(Québec) Pendant que le Tout-Ottawa s'interroge sur la survie du gouvernement Harper au dépôt du budget Flaherty, c'est le partage des fonds prévus dans ce budget qui intéresse les provinces. Le partage, dans un régime fédéral, c'est un peu comme un héritage. Lorsqu'il n'y a rien à distribuer, tout se passe bien. Mais lorsque l'héritage est important, il y a parfois des frictions dans la famille.
Jean Charest en sait quelque chose : il n'y a pas six mois, il se vantait encore de sa belle collaboration avec le premier ministre ontarien Dalton McGuinty. Il s'émerveillait de la force du «Canada central (Québec-Ontario)» sur les grands enjeux environnementaux ou économiques. McGuinty avait même déplacé son Conseil des ministres au Château Frontenac, pour démontrer à quel point les deux provinces travaillaient la main dans la main. Et voilà qu'arrive la récession, avec l'annonce d'une enveloppe de 64 milliards $ sur deux ans pour y faire face. C'est là que les provinces entrent en compétition les unes avec les autres.Méfiance
Il y a deux semaines, lorsque les partis à l'Assemblée nationale ont négocié le libellé d'une motion sur l'économie, le PQ demandait au départ que l'aide au Québec soit proportionnelle à celle qui a été consentie à l'industrie ontarienne de l'automobile. Le PQ s'est ravisé lorsqu'on lui a fait valoir que les autres provinces pourraient demander que l'on tienne compte de l'aide fédérale accordée à l'industrie aéronautique du Québec. Il y a toujours un danger lorsqu'on s'engage dans un exercice de comparaison.
La méfiance du gouvernement Charest est d'autant plus justifiée que Stephen Harper a fait un petit cadeau à Dalton McGuinty, le 24 décembre, en accordant un statut spécial aux dividendes versés par Hydro One au gouvernement ontarien. Le gouvernement Charest estime à 250 millions $ le montant que lui vaudrait un traitement similaire aux dividendes versés par Hydro-Québec.
Bref, la confiance n'est pas au rendez-vous, et les rumeurs d'ententes secrètes entre McGuinty et Harper se font nombreuses à Québec.
Ces rumeurs ont pris du poids depuis que l'Ontario a pris ses distances de la bataille menée par Jean Charest pour bloquer les changements imposés par Ottawa à la péréquation. Raison de plus pour scruter attentivement le budget Flaherty.
Dans les provinces, l'étude de ce budget sera donc faite avec deux préoccupations en tête :
1 - Les mesures annoncées seront-elles efficaces pour contrer la récession?
2 - L'aide fédérale sera-t-elle distribuée équitablement?
La réponse à la première question n'est pas évidente. Même les économistes ne s'entendent pas sur les solutions.
La réponse à la deuxième question est plus alambiquée. D'un point de vue fédéral, l'intervention devrait normalement cibler en priorité les secteurs économiques ou les régions les plus touchés par la récession. L'Alberta, par exemple, n'en souffre pas autant que l'Ontario. Le Québec pourrait en souffrir autant, mais pas aussi rapidement. L'industrie ontarienne de l'auto a déjà envoyé brutalement des milliers de personnes au chômage, alors que le ralentissement au Québec se fait sentir plus progressivement.
Harper, stratège
Bref, le gouvernement fédéral devrait tenir compte de tous ces facteurs pour mieux cibler son intervention. Mais Stephen Harper a trop fait de stratégie politique dans le passé pour ne pas être soupçonné d'avoir mêlé ses intérêts partisans à la mise au point de son budget.
Pour Jean Charest, qui a cassé du sucre sur le dos d'Ottawa au cours de la dernière année, il y a un risque réel. Pour le PQ et le Bloc québécois, qui sont en panne d'arguments pour relancer l'option souverainiste, il y a un potentiel tout aussi réel.
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