Le financement des partis politiques par les seuls citoyens allait mettre fin, disait-on, à l’influence indue des puissances d’argent sur le gouvernement, tout comme une élection à date fixe supprimerait l’avantage injuste que donne au premier ministre le déclenchement d’un scrutin au moment de son choix. Or, si ces réformes visaient à réhabiliter la démocratie électorale, les conservateurs de Stephen Harper, clame l’opposition, auraient trouvé moyen de les tourner à leur avantage. Est-ce le cas ?
On ne tardera pas à le savoir. Mais déjà, semble-t-il, une longue campagne ne plairait guère à l’électorat. Leur caisse, il est vrai, donne aux conservateurs plus de munitions que n’en ont leurs adversaires. Par contre, libéraux et néodémocrates ne sont pas tenus d’épuiser la leur des semaines avant la date du 19 octobre. Au reste, les partis étant presque tous en campagne depuis des mois, un déluge de publicités en août risquerait de heurter l’électorat plutôt que de l’intéresser.
Entre-temps, les chèques aux familles et les subventions aux régions pleuvent en provenance du gouvernement, et les promesses se multiplient du côté des partis d’opposition, ce qui laisse peu de doute sur la piètre qualité de la campagne qui s’en vient. Or, si les médias ont le plus souvent couvert les empoignades électorales passées, rares étaient ceux qui ont fourni aux électeurs des informations crédibles sur l’état des affaires publiques et sur la compétence ou l’éthique des équipes en lice.
Remplir
Cette fois encore, la plupart des médias rempliront les temps morts avec des sondages, quelques « luttes serrées » et des déclarations intempestives. Il y aura même plus de « débats des chefs ». Mais qui dressera le bilan de chaque formation ? Qui fera ressortir les enjeux ? Il manque des voix indépendantes pour trouver les faits et les faire valoir, alors que les partis accaparent le discours public, sinon les fonds, plus considérables que jamais, investis dans cet exercice « démocratique ».
La stratégie des partis, il est vrai, n’a jamais été de susciter de vrais débats indiquant l’orientation qu’ils donneraient au pays advenant leur victoire aux urnes. Leur but restera encore d’éviter les questions embarrassantes, telles que le sort des femmes dans la police et l’armée ou la corruption dans les affaires. Visant d’abord et avant tout à gagner le vote des électeurs hésitants, ils ne feront rien qui risquerait de déplaire à leurs partisans. Ils ne perdront pas non plus d’efforts à convaincre les voteurs hostiles.
Dès lors, une élection est réduite à un tournoi sportif. La personnalité des protagonistes l’emporte sur leur compétence. Un programme sera découpé en clips publicitaires. Quand les « batailles de coqs » viennent à manquer, on passe aux attaques concoctées par des professionnels du marketing de masse. Les médias deviennent ainsi des caisses de résonance, et la société, celle qui s’intéresse encore à l’élection, assiste au spectacle. Bref, le « chien de garde de la démocratie » sert de caution à son simulacre.
Responsabilités
Pourtant, il faudrait des médias capables de parler des candidats, hommes et femmes, appelés, s’ils sont élus, à voter des lois, à envoyer des soldats dans des conflits, à baisser ou à hausser les taxes, à décider de politiques de santé, d’éducation, de sécurité. Les enjeux ne manquent pas, au plan national comme en région, mais peut-être une vision vigoureuse du rôle et de la responsabilité de la presse en société libre et démocratique. Or le journalisme politique est en crise.
Dans une élection, les partis auront plus d’argent que jamais à dépenser, alors que les médias en auront de moins en moins. Plus inquiétant encore, les partis n’imposent pas de censure aux entreprises de presse : ils se contentent de les ignorer ou, comme certains le font déjà, de fuir les questions des professionnels de l’information et d’ériger leurs propres tribunes dans des réseaux « sociaux », où le préjugé fait la vie dure à la vérité. On promet d’illuminer un pont, mais à Montréal c’est le chaos dans la circulation !
Une couverture de presse ne s’improvise pas. Les sondages ne sauraient tenir lieu d’information sur les forces en présence ou sur les préférences des citoyens. Le parti vainqueur règne moins que jamais en ayant obtenu la majorité des suffrages. Dans une lutte à trois, le hasard impose le résultat plus que la volonté des électeurs. Il suffit de quelques votes « mal placés » pour qu’un gouvernement soit minoritaire et doive composer avec les députés de l’opposition.
De même, les petits partis n’ont d’influence réelle que s’ils détiennent, comme on dit, « la balance du pouvoir ». Une faible minorité d’électeurs peut ainsi avoir plus de poids qu’un grand nombre de citoyens. Par contre, deux partis de l’opposition pourraient parfois exercer le pouvoir, pour peu qu’ils acceptent de former une « majorité de gouvernement ». Mais cette alliance, traditionnelle en certains pays, ne l’est pas au Canada. Dans la fédération canadienne, une province pourrait venir changer cet équilibre politique.
Pour l’heure, une lutte à plusieurs partis ajoute à l’incertitude du résultat. Cette incertitude peut décourager une partie de l’électorat, mais aussi en stimuler une autre. À l’inverse, des gens qui ne votaient plus pourraient se ranger en grand nombre vers un parti qui n’avait jamais eu leur faveur, mais qui devient le canal de leur colère ou de leur besoin de changement. Telle est la surprise de la dernière élection qui a vu le NPD déclasser les autres partis au Québec.
ÉLECTION FÉDÉRALE ET MÉDIAS
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