Un texte sublime de Robert Laplante

Pour un retour aux sources du mouvement indépendantiste

Les dirigeants du mouvement indépendantiste le comprendront-ils à leur tour et ajusteront-ils leur discours en conséquence ? Là est toute la question.

Recomposition politique au Québec - 2011

Un texte sublime de Robert Laplante
Pour un retour aux sources
_ du mouvement indépendantiste

Il vaut le détour et même plus, le dernier éditorial du directeur de L’Action nationale, M. Robert Laplante. Grand merci à Vigile de l’avoir reproduit sur son site (http://www.vigile.net/La-tentation-minoritaire). Car je vois en ce texte, intitulé « La tentation minoritaire », une brillante analyse de la situation politique au lendemain de l’élection fédérale du 2 mai 2011. J’en retiens surtout le paragraphe suivant, à la fois synthèse géniale et véritable morceau d’anthologie, dont je me suis permis de souligner quelques phrases :

Le Bloc Québécois vient d’arriver au bout d’une logique que les circonstances de la politique canadian avaient jusqu’ici partiellement occultée. Sa débâcle est l’ultime aboutissement de la politique des lamentations telle que l’a consacrée Lucien Bouchard qui a tout mis en œuvre pour gaspiller la conjoncture du référendum volé en refusant de faire le combat national pour mieux faire la carpette devant les agences de notation. En orchestrant la régression du mouvement souverainiste dans la gestion provinciale, le désormais célèbre employé de Talisman a facilité le travail d’Ottawa. Non seulement a-t-il cédé l’initiative politique, mais, encore et surtout, il s’est employé à saper la dynamique sociale qui en constituait le terreau. En tournant contre le Québec une politique d’austérité qui n’était en fait que le consentement à l’étranglement financier qu’Ottawa avait entrepris de conduire pour casser la province, le PQ des lamentations est devenu le relais des manœuvres de rapetissement des aspirations et de sabotage de la cohésion sociale et nationale. Il s’en est fait une politique qui a profondément marqué sa culture. Et éloigné de lui un grand nombre de ceux et celles qui l’avaient soutenu contre vents et marées. Ottawa n’en demandait pas tant.

Je pèse mes mots. À lui seul, ce paragraphe renferme presque toutes les clés nécessaires à une juste compréhension du parcours politique de notre peuple depuis le référendum de 1995. C’est pourquoi je suggère d’en faire l’une de nos principales bases de réflexion pour la suite des choses. C’est bien sous Lucien Bouchard, nous montre M. Laplante, que s’est amorcée, pour le mouvement indépendantiste, une dérive qui perdure et dont le Bloc a fini par faire les frais. La politique bouchardienne d’austérité budgétaire a bel et bien frappé les couches de la population les plus favorables à l’indépendance tout en ménageant paradoxalement une oligarchie dont le régime fédéral graissera toujours la patte.
Bien sûr, depuis le 2 mai, d’autres que M. Laplante ont pondu, sur Vigile et ailleurs, d’intéressantes analyses. Mais celle de M. Laplante, que je lui envie sans fausse modestie, se démarque nettement et mérite une attention toute particulière. Elle est de nature à approfondir notre conscience politique et à redonner au mouvement indépendantiste ce sens de l’histoire qui n’a pas été, admettons-le, sans lui faire souvent défaut depuis une quinzaine d’années, sinon plus.
Quoi qu’en disent des commentateurs à la mode, notre histoire est celle d’une nation dont l’évolution normale fut brusquement perturbée et brisée par la Conquête anglaise de 1760. S’est alors établi un ordre colonial qui a certes fait l’objet de divers réaménagements depuis, mais qui est encore, aujourd’hui, celui sous lequel notre nation s’efforce de survivre tant bien que mal. Depuis un peu plus d’un demi-siècle, la lutte pour l’indépendance nous a permis, à nous, les héritiers des conquis de 1760, de nous doter d’instruments qui ont contribué à nous émanciper sur plusieurs plans, notamment sur le plan économique. Ce qu’il importe toutefois de comprendre, c’est que cette émancipation ne fut que partielle et n’a jamais rien eu d’irréversible. Parce qu’elle a plus ou moins érodé leur domination, les héritiers du conquérant anglais, de leur côté, ont toujours eu du mal à l’accepter et n’ont jamais renoncé à y mettre un terme. Leurs attaques incessantes contre la loi 101 le prouvent à satiété, tout comme le travail de sape auquel s’est livré et se livre toujours, contre la Caisse de dépôt, contre Hydro-Québec et contre tous nos autres leviers, le parti à leur solde, le PLQ. Déjà intolérable en elle-même, la louisianisation à laquelle nous condamnerait un échec final du mouvement indépendantiste n’irait donc pas sans une autre tragédie, celle de notre reprolétarisation collective. Et à cette tragédie-là, nul n’échapperait, hormis sans doute une sale petite poignée de traîtres.
Là est l’enjeu de notre lutte pour l’indépendance. C’est ce que, à l’instar de l’œuvre d’un Pierre Vadeboncœur, nous aide à comprendre le texte sublime ­­— oui, sublime — de Robert Laplante. Les dirigeants du mouvement indépendantiste le comprendront-ils à leur tour et ajusteront-ils leur discours en conséquence ? Là est toute la question.
Luc Potvin
_ Verdun


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1 commentaire

  • Jacques Bergeron Répondre

    7 mai 2011

    Pour avoir dénoncé l'arrivée de Lucien Bouchard, comme premier ministre du Québec, je fus vilipendé, sinon crucifié sur la place publique pour cet acte de non-croyant dans l'individu de celui qui proposait, peu après, de mettre de côté notre idéal indépendantiste sur l'autel du déficit «zéro» et de la dette de l'État avant de promouvoir l'indépendance.Les intellos de l'indépendance prennent toujours plusieurs années avant de réagir devant les rayons du soleil qui embrouille leur vision.