Sarkozy calme le jeu avec les souverainistes

Mais le président français ne va pas jusqu'à s'excuser

Sarko décore Charest - février 2009

La tumultueuse relation Québec-France n'en finit pas d'étonner. Le président franc-parleur de la France s'est excusé, à demi-mots, d'avoir accusé les souverainistes québécois de «sectarisme» et de pratiquer la «détestation» d'autrui. Les dernières péripéties de Nicolas Sarkozy, le pompier pyromane, captiveront les Québécois, mais laisseront sans doute de glace les Français.

Paris -- Après les mots très durs qu'il avait adressés le 2 février dernier aux souverainistes québécois, le président français Nicolas Sarkozy semble avoir mis de l'eau dans son vin. Dans une lettre personnelle de deux pages qu'il a fait parvenir lundi dernier à Pauline Marois et Gilles Duceppe, le président rappelle l'estime que portent les Français à tous les Québécois, quelle que soit leur orientation politique.
«Les Québécois, dans la diversité de leurs engagements et de leurs opinions, tiennent une place particulière dans le coeur des Français», écrit Nicolas Sarkozy. Quelques mots plus loin, il rappelle que ce lien est notamment «fondé sur le respect».
Même si elle ne contient pas d'excuses formelles, en langage diplomatique, la missive du président français peut apparaître comme une façon de rétablir les ponts avec les souverainistes qu'il avait accusés de «sectarisme» et de pratiquer la «détestation» de l'autre. La lettre, qui a été rendue publique hier par le Parti québécois, répond à celle de quatre pages beaucoup plus directe adressée au président français le 5 février dernier par les chefs du Bloc et du Parti québécois. Dans celle-ci, les dirigeants souverainistes affirmaient que le mouvement souverainiste québécois était au contraire ouvert sur le monde et qu'aucun autre chef d'État étranger n'avait eu des propos aussi durs à leur égard.
Sans répondre directement à ces critiques, Nicolas Sarkozy se contente d'affirmer qu'il veut approfondir «la relation unique qui lie la France et le Québec». Il précise cependant que cette relation devra s'épanouir «en harmonie» avec celle «que la France entretient avec le Canada dans son ensemble».
Louise Beaudoin, porte-parole du Parti québécois en matière de relations internationales, y voit clairement un geste d'apaisement. «Il ne s'agit pas d'excuses, mais le ton tranche radicalement avec les propos qu'il avait tenus», dit-elle. L'ancienne ministre en déduit que le président «ne veut pas couper les ponts» et que «ça va dans le sens de les rétablir». La députée de Rosemont croit cependant que le président se trompe s'il croit pouvoir entretenir des relations directes avec le Québec sans jamais heurter le Canada. «Si on n'avait jamais irrité le Canada, on ne serait pas membre de la Francophonie et on n'aurait même pas de délégation générale à Paris, dit-elle. Le premier ministre du Québec est-il prêt à soumettre au veto canadien notre relation avec la France?»
Pierre Paquette, porte-parole du Bloc québécois à Ottawa, s'est félicité du ton «nettement fraternel» des propos du président qui ouvrent, dit-il, «une nouvelle ère de dialogue entre le président Sarkozy et le mouvement souverainiste».
Irritation
Le Devoir a appris que des personnalités proches du Québec avaient manifesté au président leur irritation à l'égard des propos qu'il avait tenus le 2 février. En France, les déclarations de Nicolas Sarkozy n'ont guère suscité de débat public, même si elles ont été relevées par les principaux quotidiens nationaux. Mercredi, le philosophe français Pierre Manent, conférencier invité par la délégation générale du Québec à Paris, avait déclaré que «le président de la République devrait réfléchir avant de parler». Selon cet ancien assistant de Raymond Aron, «il n'y a rien d'anormal à vouloir tracer une frontière et cela ne signifie pas la détestation de l'autre, comme dit Nicolas Sarkozy».
C'est la deuxième fois cette semaine que le président français tente de calmer les remous provoqués par ses paroles. Au début de la semaine, il avait adressé une lettre semblable au premier ministre britannique Gordon Brown après la colère suscitée par ses déclarations télévisées, dans lesquelles il écorchait le plan de relance économique britannique. Même si elle ne contenait pas d'excuses formelles, elle non plus, la lettre a été considérée en Grande-Bretagne comme une façon détournée de s'excuser. Le prestigieux quotidien suisse Le Temps écrivait jeudi que le président français «est aujourd'hui cloué au pilori de Prague à Québec, en raison d'un franc-parler peu compatible avec les subtilités de la diplomatie internationale».
Depuis plusieurs jours, le Parti et le Bloc québécois avaient tenu secrète l'existence de cette lettre. Sa publication aurait pu irriter l'Élysée, selon les échos qui leur parvenaient de Paris. Hier, les porte-parole de l'Élysée ont expliqué au Devoir qu'ils ne souhaitaient pas rendre eux-mêmes la lettre publique, mais que le bureau de Pauline Marois était libre de le faire et que le président n'en serait «pas froissé». Après avoir consulté le Consulat général de France à Québec, le PQ a finalement rendu public le texte.
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Avec Hélène Buzzetti à Ottawa


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