La fin du Canada (2)

Les rejetons de Meech et le prochain référendum

Chronique de Richard Le Hir

Vingt ans après le rejet de l'Accord du Lac Meech qu'on commémore
cette semaine, la question de l['avenir commun du Québec et du Canada
demeure ouverte et se pose avec une acuité que les événements des dernières
années n'ont fait qu'exacerber->http://www.vigile.net/Se-tenir-droit-dans-la-rupture]. Alors qu'il faut se préparer une fois de
plus à y répondre, il convient de dresser un état de la situation et
d'identifier les atouts sur lesquels le mouvement indépendantiste peut
compter.
Né justement dans la foulée du rejet de l'Accord du Lac Meech, [le Bloc
Québécois est à l'heure actuel le véhicule de nos aspirations
indépendantistes qui dispose de la plus grande légitimité->http://www.vigile.net/Le-Bloc-evoque-un-eventuel]. En effet, il est
parvenu à demeurer majoritaire au Québec depuis sa création et, n'ayant pas
été, de par la nature même de son mandat, appelé à gouverner, il n'a pas eu
à se salir les mains, même s'il lui est arrivé à l'occasion d'appuyer le
gouvernement au pouvoir.

[Le dernier sondage Léger Marketing effectué pour le compte du Devoir et de
la Gazette->http://www.vigile.net/Le-colloque-du-BLOC-et-d-IPSO-du-8] nous indique que l'appui dont il jouit au Québec est tel que, si
des élections avaient eu lieu ces jours-ci, et compte tenu de la
répartition des voix entre les autres partis fédéraux, [il aurait été
largement majoritaire->http://www.ledevoir.com/documents/pdf/sondage_meech_ipso.pdf], parvenant sans doute pour la première fois à
atteindre le seuil des soixante députés (sur un total possible de 75) et à
constituer pour la seconde fois de son histoire l'Opposition officielle à
Ottawa.
Ne nous faisons pas d'illusions, la force actuelle du Bloc réside dans la
faiblesse de l'appui des Québécois au gouvernement conservateur, à
l'endroit duquel le taux d'insatisfaction s'élève à 70 %, soit presque
autant qu'à l'endroit du gouvernement Charest (76 %). Ce sont des chiffres
pareils qui nous montrent à quel point le régime fédéral est présentement
vulnérable, et ils semblent s'inscrire dans une tendance lourde.
Dans un contexte pareil, le rôle du Bloc et de ses députés, les rejetons de
Meech, devient déterminant. À la différence du PQ toujours déchiré entre
son ambition de gouverner et sa raison d'être de faire l'indépendance, il
n'existe aucune ambiguïté sur leur position. La défense à Ottawa des
intérêts du Québec ne peut pas ultimement les amener ailleurs qu'à
promouvoir l'indépendance du Québec, et c'est sans doute ce que Lucien
Bouchard avait compris lorsqu'il décida de quitter le Bloc. Pour lui, il
n'y avait plus qu'une sortie, et c'était par le haut. Prenant la tête du
Parti Québécois, il récupérait une marge de manoeuvre (les conditions
gagnantes) en plus de gagner la possibilité de monnayer éventuellement le
prestige attaché à la fonction de premier ministre.
Le Bloc Québécois a l'avantage de disposer de moyens importants pour jouer
son rôle, et il faut souhaiter qu'il le jouera pleinement. Ses députés et
ses équipes de recherche ont acquis une expertise précieuse sur des enjeux
avec lesquels on est beaucoup moins familier à Québec, tels que la
politique étrangère, la défense, les pêches et océans, les
télécommunications, les affaires indiennes, la souveraineté dans
l'Arctique, etc. C'est une expertise dont nous ne disposions pas en 1995,
et elle sera importante pour convaincre le moment venu les Québécois que
nous sommes bien préparés pour exercer toutes les compétences d'un État
indépendant, car il ne s'agit pas seulement de rapatrier tous les
fonctionnaires fédéraux québécois.
Le Bloc Québécois, dégagé du souci de gouverner ou de former éventuellement
un gouvernement, est également beaucoup mieux placé que le PQ pour lancer
ou soutenir des initiatives qui paveront la voie à l'indépendance. Il
devrait ainsi jouer un rôle très actif, avec le Conseil de la Souveraineté,
dans l'organisation et l'animation de la Constituante qui permettra
d'élaborer le projet de Constitution d'un Québec indépendant.
Enfin, dans le cas du Bloc comme dans le cas de tout organisme vivant, les
lois du tropisme ont joué et elles ont amené le Bloc et ses députés à se
concentrer surtout sur les enjeux fédéraux, ce qui était tout à fait normal
dans les circonstances. Mais l'approche d'un nouveau rendez-vous avec
l'histoire doit s'accompagner d'un certain recentrage et d'une
participation plus active du Bloc aux débats québécois.
En 1995, le Bloc était encore très jeune et n'avait pas encore compris
toute la force qu'il pouvait tirer du simple fait d'exister et de tirer sa
légitimité de son soutien électoral au Québec. Il était entièrement dominé
par les ambitions personnelles de Lucien Bouchard, au point que son
existence se confondait avec la sienne (à cet égard, il faut souhaiter
qu'un jour les historiens se penchent sur l'influence qu'ont eue les
ambitions de Lucien Bouchard sur l'évolution de la campagne référendaire de
1995 ; n'eût été de celles-ci, et comme pour le nez de Cléopâtre, le cours
de l'histoire eût pu en être changé). Le fait que le Bloc n'ait eu aucun
mal à survivre au départ de Lucien Bouchard démontre bien que les
événements pèsent plus lourd que les hommes.
Aujourd'hui, le Bloc possède sa propre identité et celle-ci n'est pas
phagocytée par la personnalité et les ambitions personnelles de son chef.
On peut penser ce qu'on veut de Gilles Duceppe, mais on ne peut l'accuser
d'avoir des illusions messianiques. Lors du prochain référendum, le Québec
ne s'en portera que mieux.
Auteur : Richard Le Hir


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3 commentaires

  • Claude G. Thompson Répondre

    17 juin 2010

    Merci monsieur Le Hir pour ce survol en trois actes.
    Non seulement est-ce très révélateur, mais c'est aussi très rassurant.
    Oui, le Québec est un pays et n'a qu'à prendre la place qui lui revient dans le concert des nations.
    Effectivement, prendre cette place qui est la nôtre n'enlèvera rien à personne et permettra au contraire au Canada de continuer son cheminement avec un partenaire de plus avec qui il pourra négocier d'égal à égal et sans équivoque.
    Claude G. Thompson

  • François A. Lachapelle Répondre

    16 juin 2010

    Montréal, 16 juin 2010
    L'avènement d'un nouveau pays appelé Québec avec sa personnalité internationale est possible et probable. Le dernier texte de Richard Le Hir parle de l'importance du rôle du Bloc Québécois et au Québec et à la Chambre des Communes à Ottawa.
    Dans la vie, il existe des naissances faciles. Pour d'autres parents, l'attente est beaucoup plus longue, parfois désespérante. Mais, lorsqu'un enfant désiré, attendu, vient au monde, la joie est grande.
    Personnellement, je souhaite la naissance d'un Québec, nouveau pays sur la terre, depuis 1973. Contrairement au défaitisme d'un Lucien Bouchard (il est permis de changer d'idée) et malgré des périodes désespérantes, je continue de souhaiter vivement l'arrivée du Québec au monde.
    Le Québec possède toutes les richesses naturelles et humaines pour réussir. La vraie vie ne fait pas de cadeau et la marée noire dans la Golfe du Mexique en est une illustration. Barak Obama ne laisse pas tomber les bras. Au contraire, cette catastrophe écologique est l'occasion de remettre en question notre dépendance au pétrole. La question se pose aussi au Québec de manière aussi vive que pour les étatsuniens.
    Devant les problèmes dans nos écoles, dans nos hôpitaux et dans nos finances publiques, il existe des solutions à notre mesure. Il faut vouloir et espérer.
    Le texte de Richard Le Hir est plein d'espoir et de réalisme. Jadis, les premiers habitants de Nouvelle-France ont surmonté des catastrophes par l'entraide. Payer nos impôts, éviter les paradis fiscaux et bannir le travail au noir sont tous des moyens modernes d'entraide. Voici une petite méthode qu'on devrait toujours appliquer lors de nos achats: TOUJOURS EXIGER LE REÇU DE CAISSE.
    Un autre truc qui s'adresse aux néo-québécois qui veulent s'intégrer à la société québécois: SUR LA PLACE PUBLIQUE, TOUJOURS PARLER FRANÇAIS ENTRE VOUS, MÊME ESSAYER! Le Québec d'aujourd'hui est un grand chantier où tous et chacun ont un rôle à jouer.
    Amitiés. François A. Lachapelle

  • Archives de Vigile Répondre

    15 juin 2010

    L’indépendance du Québec sera une histoire à succès si les québécoises, qui ont toutes les cartes en main,veulent la faire.
    L’indépendance du Québec sera un grand succès si les québécoises «pitbulls avec du rouge à lèvres » sont pour l’arrivée du pays Québec.
    Le gouvernement fédéral ne limitera jamais sa possibilité d’utiliser les immigrants pour minoriser les francophones du Québec.
    À nous de savoir faire avec.À nous d’être d’excellents pédagogues.
    À nous de démontrer qu’il y aura,pour tout le monde,ici et au Canada, plus de gains que de pertes,après une élection pour l’indépendance du Québec.
    Portrait de ce qui est possible.
    http://espace.canoe.ca/jptellier/blog/view/273782