Philippe Couillard a pelleté rapidement la question du port des signes religieux par les « agents de la paix » dans la cour de Valérie Plante et de son chef de police (par intérim).
Il a eu l’air de se débarrasser sur-le-champ d’un sujet embêtant, brûlant, désagréable, susceptible de lui faire perdre des « points » politiques.
On lui a reproché de manquer de courage, de ne pas remplir son rôle de chef de gouvernement national qui doit édicter des lignes claires.
Précédent douloureux
Il faut dire que la dernière fois qu’il a proposé et fait adopter une interdiction, même si elle faisait consensus, l’exercice a été assez douloureux.
C’était la loi 62 selon laquelle les services de l’État doivent se donner et être reçus à visage découvert. Après plus de deux ans de débats, d’amendements, les libéraux se sont retrouvés seuls à voter pour, en octobre.
Rapidement, le maire de Montréal de l’époque, Denis Coderre, a fait savoir qu’il ne la ferait pas appliquer, même si des accommodements religieux demeuraient possibles.
La loi est du reste contestée devant les tribunaux. Tout cela heurte une bonne partie de la base libérale et pourrait coûter au PLQ de précieux appuis politiques.
Alors cet autre débat sur le port de signe religieux, par les policiers, alors que, par surcroît, aucune demande de dérogation à l’uniforme n’a été déposée ?... Lorsque la question fut soulevée, une affiche « À éviter à tout prix » a dû s’allumer dans l’esprit du premier ministre !
Deux poids deux mesures ?
Pourtant, le gouvernement du Québec n’a pas hésité, cette année, à légiférer au sujet de l’uniforme policier : il a interdit les pantalons de clown portés en guise de moyen de pression.
On pourrait donc conclure que Québec ne se gêne pas pour intervenir en ces domaines afin de soigner l’apparence des forces de l’ordre ; mais quand il est question d’assurer la neutralité religieuse de cette même police, il recule, renvoie la question à la mairesse de Montréal.
Mais attention, tout n’est pas si simple ! Le début de l’article 263.1 de la loi 133 adoptée en octobre semble clair. Tout policier « doit, dans l’exercice de ses fonctions, porter l’uniforme et l’équipement fournis par l’employeur dans leur intégralité, sans y substituer aucun élément ».
La suite durcit encore la règle : « Il ne peut les altérer, les couvrir de façon importante ou de façon à en cacher un élément significatif, ni nuire à l’usage auquel ils sont destinés. »
Comment autoriser un voile ou un turban dans ces conditions, vous dites-vous ?
Attention, la suite de 263.1 change tout ! « Le premier alinéa s’applique sous réserve d’une exemption législative ou d’une autorisation du directeur du corps de police [...] lorsque l’exercice des fonctions du policier [...] le requiert ou que des circonstances particulières le justifient. »
Traduction : si le patron approuve... tout devient possible ! En somme, sur un strict plan légal, Philippe Couillard était justifié de balancer l’épineuse question dans la cour municipale.
Illégal ?
Il n’était toutefois pas obligé, comme il l’a fait en entrevue radiophonique à Québec, d’affirmer que la position de la CAQ (mais aussi du PQ et de QS) était « illégale ».
C’est en somme la recommandation Bouchard-Taylor ! Soit d’interdire le port des signes religieux à certains agents de l’État, dont les « policiers, gardiens de prison », entre autres.
Certes Taylor l’a désavouée ; certes, elle se heurterait probablement à la conception de la liberté religieuse développée par la Cour suprême. Mais on peut gager que la loi 62 libérale sur les « visages à découvert » aussi.
Rien n’est illégal pour le Parlement, qui est souverain. Il peut parfois faire évoluer le droit, voire les positions des tribunaux (l’aide médicale à mourir). Dans certains cas, il peut se prévaloir du mécanisme de dérogation que la charte elle-même contient, un geste tout à fait constitutionnel.
Chose certaine, le serpent de mer du port des signes religieux n’a pas fini de resurgir.
LE CARNET DE LA SEMAINE
Lessarderie venimeuse
Je suis un peu en retard, mais j’insiste, tant la lessarderie est juteuse. Le débat sur le budget 2018-2019 a commencé la semaine dernière à l’Assemblée nationale. Or, peu avant de prendre la parole, le ministre de l’Agriculture Laurent Lessard a entendu les propos extrêmement caustiques tenus par le caquiste Éric Caire et en a été très piqué. Le ministre a donc lancé : « Si le député de La Peltrie, avec tout le venin qu’il a dit aujourd’hui, M. le Président, s’était mordu la langue pendant qu’il en parlait, je pense qu’il se serait empoisonné tellement ses propos sont personnels. C’est vicieux, ce qu’il a dit parce que ça ne reflète pas la réalité. » Bien envoyé, non ? Dites-moi, lecteur biologiste : les serpents peuvent-ils s’auto-empoisonner ?
Souvenir de Janvier
Au moins un caquiste, André Spénard (bien orthographié cette fois !), ne sollicitera pas un autre mandat dans Beauce-Nord, le 1er octobre. Il l’a annoncé cette semaine. Cela nous a amenés à reparler du premier caquiste (et ex-adéquiste) à avoir détenu cette circonscription, pendant trois mandats (2003-2012) : Janvier Grondin. Un espion m’a rappelé cette anecdote : « Premier conseil général de l’ADQ après la défaite de 2008. Janvier souhaite que Gérard Deltell se présente pour être chef. En point de presse, un journaliste, soulignant que Deltell est indécis, lance : “Qu’allez-vous faire si M. Deltell continue de branler dans le manche ?” Réponse de Janvier : “On va serrer le manche !” »
Marissal nerveux
Le candidat à l’investiture qsiste dans Rosemont, l’ancien journaliste Vincent Marissal, a d’ordinaire le verbe facile. Mais comme il l’a dit d’emblée mardi matin, à l’annonce de sa candidature, il avait plus de papillons dans le ventre que dans tout l’Insectarium. La controverse entourant son magasinage multipartisan tous azimuts n’a pas aidé les choses. Et la nervosité l’a fait trébucher sur certaines expressions toutes faites. On l’a entendu dire, entre autres, qu’il avait un « vieux fond de gauche ». Plutôt péjoratif, « vieux fond ». De même, il a soutenu que Québec solidaire avait des « idées arrêtées » sur plein de sujets. Plutôt péjoratif aussi. Il est vrai qu’après les avoir promenées au PLC, il a arrêté ses idées à QS.
LA CITATION DE LA SEMAINE
« Le meilleur endroit où ces décisions se prennent, c’est au niveau des corps de police des municipalités. » – Philippe Couillard, commentant la proposition de permettre aux policiers du SPVM de porter des signes religieux