Sarkozy battu par internet

Internet, échec de Sarkozy, sera aussi son tombeau.

Élection présidentielle française

Internet n'est pas un simple outil politique, ni la blogosphère un espace où l'on colle des affiches numériques. La démocratie électronique ne se limite pas à la bataille des partis politiques sur Internet. Que Sarkozy l'ait emporté sur Hollande en nombre d'amis sur Facebook, ou que Hollande ait eu plus de tweets que Sarkozy, ne change rien à l'affaire. L'Internet politique obéit à des mouvements beaucoup plus subtils et beaucoup plus profonds que cela.
On observe depuis longtemps un activisme plus efficace des cyber-militants appartenant soit à la gauche, soit aux petits partis, soit aux partis contestataires qui s'estiment les uns comme les autres exclus des grands médias. Cela met d'emblée l'UMP, monolithique et conservatrice, en situation défavorable.

Mais il faut encore compter avec la position personnelle de Nicolas Sarkozy sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication. On en a finalement peu parlé pendant la campagne, mais il s'agit sans doute de l'échec le plus patent du président sortant. Nicolas Sarkozy n'aime pas Internet et Internet le lui rend bien. C'est avant tout un enfant de la télévision, qui aime le contrôle de l'antenne, le star-system, les médias de masse, le top down. Son idéal, c'est l'ORTF, et un ministre de l'information qui téléphone directement aux responsables des chaînes, pour les sermonner parcequ'une speakerine a montré ses jambes. Un idéal qu'il peut atteindre, soit en nommant à nouveau les directeurs de chaînes publiques en conseil des ministres, soit à travers les chaînes privées dont il cajole les patrons.
Nicolas Sarkozy est trop intelligent pour ne pas comprendre Internet, c'est-à-dire pour ne pas comprendre qu'Internet est non maîtrisable par un homme comme lui. Alors il le combat. La loi Hadopi I, heureusement retoquée par le conseil constitutionnel, est l'exemple même de cette incompréhension assumée. Hadopi II, un moindre mal, n'est pas plus en phase avec les nouveaux modèles économiques qui émergent sur la toile, dans l'économie des contenus.

Autre très grave méconnaissance, très peu évoquée pendant la campagne : la réforme de l'administration, basée sur le principe des économies budgétaires et de la rationalisation, ignore totalement les possibilités de l'administration électronique. Les gains de productivité que l'on peut opérer au sein des fonctions supports (gestion, bureaux, ressources humaines, etc.) ont pourtant comme immense avantage de laisser intactes les fonctions ou la présence humaine est indispensable (professeur, infirmière, policier etc.). Mais la règle du non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux, appliquée brutalement, n'a pas tenu compte des possibilités de l'administration électronique.
À l'exception du bref passage au secrétariat d'État au numérique de Nathalie Kosciusko-Morizet, la politique NTIC du président Sarkozy s'est quasiment limitée à quelques gros projets industriels, incarnés par Éric Besson, ministre installé à Bercy. La droite, et notamment la droite Sarkozienne, ne connaît du numérique que l'économie, ignorant superbement ses aspects sociétaux et culturels.

Depuis le début du quinquennat, l'Internet a joué contre la politique de communication mass media de Nicolas Sarkozy. Nous n'en serions peut-être pas là, du point de vue de la faible popularité du président, si les vidéos sur le « casses-toi pauv' con », celles qui ont souligné tout le bling-bling de la présidence, ou encore les fuites de Wikileaks, n'avaient pas circulé sur la toile. Tout l'Internet s'est hérissé contre la conception massive et monolithique de la société qu'a voulu imposer Nicolas Sarkozy. Ce sont des millions de propos sur les réseaux sociaux, sur le forum des journaux, sur les chats, c'est tout un flot souterrain de contestation typiquement gauloise, qui s'est installée dans la longue durée, à travers toute la société française, maintenant presque entièrement connectée à l'Internet haut débit.
Ce ne sont pas les efforts dérisoires des militants UMP, colleurs d'affiches numériques, qui pourront inverser la tendance. Internet, échec de Sarkozy, sera aussi son tombeau.
Source: Agoravox


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