Stéphane Dion rend son tablier

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Stéphane Dion a confirmé qu'il quittera la direction du Parti libéral du Canada lorsqu'un nouveau chef sera nommé, à l'issue d'un congrès au leadership. Photo: PC

Gilles Toupin - (Ottawa) Le chef du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion, a annoncé qu'il quittera la direction du PLC et son poste de chef de l'opposition officielle lorsque le parti lui aura choisi un successeur.
Six jours après sa cuisante défaite, lors des élections générales du 14 octobre, M. Dion a confié qu'il s'était «laissé prendre au jeu» de la politique après que Jean Chrétien et Paul Martin lui eurent confié d'importantes responsabilités.
«J'ai passé les derniers jours à réfléchir, à penser à mon pays, à mon avenir, comme c'était ma responsabilité», a-t-il dit à l'Amphithéâtre national de la presse à Ottawa. Et c'est à la suite de cette réflexion et après avoir consulté sa famille, ses amis et plusieurs de ses collègues qu'il a décidé de passer le relais.
M. Dion a souligné que son plan vert, le Tournant vert, «aurait fait du Canada un pays plus juste et plus vert pour nos enfants».
«J'y croyais», a-t-il lancé.
«J'ai informé le président du PLC et le président du caucus national de mon intention de demeurer chef de mon parti jusqu'au moment du choix d'un nouveau chef», a ensuite déclaré M. Dion, question «d'assurer une transition ordonnée et réussie».
M. Dion n'a pas voulu dire s'il sera candidat aux prochaines élections.
«Une chose à la fois», a-t-il affirmé.
Les libéraux ont obtenu l'un des pires résultats de leur histoire mardi dernier en ne récoltant que 76 sièges et 26,2% du vote populaire. À la suite des élections de 2006, le parti avait 103 représentants à la Chambre des communes.
Peu de libéraux, selon des sources, ont tenté de convaincre M. Dion de ne pas démissionner, même si certains estimaient que le chef avait droit normalement à une deuxième chance.
M. Dion a passé les derniers jours, depuis mardi dernier, reclus dans sa résidence du chef de l'opposition officielle à Stornoway. Seuls quelques conseillers, dont sa chef de cabinet Johanne Sénécal, ont eu accès à lui.
L'ancien ministre libéral de la Justice, Martin Cauchon, a été l'un des premiers à rendre hommage à M. Dion en affirmant qu'il avait joué un rôle clé dans l'effort de reconstruction du Parti libéral.
La plupart des commentateurs ont attribué la défaite cuisante de M. Dion le 14 octobre dernier à son plan vert, Le Tournant vert, qui mettait de l'avant une taxe sur le carbone qui elle-même devait être compensée par de généreuses baisses d'impôt.
Le Parti libéral du Canada se retrouve donc aux prises à nouveau avec une éventuelle course au leadership. Le prochain congrès du PLC est déjà programmé pour le mois de mai 2009.
Déjà plusieurs éventuels successeurs se profilent, dont Michael Ignatieff, Bob Rae, Martha Hall Findlay, John Manley, Gerard Kennedy et Martin Cauchon.
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La carrière de Dion marquée par son combat pour l'unité

Stéphane Dion a consacré l'essentiel de sa vie à la politique. D'abord à l'étudier et à l'enseigner, puis à la pratiquer pendant plus de dix ans. Photo: PC

Karine Fortin - Jusqu'au 14 octobre, le chef démissionnaire du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion, se plaisait à dire qu'il gagnait à être connu et qu'il était capable de beaucoup plus que ce que ses adversaires laissaient croire.
«J'ai toujours été sous estimé et ça m'a toujours bien servi», notait-il après son élection surprise à la tête du parti, en décembre 2006.
Gagner une élection contre le conservateur Stephen Harper s'est toutefois révélé au-dessus de ses capacités. En dépit de ses efforts, son parti a obtenu le plus faible résultat de son histoire au dernier scrutin.
Selon les observateurs de la scène politique, cette dégringolade rendait son départ inévitable. Il y a toutefois fort à parier que les Canadiens continueront à entendre parler de lui.
Stéphane Dion a en effet consacré l'essentiel de sa vie à la politique. D'abord à l'étudier et à l'enseigner, puis à la pratiquer pendant plus de dix ans.
Ses débuts à la Chambre des communes ont été difficiles mais, avant le 14 octobre, il avait effectué un parcours quasi sans faute sur la scène fédérale.
Détenteur d'une maîtrise en sciences politiques de l'Université Laval et d'un doctorat en sociologie de l'Institut d'études politiques de Paris, M. Dion était professeur à l'Université de Montréal, quand il a reçu un coup de fil de Jean Chrétien dans les mois suivant le référendum sur la souveraineté de 1995.
En dépit des conseils de son père, le politologue Léon Dion, qui y voyait une «terrible erreur», cet intellectuel réputé connu comme un ardent défenseur du fédéralisme a accepté, sans attendre d'être élu, le portefeuille des Affaires intergouvernementales.
Dans les faits, il s'agissait de travailler à restaurer «l'unité nationale». Cette tâche à laquelle il s'est attaqué avec passion lui a valu d'être qualifié de «père de la clarté» à cause de la loi qu'il a fait adopter en 2000 et qui établit les conditions d'une éventuelle acceptation de l'indépendance du Québec par l'État canadien.
Ce texte a fait de lui un héros hors de sa province d'origine, mais il est devenu un paria parmi les siens. Des caricaturistes l'ont dépeint comme un rat pendant des années. Une décennie plus tard, il est encore ouvertement détesté de nombreux souverainistes qui le considèrent comme un ennemi de la démocratie.
Le professeur a fait son entrée au Parlement fédéral à la faveur d'une élection partielle dans les mois suivant sa nomination, en 1996. Il a été réélu en 1997, 2000, 2004, 2006 et 2008, toujours dans la circonscription de Saint-Laurent-Cartierville, sur l'île de Montréal.
Pendant la lutte fratricide pour le pouvoir au sein du Parti libéral du Canada (PLC), il est toujours resté fidèle à celui qui lui avait donné sa chance, Jean Chrétien, ce qui lui a valu d'être exclu du cabinet pendant six mois par le premier ministre suivant, Paul Martin. Il a aussi survécu sans trop d'égratignures au scandale des commandites, qui a entaché la réputation de certains de ses collègues.
Après son purgatoire, il a été nommé à l'Environnement et a présidé d'une main sûre la Conférence de Montréal sur les changements climatiques, un dossier qui lui tient particulièrement à coeur. Récemment, il a même affirmé que la lutte contre le réchauffement de la planète constituait le combat de sa vie.
M. Dion avait même fait de sa stratégie de réduction des gaz à effet de serre la clef de voûte de son programme électoral. Ce «Tournant vert», qui prévoyait entre autres l'imposition d'une taxe sur le carbone, serait en partie responsable de l'érosion des appuis du PLC en Ontario et dans les Maritimes.
Le politicien ne bénéficiait pas suffisamment d'appuis au sein de son parti pour rester aux commandes après la défaite. Il n'a jamais réussi à s'imposer comme chef et il est demeuré dans l'ombre de ses anciens rivaux - particulièrement Michael Ignatieff et Bob Rae - qui se disputeront vraisemblablement sa succession.
Stéphane Dion a 58 ans. Il est marié à Janine Krieber, elle-même professeur et spécialiste des questions de sécurité nationale. Le couple a une fille adulte, Jeanne, et possède aussi un chien huskie baptisé Kyoto.


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