Pour en finir avec la partition

1997

29 janvier 1997
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Les partitionnistes ont la tête dure. Dès qu'on les croit disparus, ils reviennent. Si leur réapparition récurrente n'a pas réussi à faire bouger Québec, le dernier Conseil national du PQ adoptait néanmoins une résolution enjoignant le gouvernement de prendre enfin position.
Le problème est que les partitionnistes persistent et signent. La semaine dernière, ils refaisaient surface à deux reprises. Le 21 janvier, la ligue des droits de la personne de B'Nai Brith tenait une conférence sur la partition. L'ancien ministre fédéral, Marc Lalonde, y allait de sa thèse d'un Montréal indépendant et viable en réaction à un OUI majoritaire. Le 22 janvier, d'autres groupies de la partition se pointaient à une assemblée de Dollard-des-Ormeaux pour y discuter d'une résolution portant sur la tenue d'un référendum municipal advenant une prochaine victoire du OUI. Un même objectif unissait ces deux événements: garder l'idée de partition bien vivante. Mais que se cache-t-il donc derrière l'exaltation partitionniste?
Avant toute chose, il faut savoir que l'idée remonte fort loin dans notre histoire, comme l'a démontré Claude G. Charron dans son livre La Partition du Québec. De Lord Durham à Stéphane Dion. Mais ce qu'il faut comprendre aujourd'hui, c'est que derrière la rhétorique faussement légaliste des partitionnistes, on retrouve un rejet du Québec moderne et une vision profondément ethnocentriste du Québec. Ce que Edward Bantey, columnist à The Gazette, soulignait ce dimanche.
A l'instar d'un Trudeau, pour qui il n'y a pas de nation québécoise mais un peuple canadien-français, les partitionnistes voient le Canada comme une nation véritable et indivisible, et le Québec comme un simple amalgame de groupes ethno-linguistiques ayant chacun un droit à l'autodétermination.
En 1980, deux anglophones d'ici, Lionel Albert et William Shaw, publiaient un livre contenant plusieurs des arguments que les partitionnistes ont déterrés depuis octobre 1995: Partition, The Price of Québec's Independence. On y retrouve aussi ce même ethnocentrisme et ce même rejet du Québec qui habite l'idée partitionniste: «En des temps anciens, avant que le monde ne soit exploré, il apparaissait parfois des mythes à propos de tribus étranges vivant dans des régions éloignées et sauvages. [...] Ici au Canada, nous avons aussi un peuple mythique. [...] Le mythe est qu'il existerait un peuple québécois ou une nation. La réalité, enterrée sous le mythe, est qu'il existe un peuple ou une nation canadienne-française.»
Voilà dans toute sa gloire la thèse proprement ethniciste et ahistorique voulant que les Canadiens français puissent, à la limite, s'auto-déterminer, alors que les autres «groupes» conserveraient sous juridiction canadienne les «territoires» qu'ils habitent en petit ou grand nombre. Il existe aussi de légères variations de cette thèse. Certains disent que ce sont les municipalités qui, par voie de référendum local, pourraient rester dans le Canada. D'autres avancent que ce sont les comtés ayant voté majoritairement pour le NON qui demeureraient canadiens; une idée que le nouveau patron de Southam, Conrad Black, défendait ce lundi devant le Toronto Board of Trade et, ce mardi, dans les pages de The Gazette. Bref, le partitionnisme est un jeu à géométrie et à géographie variables...
Mais ce n'est pas tout. Les soupirants de la partition ne se contentent pas de nier l'existence de la nation québécoise. Ils nient aussi leur appartenance à celle-ci. Quand il se regarde, le partitionniste ne voit pas un Québécois. Il voit un Canadien qui, par un hasard de l'histoire, vit au Québec. Il y a même des partitionnistes qui se qualifient de «Loyal Canadians»; une référence qui rappelle les anciens royalistes anglais. Il est vrai que ces nostalgiques de la Conquête n'entendent pas laisser le Québec quitter un Canada majoritairement anglophone...
Cela dit, nonobstant leurs prétendons, leur thèse - quelle que soit sa forme - n'est aucunement fondée. Primo, parce que la nation québécoise existe bel et bien et occupe un territoire clairement défini avec lequel elle quittera la fédération canadienne. Secundo, parce que les référendums municipaux proposés par certains ténors de la partition n'auraient aucun effet, les villes étant assujetties aux pouvoirs du Québec. Tertio, parce que la participation active et les nombreuses déclarations des fédéralistes aux référendums panquébécois de 1980 et de 1995 constituent une reconnaissance explicite de la légitimité de leur tenue et de leurs effets potentiels.
Les partitionnistes - ou leurs leaders - doivent sûrement savoir tout cela. C'est donc que les véritables enjeux sont ailleurs. A part quelques hurluberlus qui salivent à la seule pensée d'une guerre civile ou d'une invasion de l'armée canadienne, la plupart de ces croisés n'entendent pas provoquer une partition qu'ils savent irréalisable. Ils cherchent plutôt à intimider, à effrayer et à déstabiliser.
Mais au cas où une majorité s'entêterait malgré tout à voter OUI, les partitionnistes préparent le terrain. Et ils propagent une propagande qui consiste à nier l'existence du peuple québécois et son droit à l'autodétermination; à attiser dans certains milieux anglophones et allophones une phobie pathologique de la souveraineté et du nationalisme québécois; à entretenir le mythe d'un Etat canadien moralement supérieur et, surtout, à déstabiliser le processus d'accession à la souveraineté en créant des poches de résistance chez les anglophones, les immigrants et les autochtones.
Entre-temps, on pourrait même voir la création d'un nouveau parti provincial pro-partition.
Tant que les souverainistes n'auront pas compris ce mécanisme, ses buts et son impact potentiel, ils seront incapables d'y répondre. Dans un tel contexte, une seule question demeure: qui - avant qu'il ne soit trop tard - saura contrecarrer cette propagande et en finir avec la partition et ses visées déstabilisatrices?
La plupart des médias francophones sont restés muets sur le sujet mais The Gazette du 18 janvier annonçait à la une que Howard Galganov le grand martyr de l'anglophonie persécutée - reprenait sa croisade. Mais on ne l'aperçoit nulle part. Où est donc passé Howard? C'est pas qu'on s'ennuie, mais...


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