Le mardi 05 août 2008
JEAN-MARC SALVET : Pour élites seulement?
Le Soleil
Québec
Les jeunes libéraux ont frôlé la bêtise — et même la disqualification politique — avec leur idée d’instaurer une demi-année d’immersion anglaise à tous les niveaux du primaire, de la première à la sixième année. Une courte majorité des délégués présents au 26e congrès de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec a heureusement rejeté ce mauvais projet. Il aurait été un passeport pour un bilinguisme bancal, où bien des élèves auraient fini par mal maîtriser à la fois le français et l’anglais!
Pour joindre notre éditorialiste : Jean-Marc Salvet
La proposition finalement retenue par les jeunes militants porte sur une demi-année d’immersion à la fin du primaire. En sixième année seulement, donc. Voilà qui est beaucoup plus intéressant. Suffisamment en tout cas pour ouvrir la discussion.
Dommage que le premier ministre Jean Charest ait été si prompt à l’écarter du revers de la main. Son premier devoir est de défendre et de promouvoir la langue française. Mais il a raté une occasion de faire avancer un débat sensé. Inutile de chercher midi à quatorze heures. S’il a jugé peu intéressant le projet d’offrir quelques semaines d’immersion à des jeunes de 12 ans, c’est pour éviter toute controverse sur un sujet délicat. M. Charest se pince de se voir aussi haut dans les sondages. Il travaille fort à ne pas perdre ce qu’il a récolté.
Que l’idée d’une demi-année d’immersion en sixième ne soit pas la meilleure ou que le manque d’enseignants la rende difficile à concrétiser, c’est une chose. Mais on reste stupéfait de constater qu’elle puisse être pourfendue pour de mauvaises raisons. Des raisons qui — voyons les choses en face — font qu’aucune proposition sérieuse ne trouvera jamais grâce dans notre société.
Car, au fond, c’est le principe même de favoriser l’apprentissage de l’anglais, comme seconde langue, qui passe mal chez certains. C’est stupide.
Nous en avons eu une désolante illustration lorsque la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a déclaré en février que c’est en concentrant l’apprentissage de l’anglais à la fin du primaire que davantage de Québécois auront la chance de devenir bilingues. Elle a été brocardée.
Comment de supermilitants péquistes ont-ils pu, à ce moment-là, s’insurger contre le fait que le plus de Québécois possible puissent maîtriser l’anglais quand eux-mêmes ont ce privilège?
Pensons aux emplois et à la mobilité que procure l’apprentissage d’une seconde et même d’une troisième langue.
S’il existe un scandale aujourd’hui, il réside dans le fait que ce sont les enfants dont les parents ont les capacités financières de les envoyer dans de coûteux camps de vacances aux États-Unis, dans le reste du Canada ou ailleurs qui bénéficieront de cet atout. Y a-t-il des élites qui veulent conserver leurs privilèges pour elles? On trouve toujours le meilleur et le pire dans ces congrès.
Le pire, cette année, chez les jeunes libéraux, découle de leurs hallucinations antisyndicales. Elles n’ont aucun sens. Ils oublient que le Québec n’a jamais connu une aussi longue paix sociale et syndicale. Se souviennent-ils des déboires éprouvés par le gouvernement Charest lorsqu’il a décidé de triturer l’article 45 du Code du travail par pure idéologie?
Si, par ailleurs, ils poussent le bouchon beaucoup trop loin en suggérant de tripler les droits de scolarité à l’université, leur proposition d’instaurer un impôt postuniversitaire n’est pas scandaleuse en soi — pour autant qu’un projet du genre s’accompagne d’une bonification du régime de prêts et bourses.
En dénonçant leurs vis-à-vis libéraux, les jeunes péquistes ont préféré faire comme si plusieurs d’entre eux n’avaient jamais soutenu de semblables propositions. Certains l’ont pourtant fait dès 1994... Non, cette idée n’est pas née en fin de semaine à Sherbrooke. Et elle ne disparaîtra pas de sitôt.
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