« Article 1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. »
Stephen Harper n’en est pas à une contradiction près.
Alors que son gouvernement propose d’épier les internautes à toute heure du jour sans mandat, il y a deux ans à peine, il plaidait exactement le contraire pour soustraire les Canadiens à l’obligation de remplir le formulaire long du recensement.
Ce lamentable épisode se déroulait à la même époque où les forces de l’ordre canadiennes utilisaient plus que la force nécessaire pour arrêter sauvagement et sans mandat des citoyens au-dessus de tout soupçon qui exerçaient leurs droits démocratiques à l’occasion de la réunion du G20 qui se tenait à Toronto, les incarcérant dans des conditions lamentables indignes d’un pays qui prétend être une démocratie - les Québécois étant particulièrement visée par cette opération.
« Le ciblage, c’était jeune franco avec un look de manifestant. Le ciblage des Québécois était très, très clair. On est allé chercher les gens dans les apparts, on a ciblé les plaques d’immatriculation du Québec, on a ciblé des gens qui jasaient en français. La police ne s’en cachait même pas. » « Go the fuck back to Quebec ! » Sommet du G20 - Les Québécois étaient ciblés, dit Singh
Cette situation m’avait alors amené à écrire un billet où je relevais ces éloquentes contradictions.
Nous ne sommes pas au gouvernement pour faire plaisir aux groupes de pression. Nous sommes là pour la majorité silencieuse.» : Maxime Bernier,
« Selon Dimitri Soudas, « les Canadiens ne veulent pas que le gouvernement sonne à leur porte à 22 heures pendant qu’ils sont occupés dans leur chambre à lire, par exemple, parce que celui-ci veut savoir combien de chambres leur maison compte ».*
Si le gouvernement canadien n’a pas besoin de recensement pour savoir ce qui se passe dans la chambre à coucher de la majorité silencieuse, il peut toujours compter sur le SCRS et la GRC lorsqu’il souhaite en connaître plus au sujet des plus tapageurs. Pas étonnant que Maxime Bernier encourage ceux qui veulent obtenir des informations sur la vie privée des Canadiens de les recueillir par eux-mêmes.
« Si certains groupes de pression veulent des données sur les Canadiens, ils peuvent le faire. Ils peuvent payer et le faire. Mais nous ne sommes pas au gouvernement pour faire plaisir aux groupes de pression. Nous sommes là pour la majorité silencieuse. Je suis certain que la grande majorité des Canadiens comprennent et seront d’accord avec notre décision ». Maxime Bernier in *Recensement - Les députés conservateurs veulent s’expliquer en comité, Le Devoir. »
Or, avec son projet de loi C-30, faussement appelé «Loi sur la protection des enfants contre les cyberprédateurs», le gouvernement conservateur canadien s’apprête à entrer dans les foyers des Canadiens sans mandat via leurs ordinateurs afin d’y dénicher d’éventuels comploteurs et leurs réseaux de contacts qui menaceraient la sécurité publique.
«Le projet de loi permet aussi aux autorités de demander, sans mandat, aux fournisseurs Internet de consigner tous les déplacements d'un internaute pendant 21 jours, le temps d'obtenir un mandat. (…) Le pouvoir de demander des informations sans mandat ne se limitera pas aux cas où il existe des motifs raisonnables de soupçonner des activités criminelles ou aux cas où une enquête criminelle est en cours, ce qui pourrait avoir une incidence sur les citoyens respectueux de la loi.» La police pourra épier les internautes sans mandat, Le Devoir.
Il est clair que le gouvernement canadien vise une cible beaucoup plus large que les pédophiles qu’il souhaite traquer. S’intéresserait-il davantage à des groupes organisés qui contestent les sacro-saintes institutions canadiennes et leurs chasses gardez : l’unifolié, la monarchie et la constitution, menaçant ainsi «la paix, l’ordre et le bon gouvernement»? Tous ceux qui, entre autres, remettraient en cause les frontières du Canada et ses sables bitumineux étant vus comme de dangereux conspirateurs.
Ce que la main droite refusait de faire en 2010, la main gauche pourrait désormais le faire dès 2012. Sans que l'on vous soupçonne du moindre crime, vos allés et venus sur internet pourraient être épiés sans mandat. Une belle occasion pour le gouvernement canadien de faire espionner par le SCRS ou la GRC ses adversaires politiques en toute légalité, organisations politiques comme groupes de pression. Nous ne serions plus très loin du Watergate.
Dans cette perspective, les déclarations antérieures de ce gouvernement ne constitueraient-elles pas de sérieux indices de ce que sont les véritables objectifs du projet de loi C-30?
« Le gouvernement ne met pas en cause la sécurité nationale. Elle n’est pas à risque (Julie Couillard). Je dois simplement dire que la véritable et la plus grande menace à la sécurité du Canada est la séparation que propose le Bloc québécois » : Lawrence Cannon, ministre des Transports.
Une déclaration qui m’avait inspiré ce commentaire.
«Est-il illégal d’être séparatiste au Canada ? Les lois adoptées au lendemain du 11 septembre 2001 visent-elles subsidiairement les indépendantistes, comme plusieurs analystes le craignaient à l’époque ? Le gouvernement fait-il indirectement ce que pourraient autoriser les lois sur la sécurité nationale ? L’ancien gouvernement libéral de Jean Chrétien et l’actuel gouvernement conservateur de Stephen Harper ont-ils pris prétexte des évènements tragiques survenus aux États-Unis au début de la décennie pour agir délibérément en sous-main contre les séparatistes du Québec ? (…)
On ne serait pas étonné d’apprendre que la sécurité nationale a primauté sur les chartes, cette suprématie serait même enchâssée dans la constitution canadienne suivant la règle « paix, ordre et bon gouvernement ». « La plus grande menace à la sécurité du Canada est la séparation du Québec » : Lawrence Cannon.
Plus rien, dorénavant, ne pourrait légalement empêcher la police secrète de Stephen Harper de suivre à la trace sur internet ceux qui constitueraient «la plus grande menace à la sécurité du Canada»: les séparatistes québécois.
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
17 février 2012La guerre secrète contre l'indépendance du Québec
http://www.youtube.com/watch?v=q6r80cYTmSs
Archives de Vigile Répondre
16 février 2012Il y a belle lurette que tout ce qui grouille et grenouille dans le mouvement souverainiste québécois depuis 60 ans est sous écoute électronique et dans l'objectif des caméras du RCRS, anciennement le Politburo du Cadna. Nous n'avons qu'à nous souvenir du vol de la liste des membres du PQ par la GRC en 1970.
Ne soyons pas naïfs de croire, que dans le plusse meilleur pays du monde où seul un MP a le pouvoir de décréter la Loi des mesures de guerre et suspendre les droits et libertés individuels de tous les citoyens qu'à partir d'un sentiment d'insurrection appréhendée, que le web n'était pas avant aujourd'hui sous la loupe politique du RCRS.
Archives de Vigile Répondre
15 février 2012C'est surement possible.Ce projet d'écoute sans mandat et de collecte d'adresses personnelles auprès de notre fournisseur internet,supposément mis en place pour protéger les enfants,accorde également ce plein pouvoir au Bureau de la Concurrence ainsi qu'au SCRS.Là le jupon dépasse.C'est ce que j'apprenais aujourd'hui à l'émission de Dutrisac.
Projet de loi C-30:La police pourra épier les internautes sans mandat.Les précisions avec le sénateur conservateur J-Guy Dagenais. (15:44)
http://www.985fm.ca/audioplayer.php?mp3=124317