En 2003, le premier ministre Charest n'avait pas vraiment eu d'autre choix que de nommer Benoît Pelletier aux Affaires intergouvernementales.
À l'époque où le PLQ était dans l'opposition, M. Pelletier avait eu toutes les misères du monde à intéresser son chef au projet de politique constitutionnelle qu'il lui avait lui-même commandé, mais personne ne peut aspirer à diriger le Québec sans faire au moins semblant de s'intéresser au sujet.
Pendant des années, M. Pelletier a poursuivi sans relâche sa quête d'un «fédéralisme coopératif» basé sur un principe de «courtoisie», mais on a souvent eu l'impression qu'il travaillait en solitaire. Son retrait de la vie politique, l'automne dernier, avait des allures de renoncement.
Le choix de son successeur est révélateur de l'importance que M. Charest accorde au dossier. Certes, il appartient au premier ministre de donner le ton en matière de relations fédérales-
provinciales, mais il revient au ministre responsable de voir à la suite des choses. Il est évident que ses fonctions de ministre de la Sécurité publique et de leader parlementaire du gouvernement à l'Assemblée nationale ne laisseront pas beaucoup de temps à Jacques Dupuis pour s'occuper de constitution.
La question étant au coeur du débat politique québécois, elle ne peut être abordée sans considération partisane. S'il avait fini par apprendre à jouer du coude, M. Pelletier n'en était pas moins animé par un certain idéalisme, qui pouvait même confiner à la naïveté.
Pour M. Dupuis, qui affectionne la politique au ras des pâquerettes, c'est simplement une autre occasion d'en découdre avec le PQ. D'ailleurs, il reconnaît avoir lui-même renoncé à tout échéancier dans l'atteinte d'éventuels objectifs.
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Vendredi dernier, il a eu une première passe d'armes avec son homologue péquiste, le député de Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier, à l'occasion d'une interpellation de deux heures à l'Assemblée nationale. À cette occasion, on aurait pu s'attendre à ce que M. Dupuis consacre au moins quelques minutes à présenter sa vision du Québec au sein du Canada et à énoncer quelques priorités.
Depuis les cocoricos de M. Charest durant la dernière campagne électorale, le sujet semble malheureusement avoir perdu tout intérêt pour le gouvernement. Le discours inaugural était totalement muet sur le contentieux avec Ottawa, qu'il s'agisse du pouvoir de dépenser, de la représentation du Québec à la Chambre des communes, du projet de créer une commission des valeurs mobilières pancanadienne, etc.
D'entrée de jeu, le nouveau ministre des Affaires intergouvernementales a plutôt lancé une mise en garde contre tout ce que pourrait dire son adversaire péquiste, dont le seul but est de démontrer que le Canada ne fonctionne pas.
La plus récente dénonciation de l'iniquité du fédéralisme n'est pourtant pas venue du PQ, mais de sa collègue des Finances, Monique Jérôme-Forget. Qu'il s'agisse de la péréquation ou de la participation du gouvernement fédéral au financement du système de santé et de l'aide sociale, les documents annexés au budget démontrent que les changements apportés de façon arbitraire par Ottawa ont pour effet de désavantager le Québec par rapport aux autres provinces.
Or, Mme Jérôme-Forget compte en bonne partie sur une augmentation des paiements fédéraux pour combler l'écart grandissant entre les revenus et les dépenses du gouvernement, de manière à équilibrer le budget en 2013-2014.
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Dans les circonstances, on aurait pu s'attendre à ce que le ministre des Affaires intergouvernementales manifeste un peu de pugnacité. Au contraire, M. Dupuis a plutôt cherché des excuses au gouvernement fédéral, expliquant qu'il faisait face à des déficits totalisant 60 milliards au cours des deux prochaines années.
Pour tout dire, cette discussion ne semblait pas l'intéresser beaucoup. Au bout d'une heure, il s'est effacé derrière son collègue de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Sam Hamad, puis il a laissé au député de Laval-des-Rapides, Alain Paquet, le soin de répondre aux questions des journalistes.
La crise n'éclipse pourtant pas tout. À Québec, on prie le ciel -- et Michael Ignatieff -- d'être débarrassé du gouvernement Harper, le plus tôt étant le mieux. Si besoin était, le dernier budget Flaherty a démontré hors de tout doute que les conservateurs ont fait une croix sur le Québec.
C'est le moment ou jamais de «sensibiliser» les libéraux fédéraux aux demandes du Québec. Jusqu'à présent, M. Ignatieff a pris bien soin de ne prendre aucun engagement. Il y a de fortes chances que son «fédéralisme sans surprise» soit en réalité un fédéralisme sans changement.
M. Charest ne souhaite certainement pas plus que lui rouvrir la boîte de Pandore constitutionnelle, mais il ne peut pas se permettre de prendre la question budgétaire à la légère. Ce n'est pas quand les libéraux auront retrouvé le confort du pouvoir à Ottawa qu'il sera temps de recommencer à pousser des cocoricos.
mdavid@ledevoir.com
Sans intérêt
Jusqu'à présent, M. Ignatieff a pris bien soin de ne prendre aucun engagement. Il y a de fortes chances que son «fédéralisme sans surprise» soit en réalité un fédéralisme sans changement.
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