PARLONS STRATÉGIE

Plusieurs façons de plumer un canard...

Et la meilleure n'est pas toujours celle qu'on croit !

Chronique de Richard Le Hir

On sait maintenant que le PQ de Pauline Marois n'a pas l'intention
de s'allonger le cou sur la question de l'indépendance, et qu'il
privilégiera une approche à long terme (dans une conjoncture fluide, bien
malin celui qui peut prédire la durée du long terme).
Certains se sentent déjà trahis et voient dans la pusillanimité de la «
Cheffe » la confirmation de leurs pires appréhensions. Ayant moi-même
soulevé des craintes à ce sujet au cours des dernières semaines, on
pourrait s'attendre à me voir grimper aux barricades. Ce n'est pourtant pas
mon intention. J'étais bien davantage déçu par l'incapacité de Pauline de
saisir l'occasion unique présentée par l'enfoncement du gouvernement
Charest dans l'illégitimité la plus totale. On a maintenant compris qu'elle
était vulnérable, ce qui l'a handicapée dans sa démarche.
Mais revenons-en à l'indépendance.
Permettez à celui qui s'est retrouvé littéralement jeté en pâture, pieds et
poings liés, à l'adversaire, et qui a vécu sur la ligne de feu
quotidiennement, nuit et jour, pendant toute l'année du référendum de 1995,
de vous faire part des réflexions que lui a inspirées son expérience.
***
La première chose qu'on apprend en stratégie, c'est d'offrir à l'adversaire
la surface de tir la plus réduite possible dans une direction qui doit
demeurer pour lui la plus vague possible. À la simple lecture de cette
phrase, vous venez de comprendre que nous avons toujours fait tout le
contraire. L'objectif est de faire l'indépendance, ce n'est pas que le PQ
fasse l'indépendance. Nos adversaires ont pour leur part compris le parti
qu'ils pouvaient tirer de cette erreur fondamentale, et ils ne se sont pas
gênés pour le faire. Nous étions peut-être animés des meilleures intentions
du monde, mais nous avons été de bien piètres stratèges.
Aujourd'hui, alors que se profile à l'horizon la perspective d'un nouveau
rendez-vous avec l'histoire, il est impérieux pour les indépendantistes qui
ont à coeur la réalisation de leur projet de comprendre qu'ils doivent
remettre en question certains des dogmes du passé. Et notamment celui
voulant que le Parti Québécois constitue l'instrument privilégié pour
parvenir à nos fins, et même qu'il n'y en ait pas d'autre.
En fait, le Parti Québécois se trouve sur la première ligne de feu. Dès
qu'il s'agite un peu, qu'il montre la moindre velléité de passer à
l'action, il est l'objet de tous les tirs du camp adverse qui prend
avantage de la multiplicité de ses positions dans les milieux politiques,
les médias, les corps intermédiaires et les instances de tous niveaux et de
tous ordres qu'il a complètement noyautés pour le réduire à l'impuissance.
Dans l'état actuel des choses, il n'y a qu'une chose que nous devrions
demander au Parti Québécois et être en droit d'attendre de lui. C'est que,
le moment venu, il tienne le référendum qui permettra au Québec et aux
Québécois d'accéder à l'indépendance. Quant à déterminer quand le moment
venu sera venu (pour paraphraser Félix Leclerc), le PQ ne devrait même pas
être le seul à en décider. Il devrait s'agir d'une décision commune de tous
les partenaires de l'indépendance, question de responsabiliser tout le
monde et d'amener chacun à faire sa part.
Question aussi de nous permettre de demander la même chose aux autres
partis. À l'ADQ, à Québec Solidaire, et aussi, par souci d'équité mais sans
nous faire trop d'illusions, au PLQ. Et s'il fallait qu'un jour nous ayons
à nous adresser, par la force des choses, à l'un ou à l'autre plutôt qu'au
PQ, seuls les souvenirs des plus vieux d'entre nous en seraient meurtris.
Question ensuite de redonner aux indépendantistes leur indépendance
personnelle, de ne pas les enfermer dans un parti, dans un programme, sous
un chef, au sujet desquels ils entretiennent des réserves. Quand ces
réserves finissent par les détourner, qui par l'usure, qui par l'imposture,
qui par l'indignation, qui par un sentiment d'injustice ou d'impuissance,
de leur objectif premier, c'est la perspective de l'indépendance qui
s'éloigne.
Question enfin d'amener les indépendantistes à prendre conscience de leur
force et de leur capacité à orienter le débat et les décisions dans le sens
de leur objectif. Et tant pis pour ceux qui se mettront en travers.
J'ai déjà eu l'occasion au cours des derniers mois de dire toute
l'importance de faire de l'indépendance un projet collectif, et non
seulement celui d'un parti. Voilà que l'occasion nous est servie sur un
plateau.
***
Pour des raisons de « stratégie », Pauline Marois reporte apparemment
l'échéance référendaire aux calendes grecques. Peut-être son geste est-il
sincèrement motivé par la reconnaissance de la nécessité de ne pas offrir
une cible trop facile à l'adversaire. Peut-être est-elle davantage
intéressée à gouverner qu'à faire l'indépendance. Quoiqu'il en soit, c'est
aux membres du PQ d'en juger. Une chose est cependant certaine, à force de
s'éloigner des deux piliers sur lesquels le PQ s'est toujours appuyé,
l'indépendance et la sociale-démocratie, le PQ courre le risque de se
retrouver suspendu dans le vide.
Le Bloc Québécois voit les choses autrement. Depuis quelques mois, il
assume un nouveau leadership. L'évolution de la conjoncture l'amène à
hausser son profil, et sans se faire prier, il fait le nécessaire. C'est
d'autant plus important qu'il jouit d'un important capital de légitimité,
comme je le rappelais encore cette semaine dans mon article intitulé [« Les
rejetons de Meech et le prochain référendum »->http://www.vigile.net/Les-rejetons-de-Meech-et-le].
***
Vous devinez bien aussi que la multiplication des foyers de
l'indépendantisme a pour effet de réduire leur vulnérabilité au feu de
l'adversaire. N'en prenons pour preuve que [les commentaires de Jean Charest
et Claude Béchard ces derniers jours->http://www.vigile.net/Quebec-veut-rouvrir-la] qui s'inquiètent de voir la cible du
PQ leur échapper et dénoncent les initiatives du Bloc pour remettre
l'indépendance à l'ordre du jour. Quand vous voyez ce genre de réaction
chez vos adversaires, vous savez que vous êtes sur la bonne voie. Quand
vous les voyez se sentir obligés de parler de la réouverture du débat
constitutionnel, contrairement à leur voeu le plus cher, vous savez qu'un
référendum n'est plus très loin.
Auteur : Richard Le Hir


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9 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    22 juin 2010

    @Maude Levasseur
    La souveraineté par la porte d'en arrière ? L'indépendance en catimini ? La souveraineté en secret et dont Ottawa n'aura autre choix qu'admettre comme fait établi ?
    Ottawa : " Diantre ! Marois a réussi à faire la souveraineté sans qu'on s'en apperçois !"
    Trouvez des gnochons ailleurs !
    Il n'y a pas de "jeu" lorsqu'il s'agit de souveraineté. C'est quelque-chose qui doit être franchement et clairement déclaré. Un acte aussi simple que déterminé.
    Si vous n'avez pas ce courage, ayez au moins la décence d'afficher vos véritables convictions. À moins que votre "jeu" ne se résume qu'à surfer sur le cynisme ambiant dont votre malhonnêteté est l'agent principal, car le PLQ nous savons où il loge, lui !

  • Archives de Vigile Répondre

    21 juin 2010

    Mme Marois ne veux pas dévoiler sa stratégie à l'adversaire et que crois que plusieurs ne comprennent pas sa façon de faire.
    Elle s'ouvre à toutes les possibilités et ne dévoile pas son jeu tout de suite pour surprendre l'adversaire. Les femmes sont plus secrètes dans leur façon de faire et elles ont un moins gros égo que les hommes dans l'action.
    C'est elle la cheffe et personne d'autres et elle l'a bien fait comprendre dès son entrée au pouvoir et elle agit en conséquence. Avant avec Bouchard, Parizeau, Landry etc. il y avait trop de chef(de belles-mères/beaux-pères) et pas assez de monde pour suivre le chef.
    Tout le monde y va de leurs idées présentement et ils ne sont que nuisibles, mais Mme Marois ne s'en laissera pas imposer pour suivre son plan et c'est très bien ainsi.
    Criez tant que vous le voulez Mme Marois ne se laissera pas distraire par les sous-chefs qui s'improvisent présentement.

  • Archives de Vigile Répondre

    21 juin 2010

    @Marie Mance Vallée
    Il y a eu une première tentative de faire l'indépendance de Singapour en 1956 par David Marshall, un politicien de gauche (juiverie communiste), et qui consistait en quelque sorte au plan de Marois (quémander les pouvoirs à l'Anglais). Toutes ses demandes ont été refusées. Jamais les Britanniques ne permettraient à un gouvernement gauchiste de déclarer l'indépendance d'une de leurs colonies.
    C'est un des problèmes du PQ depuis le début. Jacques Parizeau avait bien comprit. La juiverie communiste avait envahi le PQ dès le départ. Parizeau ( Alice la juive communiste) sera écarté par Bouchard (Audrey Best et sa cohorte) au référendum de 1995. Ce sont les juifs de gauche qui ont mené le PQ par le nez depuis ce temps et qui mènent Marois encore aujourd'hui.
    Les décisions de Marois sont des restrictions de liberté envers les Québécois (ECR, obligation cégep franco, etc...) dont la minorité anglo est toujours exemptée. Et l'image de dictature du PQ et souverainisme est entretenu.
    Lorsque Marshall démissionna, la droite prit le pouvoir, établi le libre-échange et rassura les investisseurs (exactement comme Parizeau) ce qui rassura l'Anglais, et le Premier Ministre élu de Singapour pouvait alors déclarer unilatérallement la souvraineté.
    Ceux qui croient que l'indépendance peut se faire avec Québec Solidaire sont encore plus loin de la "track".

  • Élie Presseault Répondre

    21 juin 2010

    "Quant à déterminer quand le moment venu sera venu (pour paraphraser Félix Leclerc), le PQ ne devrait même pas être le seul à en décider. Il devrait s’agir d’une décision commune de tous les partenaires de l’indépendance, question de responsabiliser tout le monde et d’amener chacun à faire sa part."
    M. Le Hir,
    C'est toujours un plaisir de vous lire, même en considérant vos talents d'empêcheur de tourner en rond. Personnellement, j'apprécie votre capacité de vision et votre humilité à nous partager votre expérience. Le pouvoir, connais pas!
    Chose certaine, les partenaires de l'indépendance auront à se prononcer sur l'ensemble du cadre stratégique à proposer et présenter aux électeurs. Déjà, revoir ce cadre stratégique entraîne une certaine levée de boucliers. Nous devrons proposer un référendum en temps utile. Nous savons cependant fort pertinemment que le cadre stratégique ne sera plus le même désormais.
    "Vous devinez bien aussi que la multiplication des foyers de l’indépendantisme a pour effet de réduire leur vulnérabilité au feu de l’adversaire."
    La prochaine fois le feu, M. Le Hir. Le gouvernement Charest et les homologues d'Ottawar nous démontrent par leurs seuls actes leur propension à réfuter ad vitam aeternam toute velleité d'indépendance et de liberté en faveur du Québec. Nous devrons oeuvrer à sortir le Canada du Québec et rapatrier d'Ottawa nos valeureux représentants du Bloc Québécois.
    "Quand vous les voyez [Béchard et valse-hésitation de Jean Charest] se sentir obligés de parler de la réouverture du débat constitutionnel, contrairement à leur voeu le plus cher, vous savez qu’un référendum n’est plus très loin."
    Référendum et encore là, savoir ce dont il est question, ce qu'on vote, bâtit et sur quelles bases, ie. Constitution, citoyenneté et programme de pays.
    "seul un mouvement massif de citoyens déterminés et solidaires va pouvoir exiger de n’importe quel parti en poste ainsi qu’à son opposition de proclamer la volonté du peuple de s’affranchir du Canada et d’occuper son propre Pays le Québec."
    gauthieray, vous avez alors commenté ce qui importait avant tout. Qu'attendons-nous? L'illégitimité est consommée.

  • Archives de Vigile Répondre

    21 juin 2010

    Le modèle de Singapour me plaît. D'ailleurs, je n'ai jamais compris la trahison du PQ après 1976. Lors de la campagne électorale, j'avais bien compris, et je ne suis pas la seule, que l'indépendance se ferait tout de suite, à la suite d'un vote à l'Assemblée nationale. Plutôt Assemblée législative ?
    Un jour, j'ai demandé à quelqu'un près du PQ comment il se faisait que l'indépendance n'était pas encore déclaré et on m'a répondu : « Eh !... mais les Québécois ne savent pas pour quoi ils ont voté. ». Nous sommes en 1978, à peu près. Ce jour là, j'ai tout compris. Nous étions des ignorants, des imbéciles et des sots qui ne connaissaient pas la signification des mots.
    Le référendisme était déjà en marche. Et voyez où il nous a conduit : des discussions sans fin sur le sexe des anges. Et pendant ce temps, ces politiciens souverainistes pensent qu'ils convaincront les 50 000 immigrants débarqués ici annuellement, de voter OUI à un référendum. C'est voué à l'échec en partant.
    Nous n'avons pas de permission à demander à qui que ce soit pour déclarer unilatéralement l'indépendance au lendemain d'une élection majoritaire.
    En attendant, jasons, jasons... et rêvons à un p'tit Canada québécois...

  • Archives de Vigile Répondre

    20 juin 2010

    Je viens de passer 3 jours extraordinaires avec un diplomate de Singapour, un pays indépendant depuis 1965.
    Nos fils, autistes, se sont rencontré sur internet et depuis deux ans sont les meilleurs amis. Son mandat de trois ans aux USA tirant à sa fin, nos fils nous firent comprendre qu'ils devaient absolument se rencontrer en chair et en os avant le retour à Singapour. Toute la famille est venue chez-nous pour trois jours.
    Singapour (5 millions d'habitants) n'a pas usé de référendum pour faire son indépendance, bien que sa population soit composée de 74% de Chinois, 13% de Malays, 9% d'Indiens, et 3% d'Arabes. Il a suffit, en 1965, au Premier Ministre élu de simplement déclaré à la télé publique que Singapour était maintenant un État souverain indépendant. Ensuite, il s'est rendu aux Nations Unis pour obtenir sa reconnaissance, ce qui fut fait selon le droit international.
    Le référendum québécois est un outil de diversion pour entretenir l'attentisme et le faux parti d'opposition (PQ).
    Un parti qui se déclare souverainiste et qui est dûement élu au pouvoir peut alors déclarer la souveraineté de cet État.

  • Raymond Gauthier Répondre

    20 juin 2010

    @Monsieur Noël Lévesque,
    « L’indépendance est un projet de société ; tout parti politique peut l’inclure dans son programme. »
    Vous avez parfaitement raison. Ne comptons que sur nos propres moyens comme citoyens qui rêvent d’un vrai Pays et non d’une province pas comme les autres.
    « Actuellement, on doit toujours attendre que le PQ soit au pouvoir ou se trouve un leader charismatique pour seulement penser réaliser notre rêve... Je ne crois pas que je verrai cela de mon vivant ».
    Parce que ce n’est pas un parti politique, tous partis confondus, qui va nous entraîner vers l’Indépendance : seul un mouvement massif de citoyens déterminés et solidaires va pouvoir exiger de n’importe quel parti en poste ainsi qu’à son opposition de proclamer la volonté du peuple de s’affranchir du Canada et d’occuper son propre Pays le Québec.
    Eh bien, monsieur Lévesque, je ne sais pas si vous êtes encore loin des 100 ans, mais moi je frise le septuagénariat et j’ai encore confiance que c’est de cette façon que nous allons gagner la partie (sans les partis) de notre vivant, vous et moi !
    Pour nous autres et pour notre progéniture.
    Raymond Gauthier

  • Archives de Vigile Répondre

    20 juin 2010

    Je suis d'avis que monsieur Descôteaux a exprimé le fin mot à ce sujet : «De toute évidence, on est devant des intentions plutôt que d’un projet concret dont on peut se demander si elles ne servent pas à ce moment-ci à faire diversion dans le climat politique actuel.»
    En effet, la diversion c'est bien tout ce qu'il leur reste comme stratégie. Ils ne sont même pas capables de rapatrier entièrement les quelques derniers lots en face de l'Assemblée Nationale, et ils prétendent rapatrier des pouvoirs constitutionnels...

  • Archives de Vigile Répondre

    20 juin 2010

    J'ai toujours dit que l'erreur des indépendantistes est d'avoir crée un parti politique. Ainsi l'option devient exclusive. L'indépendance est un projet de société; tout parti politique peut l'inclure dans son programme. Que le PQ soit un bon parti social-démocrate et c'est à la demande populaire de faire l'indépendance.
    Travaillons avec les différents mouvements indépendantistes à la promotion de cette option et le moment venue, forçons le gouvernement au pouvoir, peu importe sa couleur, à réaliser notre souhait. Actuellement, on doit toujours attendre que le PQ soit au pouvoir ou se trouve un leader charismatique pour seulement penser réaliser notre rêve... Je ne crois pas que je verrai cela de mon vivant
    Noel Lévesque