Philippe Couillard affirmait fin septembre que face au projet Énergie Est, le Québec devait faire preuve de gratitude : puisqu’il bénéficie de la péréquation, dont une bonne part provient de l’économie albertaine, il devait laisser passer sur son territoire l’oléoduc de TransCanada et ainsi « participer à l’économie canadienne ». Heureusement, la Cour supérieure, les groupes écologistes, les exemples britanno-colombien et ontarien l’ont finalement fait évoluer vers une saine « ingratitude » qui consiste à défendre les intérêts du Québec.
Le 26 septembre, au Salon bleu, le premier ministre Philippe Couillard avait été limpide. « Le gouvernement fédéral dépense 16 milliards de plus qu’il ne perçoit au Québec et […] une grande partie de cette richesse provient de l’exploitation des hydrocarbures dans l’ouest du pays. » Aussi, il fallait que le Québec apporte sa contribution. Les Québécois « sont Canadiens et il faut qu’on participe à l’économie canadienne ».
Heureusement, les circonstances ont finalement conduit le gouvernement du Québec à être à la hauteur de sa mission fondamentale : il a informé TransCanada le 18 novembre que sa décision découlerait de sept principes, dont « l’acceptabilité sociale », l’assujettissement à une évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement et la nécessité qu’il y ait des « retombées économiques et fiscales pour tout le Québec ».
Il faut se réjouir que le gouvernement ait enfin raffermi sa position. Notamment en exigeant de TransCanada qu’elle dépose « rapidement au ministère les documents attendus, en langue française », afin de lui permettre de procéder à l’étude d’impact.
À noter : on se rend compte que ses sept conditions sont pratiquement calquées sur celles formulées par la Colombie-Britannique dans le cas du projet Northern Gateway ; ainsi que les cinq que l’Ontario vient de faire connaître à TransCanada dans le projet qui se déploierait au Québec, Énergie Est.
Interrogeons-nous : le gouvernement Couillard, sans l’exemple des autres provinces, aurait-il été en mesure de définir lui-même les intérêts du Québec ici en jeu ? On peut sérieusement en douter. Et c’est ce qui est inquiétant. Chaque groupe (patronal, syndical), chaque ville, chaque nation, élit à sa tête des représentants pour défendre ses intérêts. Les meilleurs représentants doivent cultiver leurs capacités à lire les situations, à y percevoir des risques pour les contrer ainsi que les occasions à saisir pour faire progresser l’état du groupe qu’il représente. Dans le cas présent, ces capacités semblent avoir clairement fait défaut au premier ministre et au gouvernement qu’il mène.
Pourquoi ? On sait depuis plusieurs mois que TransCanada est bloqué à l’ouest — la Colombie-Britannique ayant rejeté Northern Gateway — et au sud — en raison des réticences américaines face au projet Keystone. Or, l’Alberta a augmenté radicalement sa production de pétrole et les barils doivent impérativement être exportés. Et il ne lui reste qu’une seule issue : l’est. Cela place le Québec dans une situation stratégique avantageuse. Or, jusqu’à récemment, que faisait notre gouvernement ? Tentait-il d’en profiter ? Non, il sermonnait les Québécois, les dépeignant comme des mendiants de la péréquation devant faire preuve de gratitude ! Comme lecture des intérêts du Québec, on a déjà vu mieux…
Contrairement à l’Ontario — mais à l’instar de la Colombie-Britannique —, le Québec semble vouloir affirmer sa demi-compétence en matière d’environnement. Cela est rassurant : pour l’environnement certes, mais aussi pour la capacité du Québec à faire des choix dans le sens de ses intérêts.
CONDITIONS POUR TRANSCANADA
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé