'eau dans son vin. C'est, après tout, ce qu'a longtemps fait avec succès tout le vieux peuple canadien-français, mettre de l'eau dans son vin, ce dont maintenant tous les québécois que nous sommes pouvons profiter. Ceux avant Nous ont dû souvent faire compromis, mais de manière très « politique », sans qu’ils n’aient jamais renoncé à ce qu'ils étaient.
    Les indépendantistes qui s'enfargeraient dans le « dogme » de la gratuité scolaire, et même à gauche, de toutes les gratuités possibles et inimaginables suggérés par l’étatisme de notre demi-état, ne manqueraient pas d'idéal, certes non, certes non, mais ils manqueraient de réalisme politique et d'imagination. C'est pour très, mais très longtemps, que le pouvoir leur échapperait.
    C'est l'imagination et la fidélité qui écrivent encore l'Histoire, non pas les « dogmes », faits pour les perroquets, et qui sont bien secondaires et tout à fait négociables, si on y pense un peu, et toujours relégués à l’histoire, si on y pense un peu plus.
    Et c’est bien précisément ce que Nous verrons avant longtemps qu’il arrivera au Canada… devenu si obtus et dogmatique. Avis tout particulier à nos « amis » si obtus et dogmatiques de La Presse et de Radio vous savez quoi…

  • Jean Archambault Répondre

    9 septembre 2012

    Je l'ai dit et redit : ce sont les partis historiques qui font l'indépendance: Fianna Fail (Irlande), Frelimo (Mozambique), ANC (Afrique du Sud, OLP (Palestine), FNL (Algérie, Fretilin (Timor Oriental), Parti du Congrès (Inde), Néo-Destour (Tunisie), Vietminh (Vietnam), MPLA (Angola, etc. L'indépendance du Québec se fera par le PQ. L'émergence d'autres partis indépendantistes plus radicaux est une perte d'énergies. Il faut apprendre de l'histoire des peuples qui sont devenus indépendants à la suite d'une colonisation.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 septembre 2012

    Je ne crois pas que, dans les conditions actuelles, nous ayons les moyens budgétaires pour se payer la gratuité scolaire mur à mur. À moins, bien entendu, que nous décidions collectivement d’abolir la fonction publique fédéral sur notre territoire économisant ainsi des $ milliards. Mais encore faut-il se donner les moyens d’enclencher le processus d’indépendance. Difficile d’espérer que le gouvernement péquiste minoritaire puisse en avoir la marge de manœuvre. Il faudrait aussi dépasser les ressentiments et reconnaître lucidement que nous sommes engagés dans un inconfortable blocage politique.
    Option Nationale n’abandonnera jamais sa volonté de réaliser l’indépendance par la voie la plus démocratique qui soit : une loi adoptée à la majorité des sièges à l’assemblée nationale. Puisque le peuple cherche une porte de sortie, nous pouvons prévoir un glissement encore plus important de l’électorat vers Option Nationale. Il est probable aussi que le parti puisse rassembler environ 10,000 membres aussi tôt qu’à la fin avril 2013 et qu’il possède des moyens financiers importants. Je crois donc que la façon la plus efficace pour forcer un changement au sein du PQ reste sans contredit la poursuite du renforcement des forces progressistes d’ici le prochain scrutin qui ne devrait pas être trop tard.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 septembre 2012

    Françoise David!? Encore!
    David n'a rien trouvé de mieux à faire que battre Nicolas Girard, un député exceptionnel. Ce n'est pas une sainte, David, c'est une mesquine et une vaniteuse.