Claude Morin n'est guère impressionné par les révélations sur l'étroite surveillance dont faisait l'objet René Lévesque par la GRC.
«Je ne suis pas du tout surpris de ça, s'est exclamé Claude Morin. On se demande sur quelle planète vivent les gens. C'est une nouvelle stupide et pas intéressante.»
Claude Morin rappelle que dans beaucoup de pays, les autorités cherchent toujours à en savoir plus sur les individus qui pourraient représenter une menace pour le pouvoir en place.
La Presse Canadienne a découvert, après avoir consulté un volumineux dossier de 2520 pages obtenu mardi auprès de Bibliothèque et Archives Canada, que la GRC avait monté un dossier sur René Lévesque dès les années 1940 alors qu'il était journaliste.
L'ex-premier ministre a même, à l'occasion, été suivi par un agent de la GRC, et ses déplacements, en particulier en Europe en avril 1972, étaient l'objet d'une attention spéciale. La GRC suivait aussi de près les rencontres nationales du Parti québécois.
En 1967, une note recommande que son dossier soit classé «Top secret».
----
La vérité... dans dix ans
Fabrice De Pierrebourg - Le mystère entourant la vraie nature des liens entre Claude Morin et la GRC n'est pas près d'être levé puisque l'ex-ministre a interdit de consultation pendant dix ans ses documents personnels concernant cette affaire, qu'il vient de céder aux Archives nationales.
«Je n'attends pas la fin de cet embargo avec angoisse. En plus, je suis sûr que cela va en déranger certains à ce moment-là, a confié Claude Morin en entrevue au Journal de Montréal. Moi, je me laisse dix ans de paix. Bien que je m'en foute, je serai certainement mort à ce moment-là...».
Depuis 1999, l'ex-ministre des Affaires intergouvernementales dans le cabinet de René Lévesque a cédé une quarantaine de boîtes de documents à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ).
Enregistré sous la cote P762, le «Fonds Claude Morin» couvre la période de 1949 à 2006. Des notes, dossiers, mémoires, correspondances, comptes rendus de réunions, analyses politiques, photographies, etc. concernant, entre autres, le référendum de 1980.
Une boîte mystérieuse
Le contenu de toutes les boîtes est décrit sur le site Internet de BANQ.
Toutes sauf une, la dernière déposée récemment par Claude Morin. Tout juste apprend-on qu'elle contient notamment des «documents qui concernent son livre [L'Affaire Morin, légendes, sottises et calomnies->rub125]», publié en 2006.
Il s'agirait entre autres de registres détaillés de ses rencontres avec la GRC dans les années 1970, selon ce que l'intéressé a révélé au Journal.
Claude Morin, alias «Q1» ou «French Minuet», reconnaît que le fait d'interdire la consultation de ces «quelques papiers» qui pourraient blanchir sa réputation ne plaide pas en sa faveur.
Pourtant, celui qui porte l'étiquette de «taupe de la GRC» sur le front n'est pas intéressé à briser son embargo avant terme:
«Ça ne sert à rien. L'essentiel est dans mon livre. Les preuves de ce que j'avance sont dans cette boîte. Ceux qui veulent croire des sornettes ne changeront pas d'avis, même si on leur montre ces documents », dit-il [en visant plus particulièrement Normand Lester->918] et Pierre Godin.
Un scoop politique
Y a-t-il d'autres scoops dans cette boîte mystère? Au moins un, si l'on en croit l'ex-ministre: «Il y a des choses que je ne voulais pas soulever maintenant [sur le plan politique], mais qui vont se soulever d'elles-mêmes. Cette boîte va être prophétique au moins sur un point.»
Claude Morin est persuadé que ces documents sont en sécurité et à l'abri de toute fuite aux Archives nationales.
Comme le veut la règle, il a récupéré en échange un crédit d'impôt calculé après évaluation de ce fonds patrimonial.
«Rien pour s'enrichir, précise Claude Morin, si l'on compte le temps passé à trier et à mettre en ordre ces documents.»
Le Fonds Claude Morin représente 11,82 mètres de documents, 1243 photographies ainsi qu'une caricature.
- source