L'humiliation des commandites

Le rapport du juge John Gomery a été dévastateur pour Jean Pelletier. Selon lui, Alfonso Gagliano, aussi éclaboussé par le scandale, a été victime de sa naïveté.

Jean Pelletier 1935-2009


Peu de temps avant sa mort, l'ancien maire de Québec a accepté de se confier pendant 10 heures à notre chroniqueur Gilbert Lavoie. Un témoignage puissant où il nous parle à coeur ouvert de sa vie, de sa maladie, de ce qu'il souhaite que l'histoire retienne de lui. »
L\'humiliation des commandites

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Le rapport du juge John Gomery a été dévastateur pour Jean Pelletier. Selon lui, Alfonso Gagliano, aussi éclaboussé par le scandale, a été victime de sa naïveté.
Le Soleil, Laetitia Deconinck
Jean Pelletier n'a pas eu le temps de rédiger ses mémoires. Mais en août dernier, il a accepté de donner une série d'entrevues pendant l'automne à notre chroniqueur Gilbert Lavoie, pour publication après son décès. Nous publierons des extraits de ces entretiens d'ici les funérailles. Le 22 décembre, M. Pelletier nous a également accordé une entrevue télévisée dont vous verrez les principaux extraits au cours des prochains jours, sur le site Internet du SOLEIL. à cyberpresse.ca/le-soleil. (3 de 4)
Jean Pelletier : Le Programme des commandites, dans notre pensée, n'a jamais existé comme tel. Au début de février 1996, à la suite du rapport d'un comité présidé par Marcel Massé, le cabinet avait décidé de faire une foule de choses, dont augmenter la visibilité fédérale. C'était un programme politique, mais ce n'était pas un programme partisan. C'est le Canada qu'on vendait, ce n'était pas le Parti libéral. Le scandale, et scandale il y a, ce n'est pas le programme lui-même, c'est que, dans l'administration financière, il y a des gens qui ont bénéficié de conditions indues de contrats et qui ont surfacturé. Mais ça, très franchement, ça regarde pas du tout le bureau du premier ministre.
Dans son rapport, Gomery part en disant : «À la demande du premier ministre, son chef de cabinet dirigeait le programme.» Je n'ai jamais dirigé le programme. Dans le livre de François Perreault, le directeur des communications de la commission, Perreault dit qu'un mois après la comparution de Chrétien, il a demandé au juge Gomery si la comparution de l'ancien premier ministre avait été capitale. Gomery a dit : «Oui. Une fois qu'il eut témoigné, je savais qui étaient les responsables.»
Alors, je me suis dit : «Il faut que je relise le verbatim de Chrétien.» Je l'ai fait venir d'Ottawa. Gomery n'a jamais demandé à Chrétien : «Est-ce que votre directeur de cabinet dirigeait le programme?». Ce qu'il a demandé à Chrétien, c'est : «Qui, à votre bureau, était responsable du dossier de l'unité nationale?»
Et Chrétien a dit : «C'est Jean Pelletier.» De là il a conclu que je dirigeais le programme des commandites. Il n'avait rien sur quoi s'appuyer pour dire cela.
Gomery n'a rien compris du fonctionnement du gouvernement quand il a attribué des pouvoirs administratifs aux employés politiques des ministres et du premier ministre à l'égard de programmes de dépenses du gouvernement. On n'a aucun pouvoir. Alors, il m'a accusé de ne pas avoir mis en place des mécanismes de contrôle. Ce n'était pas à moi de mettre des mécanismes de contrôle, c'était au ministère ou au Conseil du Trésor.
Ce qui s'est passé dans les commandites, c'est horrible. Il y a des gens d'agences qui ont volé le gouvernement, avec la complicité d'un haut fonctionnaire fédéral, Guité.
Q Devant la commission Gomery, vous avez révélé avoir bloqué la nomination au sénat de Jacques Corriveau, l'un des acteurs des commandites. Que s'est-il passé?
R Un jour, on a eu des nominations à faire pour le Québec et on a passé en revue la liste des noms. Quand on est arrivé au nom de Jacques Corriveau, j'ai dit à Chrétien : «Moi je le nommerais pas.»
Il m'a dit : «As-tu quelque chose?»
J'ai dit : «Non, j'ai rien, c'est mon pif!»
Il m'a dit «Pourquoi?»
J'ai dit : «Jean, quand on a été élu pendant 12 ans maire de Québec, on finit par développer une seconde nature. Les gens qui sont trop courtisans, je me méfie de ça comme la peste.»
Q Gagliano a-t-il payé pour les autres, là-dedans?
R Mon sentiment profond à moi? Gagliano n'a rien fait de croche et n'a rien autorisé de croche. Il a été utilisé par d'autres. Son péché, c'est la naïveté. Moi, je n'ai aucune raison d'avoir un dixième de un pour cent de soupçon sur Gagliano, et je répéterais ça publiquement n'importe quand.
Q J'imagine que cette période a été très dure sur le plan personnel...
R Écoutez, je me faisais insulter sur le trottoir à Québec. Quand tu as été maire de la ville et que tu reviens après avoir servi pendant 10 ans à Ottawa et que tu n'as absolument rien à te reprocher... Le bien le plus important, c'est son intégrité. Pour un homme public, c'est sa réputation. J'étais par terre. Je revenais à Québec, je me faisais engueuler dans les quincailleries, les magasins.
Q Il y a des gens qui vous interpellaient dans la rue?
R Je m'en vais chez Costco une journée. J'arrive à la caisse, et il y a un gros gars qui m'apostrophe devant le public : «Qu'est-ce que vous faites là, vous? Vous vous promenez en public? Mais vous devriez avoir honte de vous promener en public...
Voleur!»
Ç'a été très dur pour ma femme. Les gens changeaient de trottoir pour ne pas nous parler, des soi-disant amis nous ont laissés de côté. Quand j'ai commencé à gagner mes poursuites contre VIA Rail dans l'affaire de Myriam Bédard, là les gens ont dit : «Coudonc, il est peut-être pas si coupable que ça, c'est peut-être lui avait raison.» Là, ça a commencé à changer. Mais ce qui est sorti dans la presse, c'est le blâme.
Q Les démêlés judiciaires qui ont suivi les commandites et votre congédiement de VIA Rail ont-ils coûté cher?
R Ça va m'avoir coûté, de ma poche, après impôts, près de ou un peu plus de 500 000 $. J'ai réussi à travailler, puis à payer mes comptes, mais les 500 000 $, j'ai trouvé ça très lourd... Ce qui m'arrive à moi, cela arrive à beaucoup d'autres personnes. Et pour moi, c'est un frein à l'accès à la justice parce qu'il y a des gens qui vont être maltraités et qui n'oseront pas attaquer en cour la décision qu'ils prétendent erronées à leur égard.
J'ai causé de cela avec le bâtonnier général du Québec, Gérald Tremblay, qui est préoccupé par cela lui aussi. À la suite de ma conversation, je suis allé voir le ministre de la Justice du Québec, M. Jacques Dupuis, qui s'est dit réceptif à un amendement du Code de procédure civil à cet égard. Un comité du Barreau va prochainement lui faire des recommandations concernant cela. Moi, je n'en profiterai pas.
Puis il y a un abus de délais par les avocats, ça aussi ça n'a aucun bon sens. Mes procédures ont été prises à la fin de mars 2004. Ça fait presque cinq ans, et ce n'est pas fini, alors que dans le fond, c'était une question de réputation. Ça veut dire que pendant quatre ans, j'ai été obligé d'endurer les conséquences, puis à partir de là, l'esprit est fait, les gens disent : «Il est coupable», puis c'est fini... Alors, on a trouvé ça très dur.
Du mépris pour Paul Martin
Jean Pelletier : Quand je suis revenu à Ottawa en 1991, Paul Martin m'a invité à dîner et il m'a demandé si j'étais de son côté. Je lui ai dit que j'étais venu à l'invitation de M. Chrétien et que tant que M. Chrétien serait là, je lui serais loyal. Après cela on verra. À partir de là, il m'a mis sur sa liste d'ennemis.
Q Surprenant. Il y a une grande naïveté dans cette démarche?
R C'est un grand naïf. J'espère qu'il est naïf, sans cela, ce serait épouvantable. Je me suis aperçu, avec le temps, que Paul Martin n'avait pas accepté les résultats de la convention libérale de 1990. Ni lui ni sa gang. De 1990 à 2003, Martin a continué constamment à gruger l'autorité de Chrétien dans le parti. C'étaient toujours les autres qui faisaient des choses. Alors, il était hypocrite et menteur et quand il a pris le pouvoir, au lieu de rallier tout le monde, regardez ce qu'il a fait avec Manley, avec Copps, avec Rock. Il s'en est débarrassé.
Q Est-ce que vous l'avez confronté?
R J'ai eu une rencontre très importante avec Paul Martin, après les élections de novembre, en 2000. Le vendredi suivant, il demande à me voir. Il y avait des rumeurs de remaniement ministériel à ce moment-là et il voulait protéger certains de ses amis. Il venait faire ses commissions. J'ai pris ça en note tranquillement et quand il a eu fini, je lui ai dit : «Moi, j'ai quelque chose à dire : tu as essayé de sortir Chrétien au mois de mars.» Je suis convaincu que Chrétien voulait rester deux mandats, pas trois. Mais quand il s'est senti bousculé par la sortie, il a trouvé qu'avec deux gouvernements majoritaires de suite, il ne méritait pas ça. Il a décidé de rester et là, il vient d'avoir un troisième gouvernement majoritaire qui est plus fort que le deuxième. Paul apprend. À mon avis, Chrétien ne restera pas tout le mandat. Si tu es tranquille, la pomme devrait te tomber dans la main quand elle tombera de l'arbre. Ne recommence pas, Paul. La semaine suivante, ses gens au comité exécutif du parti recommençaient à grenouiller. Je me suis dit : «Il n'a pas appris de la vie.»
Q Ça devait créer une situation tendue parfois au sein du cabinet.
R Bien sûr. À ce moment-là, en 2000,
M. Chrétien a voulu le nommer aux Affaires étrangères. Eddie Goldenberg le dit dans son livre, c'est sur son insistance et la mienne qu'il a accepté de le laisser aux Finances.
Notre argument, c'est qu'en 2000 on n'avait pas encore repris complètement le contrôle des finances publiques. Et l'équipe Chrétien-Martin au contrôle des finances, ça marchait bien avec Bay Street. Alors, il a accepté notre avis. Il aurait peut-être mieux fait de l'envoyer aux Affaires étrangères...
Je n'ai que du mépris pour Paul Martin. C'est un homme méprisable qui a utilisé une fonction publique, une responsabilité publique d'une façon mesquinement égoïste.
Je n'ai pour lui que du mépris et vous savez qu'un homme méprisable, dans le dictionnaire Robert, il y a un mot pour cela. C'est un salaud. Et pour moi, Paul Martin, ça reste un salaud. Il est encore plus puni que n'importe qui : il a perdu le pouvoir, il n'a plus le respect de personne et il doit méditer. C'est sa propre vie qu'il a lui-même culbutée.
L'avenir du Canada
Jean Pelletier : Dans un pays à structures fédérales, il y a nécessairement une tension entre les pouvoirs. Alors, il y aura toujours une tension et il restera toujours un noyau dur au Québec de séparatistes ? je ne dis pas seulement de souverainistes ? qui alimenteront ce débat. Le Bloc se vante de servir les intérêts du Québec à Ottawa, mais je pense qu'il lui nuit. À la table du cabinet, il y a du give and take. Si une partie n'est pas là pour faire valoir ses intérêts, les autres ne se gêneront pas pour faire valoir les leurs à un moment donné. Il y a des postes plus stratégiques que d'autres. Si c'est toujours les autres qui les occupent, ça ne nous donne pas de chance.
On dit toujours que Chrétien était dur envers le Québec, mais le Québec était toujours dirigé à ce moment-là par un gouvernement péquiste. Je me souviens de ma fameuse rencontre avec Lucien Bouchard quand je lui avais dit : «Je ne comprends pas que Chrétien, qui vient de la Mauricie, et vous, qui venez du Lac-Saint-Jean, vous avez étudié le même cours classique, vous avez été à la même université, vous êtes diplômés de la même faculté de droit, vous êtes tous les deux avocats, vous n'êtes pas capables de vous enfermer deux jours dans un salon et de sortir avec un deal qui va être bon pour le Canada et pour le Québec pour un autre 100 ans.» J'ai dit cela à Lucien dans un voyage d'Équipe Canada en Asie, un soir qu'on mangeait ensemble.
Q Qu'a-t-il dit?
R Il a haussé les épaules et n'a pas répondu. Il sentait bien que j'avais raison. Il était pris par l'aile très dure de son parti et il ne pouvait pas bouger.
La vie en société, c'est fait de compromis. Je regarde les relations entre M. Harper et M. Charest. J'ai vu cela au 400e. Ça ne s'est pas accroché comme ça s'est accroché en 1984 parce qu'il y avait une bataille folle entre Trudeau et Lévesque. Cette année, il y avait deux gouvernements fédéralistes. Ils se sont arrangés pour avoir leur visibilité sans se casser du sucre sur la tête à tous les jours.
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Scandale des commandites et Via Rail: «Je me faisais insulter sur le trottoir»

Jean Pelletier, alors qu'il répondait aux questions du juge John Gomery, pendant la commission d'enquête sur le scandale des commandites en 2005. M. Pelletier a indiqué au Soleil qu'il soupçonnait le juge «d'avoir eu des commandes politiques et d'avoir livré la marchandise». Photothèque Le Soleil

Gilbert Lavoie
Le Soleil 13 janvier 2009
(Québec) S'il est un point sur lequel Jean Pelletier n'a pas cédé un pouce, c'est le scandale des commandites et son congédiement de VIA Rail qui l'ont humilié jusque dans les rues de Québec, et lui ont coûté plus de 500 000 $ en frais d'avocat. Les deux grands responsables de ces années difficiles : Paul Martin et John Gomery. Martin pour avoir déclenché une enquête publique pour «se venger», et Gomery pour lui avoir imputé à tort la responsabilité de la gestion des commandites.
C'est ce qui ressort des entrevues accordées au Soleil par M. Pelletier, dont nous publions mardi la 3e partie.
De Paul Martin, il retient le souvenir d'un «être méprisable», d'un «salaud». Quant à John Gomery, il le «soupçonne d'avoir eu des commandes politiques et d'avoir livré la marchandise».
Le plus grand regret de Jean Pelletier, c'est que le juge Max Teitelbaum de la Cour fédérale, qui a cassé les conclusions de Gomery à son endroit, en juin dernier, l'a fait dans un processus de révision judiciaire et ne s'est donc pas prononcé sur le fond de la question. Il a simplement statué que M. Gomery avait fait preuve de partialité. Or, Jean Pelletier aurait souhaité démontrer que le juge enquêteur a erré lorsqu'il lui a fait porter la responsabilité du dossier des commandites, alors que Jean Chrétien avait simplement déclaré à la commission qu'il avait la responsabilité de l'unité nationale.
Cet épisode de son passage à Ottawa ainsi que son congédiement de VIA Rail par le gouvernement Martin ont bouleversé sa vie. Il raconte avoir été humilié et injurié jusque dans les rues et les commerces du Québec, et avoir vu certains de ses amis l'éviter parce qu'ils le croyaient coupable.
«Quand j'ai commencé à gagner mes poursuites contre VIA Rail dans l'affaire de Myriam Bédard, là les gens ont dit : ?Coudonc, il est peut-être pas si coupable que ça?. Mais ce qui est sorti dans la presse, c'est le blâme».
Sur la liste d'ennemis de Paul martin
Les querelles de Paul Martin avec Jean Chrétien ont occupé une large part de ces entrevues. Jean Pelletier y révèle que, dès son arrivée à Ottawa, Paul Martin l'a invité à dîner au restaurant et lui a demandé s'il pouvait compter sur son appui. Il lui a répondu que sa loyauté irait à Jean Chrétien tant que ce dernier serait en poste. «À partir de là, il m'a mis sur sa liste d'ennemis.»
M. Pelletier dit avoir prévenu Paul Martin que ses magouilles pour forcer Chrétien à quitter auraient l'effet inverse. Il dit lui avoir conseillé d'attendre, mais en vain. «La semaine suivante, ses gens au comité exécutif du parti recommençaient à grenouiller.
«Je n'ai pour lui que du mépris. Et vous savez qu'un homme méprisable dans le dictionnaire Robert, il y a un mot pour cela. C'est un salaud. Et pour moi, Paul Martin, ça reste un salaud».
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Jean Pelletier : la suite des choses


Gilbert Lavoie
Le Soleil 17 janvier 2009
(Québec) «Est-ce que vous trouvez ça intéressant?»
Jean Pelletier m'a posé cette question à plusieurs reprises pendant nos entretiens à l'automne. Il n'était pas certain que ses souvenirs puissent intéresser le grand public, d'autant plus qu'il n'avait pas eu le temps d'enrichir ses propos de toute la documentation qu'il avait conservée, notamment de ses années à Ottawa. La réaction des lecteurs et des médias au cours des derniers jours a montré à quel point ce témoignage était précieux.
Les huit pages d'extraits de ces entretiens, publiées dans Le Soleil et La Presse de dimanche à mercredi, ne sont qu'une petite partie des quelque 100 pages de transcriptions recueillies. Il s'agissait des extraits les plus percutants ou davantage liés à l'actualité. Mais ce serait faire injure à l'histoire et à la mémoire de l'ancien maire de Québec que de mettre sur une tablette ce témoignage qui couvre plus de deux décennies de l'histoire du Québec et du Canada.
Au cours de nos rencontres, nous avons parlé des relations de Jean Pelletier avec les politiciens de son époque, dont
René Lévesque, qu'il aimait beaucoup, et Robert Bourassa, dont il ne s'est senti vraiment proche qu'au moment où l'ancien premier ministre a été atteint d'un cancer.
Même à la mairie de Québec, Jean Pelletier savait jouer du coude pour les intérêts de sa ville dans les officines gouvernementales. Quand ça n'allait pas avec le ministre, il trouvait un accès direct au premier ministre. Et au besoin, il a eu la tête de certains ministres, tant chez les libéraux que chez les péquistes.
Il a su jouer d'audace et d'imagination pour forcer la main d'Ottawa qui ne voulait pas ramener les trains au centre-ville de Québec. Mais il a dû capituler sur certains dossiers, dont celui de la construction des Terrasses du Vieux-Port, un projet du gouvernement Mulroney qu'il a été incapable de bloquer à cause des pressions de Robert Bourassa. «Pour un maire de Québec, résister au premier ministre de sa province dans la capitale, ce n'est pas simple. On peut payer son refus de toutes sortes de façons», a-t-il confié.
Et puis il y a le pont de Québec, une véritable «disgrâce», selon lui, compte tenu des obligations du Canadien National.
Jacques Chirac et l'international
La loyauté de Jean Pelletier à l'endroit de Jean Chrétien n'a jamais fait l'objet du moindre doute pendant toutes ces entrevues. Même chose pour son amitié envers Jacques Chirac, qu'il a connu pendant ses années à la mairie. Une amitié qui l'a bien servi une fois à Ottawa, dans le jeu politique que se livraient les souverainistes et les fédéralistes auprès de l'Élysée.
Il y a un chapitre fascinant sur cet épisode et les interventions de M. Pelletier pour court-circuiter les démarches de Louise Beaudoin dans la capitale française. On comprend mieux, à la lecture de ces notes, pourquoi Mme Beaudoin a quitté le Salon bleu, mercredi, au moment de l'hommage rendu par l'Assemblée nationale à l'ancien maire.
Bref, il y a de la petite et de la grande histoire dans ces entretiens qui méritent de retrouver leur place dans les manuels.
La publication des entrevues accordées au Soleil n'avait pas la prétention de donner un portrait complet ou équilibré des années de M. Pelletier à la mairie et à Ottawa. C'est la version des faits d'un homme qui se savait mourant et qui a su, j'en suis convaincu, garder certains secrets. Mais il avait droit à sa version des faits, et faisait ainsi sa contribution à l'histoire. Il appartiendra aux historiens de départager les faits. C'est ce que je lui répondais lorsqu'il me demandait s'il y avait un intérêt réel dans ses propos.
D'ici peu, l'équipe du Soleil déterminera le véhicule approprié pour publier la version intégrale de ces entrevues. C'est l'engagement moral que nous avons pris à l'endroit de M. Pelletier lorsqu'il a accepté de se confier à nous.
«Nous avons eu des différends, vous et moi», m'a rappelé Jean Pelletier le 22 août, lors de notre première rencontre. C'est vrai, et sur des questions très importantes. C'est peut-être la raison qui l'a amené à me faire confiance : on connaît parfois mieux ses critiques ou ses adversaires que ses amis.
Mais ce fut un privilège d'accompagner un tel personnage dans son dernier combat et son grand voyage. Mes pensées seront donc aujourd'hui avec sa femme Hélène et ses enfants qui l'accompagneront à son dernier repos.


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