Jusque dans sa manière de tirer à demi sa révérence après la défaite crève-coeur de son parti, le libéral Stéphane Dion affiche la maladresse qui, souventes fois, marqua son parcours de chef incapable de rallier troupes libérales et population.
M. Dion a annoncé hier qu'il quittera son poste de chef du PLC, mais une fois seulement qu'un successeur lui sera désigné. Au nom d'une «transition ordonnée et réussie», il garde un pied dans la ronde, et s'improvise gardien de l'ordre jusqu'à ce qu'un meneur plus solide tente à son tour d'influer sur le cours des choses.
Hier déjà, au sein du caucus libéral, on grognait contre cet élan d'opiniâtreté: le clan libéral a besoin de calme pour désigner celui ou celle qui permettra au PLC de refaire une unité malmenée, mais la seule présence de M. Dion jusqu'au printemps encore est contraire à cette tranquillité politique. Pendant qu'à Ottawa un nouveau gouvernement minoritaire s'apprête à diriger sur fond de crise financière, il affirme qu'il restera porte-voix d'un parti désenchanté. Dans le contexte, on doute de ses capacités à devenir soudainement un interlocuteur crédible.
Comme le disait hier le sénateur libéral Francis Fox, cette «autoproclamation» de M. Dion comme chef intérimaire n'annonce rien qui vaille. Lorsqu'un chef déchu a l'humilité de reconnaître son inefficacité à la tête d'un parti, mieux vaut qu'il s'efface entièrement pour permettre une réfection ordonnée.
La politique n'est pas généreuse avec les leaders qui n'auraient pas suffisamment d'étoffe. Quand le pointage n'est pas assez élevé pour mener à la victoire, des voix s'élèvent: au suivant! Avec 26 % du vote populaire le 14 octobre dernier, la pression était devenue insoutenable. M. Dion ne pouvait pas demeurer en poste.
Pour expliquer son départ, il invoque sa «vulnérabilité», qu'il impute essentiellement à la campagne de dénigrement des conservateurs et au manque de moyens financiers des libéraux. Il n'a pas tort. Mais de cette vulnérabilité, qui est aussi intimement sienne, que ne savait-on pas au congrès qui le consacra en 2006?
L'être cérébral parfois maladroit qui n'a pas démontré le plus vibrant des instincts politiques a été fidèle à lui-même. Certes, il incarnait une intégrité nécessaire, après un scandale lourd de conséquences, mais sa crédibilité politique a parfois vacillé. Oui, il symbolisait le studieux aux bonnes idées, mais il fut souvent impuissant à les vulgariser. Bien sûr, il représentait le champion de l'unité canadienne, mais son reflet de M. Canada lui valut des airs sceptiques du côté du Québec.
Pour une opération de renouveau telle que les libéraux en avaient besoin, Stéphane Dion s'apparentait davantage à un accident de parcours qu'à une solution porteuse. Les libéraux se trompent s'ils croient qu'en troquant le chef, ils auront effacé tous les problèmes. L'échec de M. Dion ne tient pas qu'à son impuissance comme leader, mais aussi à l'état démembré du parti qu'il a récolté.
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