Les Québécois sont des bloquistes. Pas dans le sens politique du terme, puisque l'appui au Bloc québécois, à 34%, est relativement modeste (sic). Pas non plus en raison de l'option que défend ce parti, qui n'a pas vraiment le vent dans les voiles (sic).
La bloquisation du Québec - excusez le néologisme - est d'abord et avant tout un phénomène culturel. C'est dans leurs réflexes et leurs attitudes que les Québécois sont viscéralement bloquistes. Cela s'exprime par un éternel mécontentement face au Canada et au gouvernement fédéral, une culture du «chialage» systématique, qui fait des Québécois d'éternels ados, boudeurs, revendicateurs, profondément narcissiques, et qui se perçoivent invariablement comme des victimes.
Cette culture bloquiste fait des progrès. Si il est naturel que le Parti québécois l'ait adoptée, il est plus étonnant de voir les libéraux de Jean Charest de joindre ses rangs. Le premier ministre a découvert les vertus de l'affrontement: après avoir été hostile aux conservateurs en campagne électorale, c'est de plus en plus sur le mode de l'indignation et du mécontentement que se déroulent ses échanges avec Ottawa. Pourquoi? Parce que c'est politiquement rentable. Dans notre culture bloquiste, c'est un détour obligé pour qu'un politicien puisse prouver sa ferveur nationaliste et montrer qu'il défend les intérêts du Québec. C'est ça le drame.
Paradoxalement, les seuls qui résistent à la vague sont les adéquistes, pourtant autonomistes, sans doute pour éviter les affrontements avec leurs alliés conservateurs. L'ADQ fait néanmoins front commun avec les libéraux et les péquistes dans une pratique qui est l'expression ultime de la bloquisation: les fameuses motions unanimes de l'Assemblée nationale, un rituel qui, le plus souvent, sert à exprimer sur un mode pompier cette indignation consensuelle.
Il ne s'agit pas de tout accepter, de «plier l'échine», comme le dirait Pauline Marois. Les tensions sont normales dans un régime fédéral. Et c'est dans le mandat des politiciens québécois de défendre les intérêts du Québec. Mais peuvent-ils réagir comme de grandes personnes? Cela exigerait, entre autres, de tenir compte des contraintes et des problèmes de nos vis-à-vis.
Par exemple, dans le dossier de la péréquation, si le gouvernement Charest voulait se distinguer de Gilles Duceppe, il pourrait, tout en critiquant la révision unilatérale de la formule par Ottawa qui provoquera ici un manque à gagner, reconnaître que le gouvernement fédéral vit une crise financière beaucoup plus grave que celle du Québec. Il pourrait aussi admettre que le fait que l'Ontario soit devenue une province «pauvre» dans les calculs de péréquation montre que la formule actuelle n'a pas de sens et que le système doit être revu.
Dans le dossier des valeurs mobilières, maintenant que le gouvernement fédéral a reculé dans son budget et, dans un esprit d'asymétrie, ne veut plus imposer un organisme unique aux provinces qui n'en veulent pas, comment se fait-il qu'on fasse encore la baboune? Qu'est-ce qu'on voudrait? Empêcher les provinces qui le veulent de s'associer au projet fédéral?
La palme revient certainement à la chef péquiste Pauline Marois, indignée que l'Ontario reçoive 4 milliards dans le budget alors que le Québec perd 1 milliard. La formule est belle, mais l'arithmétique est boiteuse. [L'aide à l'Ontario, surtout pour l'industrie automobile, n'est pas un transfert, mais un simple prêt.->16195] En outre, le résultat net du budget fédéral n'est pas que le Québec se retrouve avec 1 milliard en moins.
Mais surtout, un politicien québécois adulte devrait être capable de reconnaître que la récession qui frappe l'Ontario est beaucoup plus sévère que celle qui touche le Québec. Et que c'est donc un peu normal que le gouvernement central s'en occupe. On pourrait accepter ça, au lieu de bouder et de s'indigner.
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Bloquisme canadian?
"Comment réagir ? En principe, il y a un rituel canadien pour la chose. Au Québec, il faut être contre, parce que l’auto, c’est en Ontario. De la même façon que les Ontariens dénoncent invariablement le soutien à l’aérospatiale, même si cette aide a donné des fruits. Ou que les gens de l’Ouest s’indignent des règles sur les brevets qui favorisent une industrie pharmaceutique concentrée à Montréal. À l’inverse, le torontois National Post, allergique à l’aide étatique, a marché sur ses principes cette semaine pour appuyer une aide à l’automobile. Bref, la loi du clocher."
[Aider l’Ontario ?->16195]
Alain Dubuc
www.cyberpresse.ca
dimanche 16 novembre 2008
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