Quand on cafouille « dans sa zone… »

Chronique de Patrice Boileau


On va parler de choses sérieuses cette semaine. Ce n’est pas moi qui le dit : ce sont les derniers sondages. N’y a-t-il pas en effet moins de 40% des Québécois qui se disent présentement favorables à la souveraineté? Avez-vous vu des manifestations dans les rues, la semaine dernière, pour dénoncer la démission des chefs d’État canadien et québécois face à l’inexistence constitutionnelle du Québec dans la fédération?
Reste donc le hockey comme priorité des Québécois. Plus précisément le Canadien de Montréal. Un lecteur du journal Le Devoir y a même écrit, la semaine dernière, que Jean Charest ne devait pas porter le gilet de l’équipe puisque la dernière fois qu’il l’a fait, le club fut rapidement éliminé!!! Les péripéties de l’équipe cette saison ont soulevé les passions. Vous me répondrez qu’il en est ainsi depuis toujours. Vous avez sans doute raison. Il me faut vous faire confiance à ce sujet car j’ai abandonné tout intérêt envers ce sport depuis que l’argent motive dorénavant ceux qui le pratiquent, plutôt que le sentiment d’appartenance envers l’équipe à laquelle ils sont associés.
J’avoue qu’il est possible de mâcher de la gomme tout en marchant : encourager cette organisation sportive qui est en plus une institution au Québec, peut se faire tout en étant préoccupé par le recul de la langue française dans la métropole qui l’abrite. Probable d’ailleurs que moult souverainistes qui lisent ces lignes sont parmi ces Québécois qui piaffent d’impatience de voir « les séries » débuter jeudi prochain. Fort bien.
Reste que l’apathie des Québécois, face aux nombreux coups qu’ils reçoivent présentement, est généralisée. Manifestement, ils sont nombreux à se foutre de voir leur premier ministre supplier Ottawa de ne rien lui offrir sur le plan constitutionnel. Voir Jean Charest être « écrabouillé dans la bande » lui méritera même des appuis supplémentaires! Même mollesse pour ce qui est du dardage que leur a servi le ministre conservateur Jean-Pierre Blackburn. Oser faire miroiter à la foule des gains juridiques, à la condition de faire élire entre 30 et 40 députés conservateurs au Québec, relève de l’affront. Comble d’ironie, de nombreux Québécois, sans doute trop occupés par leur club de hockey, s’apprêtent malgré tout à donner l’avantage numérique au Parti conservateur. Stephen Harper interprétera sûrement ce geste comme une approbation de sa politique militaire en Afghanistan et de celle qu’il réserve à l’environnement. Prodigieux!
Il ne faut pas combiner la politique au monde du sport, vociférez-vous? Ne pas reprocher donc au capitaine de l’équipe montréalaise, poste qu’il occupe depuis des années, sa totale méconnaissance de la langue des gens qui remplissent les gradins du temple pour l’encourager? Vous avez totalement raison : l’édition du Devoir d’hier titrait d’ailleurs que le gouvernement du Québec s’adresse en anglais aux trois quarts des immigrants allophones qui s’établissent dans la métropole québécoise! Celui qui arbore la lettre « C » sur son chandail a donc totalement raison d’ignorer la nation québécoise de langue française. Le Slovaque qui occupa la même fonction au sein des défunts Nordiques de Québec, Peter Stasny, a donc ainsi erré, lorsqu’il a décidé d’apprendre à communiquer dans la langue de la majorité québécoise. Je sais, je sais : mes dernières lignes ont transgressé la règle.
Il faudrait alors la rappeler également à certains pays de la communauté internationale, eux qui dénoncent présentement ce que fait la Chine au Tibet. Ils menacent en effet le pays hôte des Jeux Olympiques de boycotter l’événement sportif pour des motifs politiques. Reste que, un peu comme les Québécois qui s’écrasent devant l’agression que leur livre l’Amérique anglo-saxonne, les nations qui condamnent la répression militaire chinoise envers le peuple tibétain parlent plutôt de bouder uniquement les cérémonies d’ouverture… Il ne faudrait pas pénaliser de toute manière les athlètes qui s’entraînent durement depuis des années. Ils ne doivent pas faire les frais de ces querelles, pensent plusieurs. Assurément. Que je n’en vois pas un d’entre eux faire des simagrées à la fin des compétitions!
Idem face à la réaction que doivent exprimer les Québécois, lorsque la Cour suprême invalidera la loi 104 qui empêche d’ouvrir toute grande l’accès à l’école anglaise au Québec. Leur absence de combativité à Ottawa en délaissant le Bloc québécois qui ne cherchent pourtant qu’à y protéger leur différence, leur réaction comateuse, alors que des études qui attestent le recul de leur langue à Montréal leur ont été cachées, et leur appui à l’aplaventrisme constitutionnel du gouvernement Charest, auront permis au Canada de marquer cet autre but contre eux. Quand on cafouille « dans sa zone… »
Ces périls n’intéressent à peu près personne au Québec. Un peu comme les membres d’une équipe éliminée depuis belle lurette des rondes éliminatoires où s’affrontent seulement les meilleurs, de nombreux Québécois ont abandonné la lutte. Ils vivent dans le déni et ignorent sciemment le sombre avenir que produit une capitulation. Est-ce pour cela qu’on les voit nombreux présentement à avoir troqué leur drapeau national contre un autre qui pourrait bien créer une commotion sociétale, si ce qu’il représente devait être rapidement éliminé? Remarquez qu’il y aura une autre saison de 82 matchs qui autorise en quelque sorte une forme de renaissance. L’aubaine quoi! Au moins, ce drapeau auquel plusieurs s’identifient actuellement, garantit une certaine forme d’immortalité. Alors que l’autre…
Patrice Boileau



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3 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    10 avril 2008

    Monsieur Boileau,
    Harper, envoyer nos jeunes en Afghanistan?
    Charest et la Constitution?
    Souffleter la Chine bafouant l’Humain?
    Koivu et le français?
    Boff!… s’impatientent les VESTIGES D'UN PEUPLE.
    Pourquoi alors courent-ils le marathon à l’unisson pour rebâtir ce hall de la garde militaire canadian?
    Pour éviter de : ni voir, ni entendre, ni dire à qui profite cet incendie.
    Assisté hier soir à une conférence du prof. Georges Aubin, présenté par le mouvement Identité Québecoise : Louis-Joseph Papineau et l’insurrection des Patriotes.
    Sujet inépuisable s’il en est. Que ses militants l’aient protégé de l’échafaud en le poussant à l’exil ou qu’il ait lui-même choisi la retraite du Général aux É.U., il demeure que ces 5 ou 6 années, là comme en France, face à sa propre tête(à Papineau) évaluée à 4,000.$ l’ont fait flirter avec le prix de consolation des Louisianais : La nation peut survivre sans la langue… Comme les Irlandais : Perdu le Gaélic, ils vocifèrent aux Québécois venus sympathiser avec eux à la parade de St-Patrick : WE ARE ENGLISH! Probablement rejeté le catholicisme eux aussi. Ces mots sortent encore mal de notre bouche. Les Orangistes nous reconnaissent encore…Peuvent vomir sur nos lois linguistiques timides. C’est pourquoi le ministre beauceron Bernier et ses admirateurs insistent tant pour envoyer leurs poupons à la garderie anglaise : plus d’accent, plus de mépris : Y’all be awragnt! No, no, my friend, don’t touch the lawn mower and come in with us, for a real cold beer! (brewed in China)

  • Archives de Vigile Répondre

    9 avril 2008

    C'est en effet incroyable de voir comment une majorité de québécois, présentement, ne prennent pas leur responsabilité de citoyen et s'en remet aux autres pour les gouverner.
    A quoi cela est dû? Probablement au fait que depuis longtemps les québécois ne sont pas capables de se prendre en mains, de penser et agir par eux-mêmes. Avant la révolution tranquille, c'était l'Eglise qui pensait pour eux, qui décidait pour eux, qui les éduquait (souvent par la peur), les soignait, les représentait. Après la révolution tranquille, ce fut le gouvernement qui prit la relève en continuant à penser pour les québécois, à les éduquer, à les soigner, à les représenter.
    Les québécois ont donc développé une dépendance chronique: ils ne savent penser par eux-mêmes, l'éducation n'est pas intégrée (manque de savoir vivre), l'instruction (cossa donne disent-ils),la santé est laissée au bon vouloir du gouvernement. Les québécois sont donc plutôt irresponsables, immatures. Ils ne vivent pas par eux-mêmes, ils vivent par les autres. Ils vont dans le sens où le vent le plus fort les poussent.
    L'intérêt démesuré que les québécois portent au hockey (et autres sports organisés) ne fait que démontrer leur immaturité:ils ne pensent qu'à jouer, à s'amuser. Ils ne voient pas et/ou préfèrent ne pas voir les problèmes qui les assaillent. Ils préfèrent faire "semblant" qu'il n'y en a pas de problèmes. S'il y a une possibilité que leur équipe sportive gagne, tout est beau. Le reste? "Y'a rien là mon homme!"
    Je crois que pour changer ce patron de comportement, pour rendre les québécois responsables face à la réalité, il faut cesser de tout faire à leur place. Il faut les laisser se débrouiller par eux-mêmes, les laisser vivre les difficultés de la vie, cesser de les surprotéger. Evidemment, le gouvernement a intérêt à les garder dépendants et c'est pourquoi il fait tout pour eux. Ainsi, il est facile pour lui de contrôler le peuple. Ce n'est donc pas du côté du gouvernement qu'est la solution.
    Une bonne partie de la solution se trouve, je crois, entre les mains des indépendantistes convaincus qui se trouvent être en même temps être des baby-boomers possédants. Parmis ceux qui donnent aux oeuvres de bienfaisance, il y a bon nombre de baby-boomers. Or, donner aux oeuvres qui à leur tour donnent au peuple, c'est donner au gouvernement car c'est autant d'argent en moins que le gouvernement a à dépenser pour venir en aide aux nécessitants. Si le gouvernement manque d'argent, il devra bien dire au peuple que l'argent est à Ottawa et que c'est Ottawa qui les prive de leur argent. Les mieux nantis, les baby-boomers, seront justifiés de dire aux nécessitants "de commencer par aller chercher "notre argent" qui est à Ottawa et si ce n'est pas suffisant, on voudra bien donner. Mais avant, il faut vous aider vous-mêmes." Il n'y a rien de mieux que de manger de la misère, de "descendre au fond du baril" pour ensuite décider de se prendre en mains. Il n'y a pas qu'au niveau monétaire qu'il faudrait agir ainsi mais partout où c'est possible comme par exemple cesser de donner du temps comme bénévole.
    Evidemment, c'est une mesure dure, radicale. Mais a-t-on vraiment le choix? C'est exactement ce que font les gouvernements quand ils veulent contrôler le peuple selon leurs besoins (lire les besoins de l'establishement), ils se servent du bâton (la privation) et la carotte (la récompense).
    Agir ainsi, ne peut qu'aider à ouvrir les yeux à ceux qui ne voient pas ou ne veulent pas voir et les amener à se libérer de la dépendance. Il faut payer cher pour être libre: c'est une loi de la vie.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    9 avril 2008

    L’allégorie du hockey, c’est bon… mais, vous l’avez mentionné : les porteurs du drapeau CH ne nous lisent pas, ici, dans notre cagibi, tout petit… S’ils se contentent du Pain et des Jeux, c’est pour chasser ces idées qu’ils croient être seuls à avoir quand ils entendent mentionner un autre affront d’Ottawa sur leur francité : « Si La Presse ou SRC ne mentionnent pas de mouvements d’indignation, ce doit être une lubie qui me turlupine, à mettre de côté au plus vite! »… M. P.-É. Roy écrit ce matin que la cause de notre apathie est que le discours indépendantiste n’est pas FORMULÉ…
    Quand nos artistes se font publiquement humilier à Toronto ou à Calgary, serait-ce qu’ils ont oublié leur « WE LOVE YOU » pré-référendaire? Les affronts, médiatisés dans toute l’Amérique du Nord, que nous avons subis lorsque Bourassa utilisa la clause dérogatoire pour nier le jugement de la Cour Suprême et maintenir les écoles françaises, ils furent extrêmes : politique d’épuration ethnique comparable à la guerre serbo-croate. Ces propos jamais retirés reviennent à chaque fois que nous reparlons du français dans la citoyenneté québécoise. Mais on n’entend pas ça dans le brouhaha du Centre Bell…
    M. J.-H. Guay, ce matin, émet de nouveau cette hypothèse souvent apportée (G. Bousquet) que la fierté nationaliste va se réveiller quand arrivera le prochain AFFRONT d’Ottawa… Ce n’est sans doute pas volontaire qu’on ne sente que peu les affronts quand le premier ministre s’est donné comme plan de carrière de faire écran de fumée pour anéantir du Québec toute velléité de distinction(abandonner son rêve canadian ça vaut combien?)
    Un excellent aide-mémoire de toute la hargne dont disposent nos « concitoyens canadian » se retrouve dans ce récent livre d’histoire de Patrick Bourgeois : « Québec bashing, du Lac Meech à la délirante Jan Wong ». Après un âpre combat au studio de la SRC de Matane, l’auteur a fini par obtenir une entrevue sur le bout des lèvres par le très radiocanadien Marc Laurendeau. Obligé de reconnaître les faits rapportés par Bourgeois, il dut, par sa fonction, insister pour dire que TOUS les anglais ne nous haïssent pas. Pourtant, TOUS les journaux anglais penchent du même bord. De même que TOUS les journaux gescaïens et ceux de PKP antisyndicalistes!
    C’est donc le cercle vicieux : pas informés parce que pas de journaux et pas de journaux sous prétexte de pas de besoin indépendantiste(occulté).
    Monsieur Daniel Turp est revenu cette semaine avec l’idée d’une radio québécoise. Qui a le pouvoir de pousser cette idée? Monsieur Pierre Dubuc proclame que l’Internet est le médum moderne. Ici, sous le boisseau de Vigile qui nous entend? C’est épuisant, n’est-ce pas, M Boileau? Irez-vous au Hockey demain, à 300$ dans les poches des Américains?