Sitôt que ça chauffe, on se tire? Allons donc!

Afghanistan - une guerre masquée




Voilà plus de cinq ans que je suis attentif aux efforts de la communauté internationale en Afghanistan. Or, j'ai l'impression que le Canada est encore sur la ligne de départ, hésitant entre s'y impliquer ou se retirer. C'en est devenu pathétique et désolant. Espérons que le récent remaniement ministériel viendra enfin raffermir cet engagement international.
Alors que nos efforts devraient être dirigés à améliorer l'efficacité de notre contribution, le «politiquement correct» canadien nous maintient pour toutes sortes de bonnes raisons, dans un état de perpétuelle indécision. Que devons-nous faire alors? Affirmer que la décision prise de déménager la mission canadienne dans la province de Kandahar fut une erreur, et que peu importe les conséquences, on met un terme à la contribution canadienne en 2009 ou même plus tôt ?
Soyons raisonnables, les répercussions pour l'Afghanistan seraient désastreuses et l'image canadienne sur la scène internationale, irrémédiablement ternie. Les Canadiens se vantent d'être les champions du respect des droits humains et de l'action multilatérale. Et aujourd'hui, parce qu'une décision de porter assistance nous apparaît trop coûteuse, nous déciderions de nous retirer tout bonnement. Sommes-nous des resquilleurs? De ceux qui se portent volontaires pour des missions honorables, mais qui, dès les premiers ennuis, s'enfuient ?
Personne ne nous a obligés à déménager de Kaboul à Kandahar. Notre gouvernement légitime de l'époque savait bien que cela nous exposerait à d'énormes risques. S'il l'a fait, c'est parce qu'il était convaincu que la poursuite d'un régime démocratique en Afghanistan était la seule solution viable pour plus de 31 millions d'Afghans, une opinion que partage le présent gouvernement.
Nous ne sommes pas les seuls
Et nous ne sommes pas les seuls. Près de 70 pays donateurs se sont engagés dans l'assistance à la reconstruction de l'Afghanistan. Les instances des Nations Unies sont également impliquées. Et que dire des 37 pays qui se sont joints à la Force internationale afin d'aider les institutions afghanes à reprendre le contrôle de la sécurité de leur pays.
Soyons sérieux et cohérents avec notre héritage et surtout avec la solidarité internationale. Pour que nos efforts ne soient pas vains, il faut continuer à travailler à l'intérieur du multilatéralisme international actuellement à l'oeuvre en Afghanistan. Ce cadre assure une plus grande légimité et plus de justice.
Il faut aussi reconnaître les conséquences d'un échec en Afghanistan. Si nous sommes réellement en guerre contre le terrorisme, il faudrait le dire clairement et expliquer pourquoi on n'a pas d'autre choix que de gagner. Il y a en effet à l'enjeu un affaiblissement de la nature même du présent système international.
Mieux informer la population
Commençons par être plus transparent avec les Canadiens en instaurant un mécanisme d'information qui ferait périodiquement le point sur la situation générale en Afghanistan et, plus précisément, sur les opérations canadiennes militaires, diplomatiques et humanitaires. En 2002, le premier ministre Chrétien, s'était engagé à informer la population régulièrement sur ce dossier, mais le tout est resté lettre morte.
Pourquoi ne pas profiter de la mise sur pied récente des services interministériels de communication et d'information sur l'Afghanistan, pour leur confier également cette responsabilité de tenir le public à jour.
Nos policitiens auraient eux aussi intérêt à avoir accès à une information privilégiée. Tout en conservant leurs allégeances politiques, ils pourraient ainsi être plus conscients de la portée de nos engagements tant envers l'Afghanistan qu'envers nos alliés. Ensuite, ils pourraient mieux contribuer à générer un mouvement de solidarité pour le futur de l'Afghanistan plutôt que de créer un climat de conspiration.
Il est évident que le gouvernement, tant l'actuel que ses prédécesseurs, a énormément de difficulté à ajuster son mode de gouvernance aux réalités de notre époque. Entre autres, il est temps d'établir une politique globale, une vision commune, sur la définition et les enjeux du maintien de la souveraineté canadienne. En effet, il faut cesser de donner l'impression que l'on gouverne selon l'esprit du moment ou selon les ambitions de certains. Il faut, compte tenu de nos ressources limitées et d'un territoire gigantesque, que les Canadiens reconnaissent les valeurs inhérentes du multilatéralisme et son coût. Il en va de notre propre souveraineté.
De plus, il faut que les Canadiens participent à sa définition, la souveraineté étant l'affaire de tous. Tant que les citoyens auront l'impression que le gouvernement gouverne pour lui-même plutôt que pour eux, nous assisterons toujours à ces débats de légitimité. Et, pourquoi les Canadiens seraient-ils imputables des politiques du gouvernement, alors que ce dernier ne semble pas l'être vraiment?
Il est temps de travailler ensemble à notre avenir comme citoyens du monde et à celui de ceux qui veulent aussi en devenir.
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Rémi Landry
Lieutenant-colonel à la retraite et chercheur*
*l'auteur est associé au Groupe d'étude et de recherche en sécurité internationale de l'Université de Montréal.


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