«Santa Claus Godbout?»

Québec français

Fin du Québec français en 2076, dixit un prophète de malheur. Aperçu, rentrant de Paris, mon Jacques Godbout venu entendre l'étonnant Fabrice Luchini sur Céline (l'autre), il m'a paru en bonne et belle forme. Or on vient de lire dans L'Actualité qu'il prévoit son prochain tombeau et aussi celui du Québec; il entraîne à son cimetière son intervieweur, Vastel. Diable! Avant de crever, il avertit les populations: «Après moi, le déluge!»

Godbout annonce donc la fin (solution finale) de la québécoiserie et donne même une date précise : 2076 ! Seigneur ! Nous sommes du même âge, Jacques et moi, mais voyant tous ces jeunes adhérer à l'indépendantisme avec le jeune chef André Boisclair, voyant aussi -- un exemple entre plusieurs autres -- la nouvelle fougue patriotique des jeunes rédacteurs du mensuel Le Québécois, son verdict de mort annoncé, comme dirait l'humoriste, «c'est nettement exagéré». J'ai grande confiance dans les jeunes générations pour poursuivre l'essentiel combat d'un coin d'Amérique du Nord tout en français. Quelle mouche l'a piqué ?
Camus écrivait : «Il est interdit de décourager les hommes.» Godbout -- tel le Meursault de L'Étranger (lecture actuelle de W. Bush) -- tue. Il tue l'avenir, il tue l'espérance, il assassine un idéal. Comme Godbout, froid, hautain, indifférent, cynique, le héros de L'Étranger, Meursault, ne s'explique pas.
Quant à l'ex-élève du chic Collège Brébeuf, il avance sans rire que sans le «cher bon vieux cours classique» des curés d'antan, il n'y a plus aucun progrès. Une nostalgie surprenante pour ce militant du laïcisme. S'agit-il d'une sorte d'égocentrisme ? Tel le grand chef revenu d'exil, un Papineau découragé, amer, qui recommandait en fin de vie de nous annexer tout bonnement aux États-Unis ! Dans le trafic nouveau, on a envie de bousculer certains défaitistes en leur disant : «Move, Santa Claus, move !»
Jadis, Godbout m'a qualifié d'«excellent baromètre de nos humeurs» et j'ai dit à cette époque qu'il était «un excellent "dé finisseur" de nos situations». Le temps a passé. Déçu et serein néanmoins, Godbout palabre légèrement sur les futurs jeunes pèlerins venus à son cimetière.

Eh bien oui, mon Jacques, en 2076, il y aura encore des Québécois jeunes et fiers qui iront «cracher» (ô Boris Vian !) sur ta stèle, illustrant que le combat continue. La Grèce a attendu de nombreux siècles avant d'obtenir enfin son entière liberté, pas vrai ?
Tel un Jacques Parizeau, son entrevue fait voir sa méfiance des nouveaux venus. Cela avec un zeste d'arabophobie. Or qui ne connaît pas de Maghrébins -- par exemple -- ayant pris position en faveur d'un Québec libre ?
Aimant ce romancier et cinéaste doué, j'ose croire à un moment de déprime et souhaite qu'il s'en sorte au plus vite. Jacques, en 2076, les petits-enfants de tes petits-enfants parleront français, vivront en français, allons, allons !


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