par Cloutier, Mario
En accordant une aide d'urgence de 10 millions aux films québécois, le gouvernement Charest se paie un joli pied de nez à l'endroit d'Ottawa. Le milieu du cinéma québécois avait demandé 20 millions supplémentaires à Patrimoine Canada en juin dernier lors de l'éclatement de la crise du financement, mais c'est Québec qui répond présent le premier.
La satisfaction exprimée par les producteurs et réalisateurs québécois hier risque cependant d'être de courte durée puisque le gouvernement conservateur, de son côté, ne compte pas verser un dollar de plus avant la présentation du prochain budget fédéral.
Au bureau de la ministre du Patrimoine, Bev Oda, la réponse est la même depuis l'été dernier: "Il n'y a rien de changé. Il n'y aura pas de fonds supplémentaires avant la prochaine année financière", a expliqué la porte-parole de Mme Oda, Véronique Bruneau.
"Le gouvernement fédéral est un joueur clé. Le tiers de l'aide de Téléfilm vient au Québec, mais est-ce que c'est assez? Il est déjà arrivé qu'elle soit de 45%. Je souhaite qu'on travaille ensemble mais ils doivent trouver les moyens de financer un plus grand nombre de films québécois", a souligné à La Presse la ministre de la Culture, Line Beauchamp.
Son aide non récurrente de 10 millions s'ajoute aux 14,4 millions déjà consentis en 2006-2007, pour un total de plus de 24 millions.
Cette somme permet à la SODEC de dépasser la mise de fonds de Téléfilm, de 23 millions cette année, et devrait donner le feu vert au tournage de cinq ou six films supplémentaires d'ici avril 2007. Il s'agit d'argent frais puisé dans les coffres du Fonds de suppléance du gouvernement.
"Nous voulions absolument éviter les risques de ralentissement de l'industrie et de fermeture de compagnies de production en maintenant le nombre de productions annuelles à 15. Nous voulions aussi éviter de fragiliser la renommée du cinéma québécois", a expliqué Mme Beauchamp en ajoutant que le règlement de la crise du financement passera par une révision du modèle d'affaires du cinéma québécois.
Déjà cet été, la SODEC avait lancé un signal positif à cinq projets, dont ceux de Charles Binamé, Francis Leclerc et Patrice Sauvé, en soulignant qu'un nouveau financement devrait être annoncé à l'automne.
Cette indication devait permettre aux producteurs de préparer un nouveau montage financier, excluant Téléfilm, mais en faisant appel au privé et à la coproduction.
Téléfilm Canada
Pour sa part, la société d'État fédérale responsable du financement du cinéma et de la télévision a lancé un appel à l'aide auprès de Patrimoine Canada l'été dernier pour obtenir des fonds supplémentaires. Malgré cet appel laissé sans réponse, bon joueur, le directeur du bureau du Québec à Téléfilm, Michel Pradier, se réjouit lui aussi des 10 millions accordés par Québec.
"C'est une très bonne nouvelle puisque la situation est suffisamment critique, fait-il remarquer. De notre côté, nous ne fixons pas nos propres budgets, mais nous avions amorcé la réflexion sur le financement avant l'été. Nous allons revoir les enveloppes à la performance et nous avons aussi commandé une étude indépendante sur les nouvelles avenues du financement."
Opposition
Le député Daniel Turp, critique péquiste en matière de culture, s'est empressé hier de reprocher à la ministre Beauchamp de ne "pas avoir réagi plus tôt" à la crise du financement, tout en recommandant à "l'industrie du cinéma québécois de profiter au maximum de cette aide d'urgence". Mais le cinéma québécois, en pleine expansion rappelle-t-il, mérite une solution à plus long terme
L'aide annoncée représente un investissement intéressant pour le gouvernement québécois. Elle produira des retombées de 32 millions dans l'économie québécoise.
Une analyse récente de La Presse Affaires sur les retombées du cinéma québécois indiquait que l'industrie québécoise du film et de la télévision peut rapporter en taxes et impôts jusqu'à six fois plus d'argent que l'aide versée directement par Québec et Ottawa.
En 2005, les deux gouvernements ont injecté 235 millions de dollars. Ils auraient touché près de 1,4 milliard en impôts et taxes de toutes sortes grâce aux activités de l'industrie cinématographique.
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