De la nostalgie

Le temps est révolu où le Canada pouvait jouer le rôle "de bon Samaritain" et se contenter d'être un des princpaux contributeurs de Casques bleus

Politique étrangère et Militarisation du Canada



Landry, Rémi
_ L'auteur est lieutenant colonel à la retraite et membre du Groupe d'études et de recherches en sécurité internationale (GERSI) de l'Université de Montréal.
Dès l'annonce de la mort des premiers militaires tués au combat ou dans des accidents en Afghanistan, des voix se sont faites pressantes pour que le Canada se retire de cette mission et retourne à une contribution internationale plus traditionnelle. La perte additionnelle de six militaires canadiens depuis la semaine dernière et les apparences d'enlisement en Afghanistan n'ont rien pour apaiser l'opinion publique. Elles nourrissent plutôt la nostalgie d'une époque où le Canada venait aux premiers rangs des contributeurs de Casques bleus.
En effet, l'image des Casques bleus canadiens lors de la guerre froide a contribué à forger la renommée d'un pays conciliant, généreux et sans ambition impérialiste. C'est, sans doute, cette attitude qui lui conférait un certain avantage lorsque venait le temps de s'interposer entre des belligérants.
C'est cet engagement, cette perception de médiateur honnête, qui laisse entrevoir un Canada à même de renier ses antécédents. Le Canada devrait-il et pourrait-il revenir à un engagement plus traditionnel sur la scène internationale?
Il serait difficile de retrouver cette niche de bon Samaritain. En effet, depuis la fin de la guerre froide, la nature des opérations de maintien de la paix s'est transformée et, dès le milieu des années 90, le gouvernement libéral de l'époque décidait de servir différemment la communauté internationale.
N'oublions pas que le Canada est avant tout une jeune puissance qui, depuis sa naissance, a toujours favorisé le multilatéralisme comme stratégie de promotion de ses valeurs et de ses intérêts nationaux. C'est ce qui explique d'ailleurs sa contribution aux guerres mondiales du XXe siècle, ainsi que sa prise de position dans les conflits endossés par les Nations unies. Lorsque les conventions et les valeurs internationales sont méprisées, le Canada s'est toujours uni aux actions de la communauté internationale pour contrer les États récalcitrants et les situations désastreuses.
Personnalité canadienne
Cet engagement envers le respect des mécanismes de sécurité internationale a forgé la personnalité canadienne et lui a conféré un rôle neutre de gardien de la paix. Pourtant, cette même attitude l'a poussé à s'engager et à prendre position lors de conflits régionaux:
Au début des années 50, le Canada s'engage dans le conflit coréen;
Pendant toute la guerre froide, il maintient plusieurs milliers de militaires en sol européen;
Au début des années 90, il s'engage au côté d'une coalition américaine dans la première guerre du Golfe.
La neutralité dont fait preuve le Canada est toujours allée dans le même sens que la définition officielle qu'en ont faite les Nations unies à la fin des années 90 avec le rapport du diplomate Brahmi. C'est-à-dire que la neutralité doit être respectée tant et aussi longtemps que les parties à un conflit respectent les conventions internationales. En cas du non-respect de ces conditions, la neutralité devient un appui à l'injustice.
C'est sans doute à cause de ces considérations que le gouvernement libéral décidait avec l'OTAN, sans mandat onusien, de bombarder la Serbie pour ses manquements envers sa population d'origine albanaise au Kosovo. Depuis cette guerre, le Canada, en collaboration avec d'autres pays, cherche à modifier les conventions internationales afin d'y inclure le droit d'intervention pour raisons humanitaires.
C'est aussi dans cette perspective de droit d'intervention humanitaire que le Canada s'est objecté de façon véhémente aux exactions arbitraires du régime taliban envers la population afghane. Les actes terroristes du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center, où une cinquantaine de Canadiens périrent, ont mené le Canada (toujours sous la gouverne libérale) à s'engager à contrer la nouvelle menace de l'ordre international: le terrorisme.
Dès 2001, le Canada condamne le régime taliban, déclare la guerre au terrorisme et s'engage à appuyer la coalition américaine en Afghanistan. Depuis, il concentre ses efforts dans cette région afin de défendre le droit à la liberté et au libre choix des Afghans.
En 2006, le gouvernement conservateur endosse la stratégie libérale en Afghanistan, tout en la prolongeant et en limitant ainsi sa contribution en effectifs aux missions sous commandement des Nations unies. Les dernières annonces budgétaires pour les Forces armées canadiennes laissent entrevoir une certaine volonté d'augmenter la contribution canadienne sur la scène internationale.
Devons-nous renier un passé engagé dans le respect des valeurs internationales ou nous réfugier dans le confort apparent des missions traditionnelles de maintien de la paix, lesquelles sont en voie de disparaître?


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