Photo finish

Seule la photo du fil d'arrivée permettra de déterminer le gagnant, tellement la course aura été serrée.

Québec 2007 - Analyse


Jean Charest a défié le destin en lançant une campagne électorale alors que le taux d'insatisfaction à l'endroit de son gouvernement dépassait 50%. Le bilan désastreux des trois premières années de son gouvernement l'a rattrapé ces dernières semaines. Le prix à payer pour le parti et pour M. Charest personnellement sera élevé. Les libéraux pourraient au mieux former un gouvernement minoritaire et la grogne à l'endroit du chef et de sa garde rapprochée sortait déjà à haute voix cette semaine. M. Charest n'écoute plus que Michel Guitar, Mario Lavoie et Hugo D'Amours, se plaint-on; plusieurs vétérans organisateurs qui ont assuré sa victoire en 2003 étaient tenus à un devoir de réserve (comme Raymond Boucher, Pierre Bibeau, Ronald Poupart) pour avoir profité de nominations partisanes ou d'autres ont été écartés.
Mal conseillé, le premier ministre sortant a connu une mauvaise campagne. Il a trébuché sur la question de la partition du Québec; il a eu une performance très ordinaire au débat des chefs; un citoyen l'a humilié lors d'une visite d'usine en lui reprochant de ne pas tenir parole et il s'est tourné en ridicule avec sa promesse de baisses d'impôt avec l'argent de la péréquation. Jean Charest a enfin affiché une arrogance déplaisante à l'endroit de ses adversaires. Quand on se présente avec un bilan comme le sien, un peu d'humilité est, au contraire, de mise.
André Boisclair était l'underdog de cette campagne, le chef sous-estimé. M. Boisclair partait avec un important déficit de crédibilité découlant de sa consommation de cocaïne lorsqu'il était ministre et pour s'être prêté à un sketch humoristique de mauvais goût. M. Boisclair a réussi à recruter quelques «vedettes», mais sans faire oublier son engagement inconsidéré de présenter une équipe de rêve comparable à celle de René Lévesque en 1976. Il a cependant mené une campagne sans faute et il a traversé le débat des chefs sans perdre de plumes. Sa principale erreur a été d'évoquer la possibilité d'un référendum avec un gouvernement péquiste minoritaire. C'est tout à fait irréaliste. M. Boisclair est remorqué par l'option défendue par le PQ, plus populaire que le chef, et il profite en fin de campagne d'un ralliement de nombreux souverainistes qui le boudaient. Ceux-ci doutaient de la profondeur de ses convictions tant sur la souveraineté que sur la social-démocratie. Après un départ lent, sa deuxième moitié de campagne pourrait lui permettre de former un gouvernement péquiste minoritaire. André Boisclair est revenu de loin en peu de temps.
Des trois chefs, Mario Dumont a connu la meilleure campagne. Il dirige une équipe de ligue de garage dont il ne pourrait pas tirer un conseil des ministres digne de ce nom. Il a même dû répudier des candidats en cours de route. L'ADQ disposait aussi de moyens rudimentaires pour mener sa campagne. M. Dumont et son parti ont été les cibles d'attaques démagogiques de la part de MM. Charest et Boisclair tout au cours du dernier mois. Plus il était attaqué, plus ses appuis gonflaient toutefois dans la population. Il a refusé de divulguer le cadre financier de ses engagements jusqu'au lendemain du débat des chefs. Les électeurs ne lui en ont pas vraiment tenu rigueur: tous savaient que cela importe peu puisqu'il ne prendrait pas le pouvoir. Il a dominé pendant le débat des chefs, réussissant même à déstabiliser Jean Charest avec un coup vicieux (un rapport d'inspection sur le viaduc de la Concorde). Mais Jean Charest a si peu de capital de sympathie que les blâmes à l'endroit de Mario Dumont ont été aussi peu nombreux que les appuis au chef libéral piégé.
Mario Dumont devrait recevoir, lundi, sa récompense pour près de quinze années de travail pour bâtir une alternative politique au Québec, sous les quolibets, les mesquineries des péquistes et des libéraux qui ont refusé de reconnaître à l'ADQ le statut de parti à l'Assemblée nationale et à travers les difficultés financières. S'il s'accapare comme prévu la balance du pouvoir, il fera danser le prochain premier ministre jusqu'à ce qu'il décide d'arrêter la musique. Tout en terminant troisième, il sera donc le véritable vainqueur, lundi.


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