DÉPENDANCE : POUR OU CONTRE ?

Petite leçon sur la citoyenneté

Curieuse discussion publique mettant le Québec Français sur la touche

Chronique de Bruno Deshaies

REPRISE
À l’heure de la Commission Bouchard-Taylor, nous croyons que la réédition nos deux chroniques des jeudis 13 et 20 septembre 2001 pourrait faciliter certaines réflexions. Il serait normal de se rappeler que les Québécois-Français furent jadis des Canadiens-Français qui eux-mêmes ont été des Canadiens tout court même après la Conquête et, bien sûr, des CANADIENS dans le CANADA de la Nouvelle-France à l’époque de la colonie française distincte des colonies anglaises.

Quand en 2008 nous fêterons le 400e anniversaire de Québec, ce sera la fête des Canadiens sous le régime français qui dans leur évolution historique sont devenus des Québécois-Français et non celle des CANADIANS/CANADIENS d’un CANADA-ANGLAIS DANS LEQUEL LES QUÉBÉCOIS-FRANÇAIS SONT DEVENUS DES MINORITAIRES. Ce Canada n’est pas celui des Canadiens avant 1760, c’est un autre Canada avec lequel nous avons maille à partir.

La crise d’identité québécoise n’est donc pas le fruit d’une génération spontanée. Elle tient à un Passé lourd de conséquences pour une société qui a perdu son agir par soi collectif et qui a subi en plus – durant plusieurs générations – le lavage de cerveau du Conquérant qui l’a conduit à l’acceptation de l’Union et à la provincialisation dans la fédération canadienne de 1867. Pour s’affirmer comme majorité, les Québécois-Français d’aujourd’hui ont un très gros travail de déprogrammation mentale à faire s’ils veulent accéder à leur indépendance nationale.

Bruno Deshaies
15 août 2007
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« Notre regard sur le Passé nous effraie et on voudrait voir autre chose. Notre regard sur le Futur nous excite, car on croit pouvoir résoudre l’imbroglio par de savantes démonstrations compliquées en rapport avec la nation québécoise, la citoyenneté et le vivre ensemble. Puis finalement, notre regard sur le Présent est empreint de mécanismes psychologiques d’autoflagellation et d’une conception téléologique de l’histoire. »
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20 septembre 2001
Cette chronique est spéciale. Elle concerne une série de douze conférences-ateliers sur le Québec contemporain. Nous présentons aux lectrices et lecteurs de Vigile le contenu général de la première conférence de la programmation socioculturelle d’Automne 2001 au Centre de Loisirs et Sports de Neufchâtel (Québec). Les activités ont débuté le 18 septembre. Le premier thème abordé a été : « La citoyenneté québécoise : simple, double ou plurielle ? »
Cette première conférence a permis de poser les balises générales de l’orientation des douze conférences. Parmi nos interrogations, voici ce que nous avons proposé aux auditeurs de ces conférences ouvertes au grand public.
Nos interrogations
Pourquoi cherchons-nous à occulter le passé plus lointain ? Pourquoi notre histoire a-t-elle un passé ne dépassant guère 30, 40 ou 50 ans ? Pourquoi le Québec de 2001 ne serait-il pas une partie des années 1900, 1800, 1700 et même du siècle d’avant ? En fait, comment se tisse le présent qui prépare le futur ? Qu’est-ce qui dans la société québécoise bloque le processus de « colony to nation » ? Douze conférences-ateliers en histoire pour voir plus clair dans cet imbroglio.
Le premier thème pose l’épineuse question de la citoyenneté dans le cadre d’un Québec Français qui se veut ouvert et séduisant. Du Forum proposé par l’ex-ministre Robert Perreault sur la citoyenneté au Rapport de Gérald Larose sur la langue française, la solution du problème québécois a-t-elle fait des progrès ?
Objectifs pédagogiques
Les douze thèmes sont principalement orientés autour d’objectifs particuliers qui vont de la connaissance pure et simple de l’histoire à l’interrogation sur soi-même de sa propre compréhension de son histoire. Comprendre le Québec contemporain, c’est aussi apprendre à s’autocritiquer et à souhaiter « penser en présence des faits ». Donc, quatre objectifs ont été assignés à ces conférences publiques.
1. Comprendre la situation actuelle du Québec contemporain.

2. Développer des habiletés méthodologiques en histoire.

3. Parvenir à interpréter le présent à la lumière du passé.

4. Apprendre à s’autocritiquer et à « penser en présence des faits », c’est-à-dire à éviter la pensée magique par la formulation de projets chimériques détachés du problème réel et des faits.
Résumé
Chaque cours est accompagné d’un document d’une ou deux pages offrant un résumé de la conférence. Pour la première conférence, le résumé comportait un graphique exploratoire d’analyse de la citoyenneté ainsi que des informations sur la démarche pédagogique et la documentation. Le résumé sert à la fois de support pédagogique au conférencier et d’aide-mémoire pour les auditeurs et auditrices. La présente chronique du jeudi ajoute des notes qui ont servi à étoffer le cours.
Voici le contenu du résumé de la première conférence.
La citoyenneté québécoise : simple, double ou plurielle ?
« Individu, société, État »
Les rapports individu/société/État (fédéral ou unitaire) peuvent se réduire à un modèle trilogique qui devient très complexe. Pour l’individu, par exemple, il peut s’agir de droits fondamentaux ; pour la société, de liens nécessaires de solidarité et pour l’État, du respect du droit. À ces trois concepts s’ajoutent les problèmes reliés à la nationalité, la démocratie et la citoyenneté elle-même. Aussi, il importe de ne pas concevoir tous ces concepts comme des abstractions ou des coquilles vides, c’est-à-dire des « idées » seulement. De préférence, il est souhaitable de les comprendre comme des réalités politiques, sociologiques, culturelles et historiques qui s’inscrivent dans un peuple ou une nation. Les trois LIENS affectent l’agir d’une nation ou d’un peuple. Le citoyen fait partie du tout politique. Le monde est global. VIVRE C’EST AGIR. Que peut faire le Québec ? À court, moyen ou long terme ?

Démarche pédagogique
1. Leçon 1. Lire le résumé de la conférence.

2. Faire une recherche de tous les mots à partir du dictionnaire en ligne ou d’un autre dictionnaire.

3. Consulter le document de consultation du Gouvernement du Québec (21-22 sept. 2000).

4. Lire l’article de Michel David, 23 septembre 2000 p. A24.

5. Leçon 1. Relire le résumé de la conférence.

6. Discuter les deux ordres de relations « trilogiques ».

7. Réfléchir sur les trois « LIENS » reliant Individu/Société/État (lien social, politique, collectif).

8. Faire des relations entre les mots CITOYENNETÉ, NATION et PEUPLE.

9. Comment pouvez-vous envisager les rapports LANGUE/CULTURE/SOCIÉTÉ au Québec ?

10. Justifier votre position personnelle par rapport à la « citoyenneté québécoise ».
Écrire un texte de 1000 mots ou de deux pages maximum. Exercice facultatif.
Documentation
# Bruno Deshaies, « La citoyenneté québécoise : simple, double ou plurielle ? » Résumé de la conférence (18 septembre 2000).
# Le dictionnaire universel francophone (Hachette) ou un autre dictionnaire disponible.
Source : http://www.francophonie.hachette-livre.fr/cgi-bin/hysearch2?V=droit&E=1
# Gouvernement du Québec. Forum national sur la citoyenneté et l’intégration. 21 et 22 septembre 2000. Voir le document de consultation.
Source : http://www.mrci.gouv.qc.ca/pdf/forum_citoyen_consultation.pdf
# David, Michel, « 80 % laine, 12 % coton, 8 % polyester », Le Soleil, Opinions Chronique politique samedi 23 septembre 2000 p. A24.
Source : http://www.eureka.cc/Eureka/NonMembers/frame_intro.asp
Site Eureka (Il y a des frais de reproduction.)
# Gérald Larose, prés., Le français, une langue pour tout le monde. Une nouvelle approche stratégique et citoyenne. Québec, Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, 20 août 2001, 285 p. Version finale.
Source : http://www.etatsgeneraux.gouv.qc.ca/index.asp
# Victor Armony, [« Citoyenneté obligatoire ou volontaire ? Il serait très ardu pour l’État québécois d’imposer une citoyenneté obligatoire à tous les résidants et à tous les immigrants. »->archives/dossier-101/larose/9-5-armony.html] Dans Le Devoir, 5 septembre 2001.
Autre référence du même auteur : [« L'affaire Michaud. Acte de parole. »->archives/00-12/michaud-armony.html] (Le Devoir, 19 décembre 2000.) Armony trouve l’emploi de l’expression « agent du sionisme international » dans les propos de Michaud abusive. Cette expression fait allusion à l’idée de « l'internationalisme juif » qui cherche à faire croire que les juifs agissent de façon concertée et stratégique en vue d'accomplir leurs « objectifs », au-delà de toute appartenance ou loyauté nationale (en dehors de celle ressentie envers Israël). » Au XIXe siècle, tel n’a pas été la même chose dans l’Affaire Dreyfus en France, se demande Armony ? L’expression « Acte de parole » est peut-être une parodie du livre de Yves Michaud, Paroles d’un homme libre.
# René Sédillot, Histoire des colonisations, Paris, Arthème Fayard, 1958, 649 p. (coll. « Les Grandes Études Historiques »). « ... les empires se perdent par la tête, plutôt que par les membres » (p. 102).
# Revue Notre-Dame, Vivre ensemble en société, septembre 1999. Dossier : Hervé Anctil ; entrevue : J.-Yvon Thériault. Un compendium des idées conventionnelles sur la citoyenneté et le « vivre ensemble en société ». Pour Thériault : « La citoyenneté est une façon de vivre ensemble. (p. 17) »
Quelques notes spéciales
* Extrait du cours sur Les Normes de Maurice Séguin
2.0 Dynamique intégrale (interne) de la société
2.1.1 SIMPLE IDENTIFICATION DE CERTAINS ASPECTS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

2.1.2 PRÉCISIONS SUR CES FORCES [comme forces isolées]
2.1.2.0.1 Vu surtout de l’intérieur sans interaction, ne donnant ici que la perspective positive, chaque aspect peut être considéré comme une force à côté d’autres forces.
2.1.2.0.2 Et il est utile de se demander : de quoi est faite telle force ? quels en sont les éléments essentiels ? quel secteur y commande ?
2.1.2.1 Aspect démographique
2.1.2.1.1 La population (le nombre d’individus) d’une société peut augmenter
2.1.2.1.1-a) par accroissement naturel (surplus de la natalité sur la mortalité)

2.1.2.1.1-b) par immigration (ou assimilation totale d’individus isolés)

2.1.2.1.1-c) par fusion avec les premiers occupants, les indigènes, etc.
2.1.2.1.2 Et le rôle de la volonté ? (durant la période historique 1760-1960.)
2.1.2.1.2-a) Rôle assez limité quant à l’accroissement naturel. La diminution [du taux] de la natalité est en partie annulée par la mortalité retardée chez les adultes et la mortalité évitée chez les enfants, etc.
2.1.2.1.2-b) Quant à l’immigration, la part de la « volonté » est également restreinte. Sur la côte est américaine : des millions d’Européens ont émigré vers les Amériques. À l’ouest l’intervention a bloqué l’immigration jaune.
Sur cet aspect (immigration), l’action spontanée et la politique lucide sont indissociables.
2.1.2.1.2-c) La fusion s’accomplit graduellement, spontanément, là où les indigènes sont nombreux... Le processus n’est pas terminé, il échappe en grande partie à la volonté des individus et des organismes privés ou publics.
Source :
Maurice SÉGUIN , Les Normes. 1965-1966 (Séguin, texte polycopié) ; 1987 (Robert Comeau, éd.) ; 1999 (Pierre Tousignant, éd., Guérin Éditeur) ; Le Rond-Point des sciences humaines.
* Extrait d’un article du journaliste Michel David sur la citoyenneté
Dans la foulée du Forum sur la citoyenneté des 21 et 22 septembre 2000 organisé par l’ex-ministre de l’Immigration et des Relations avec les citoyens, Robert Perreault, Michel David a publié un texte percutant le 23 septembre 2000 qui s’intitulait : « 80% laine, 12 % coton, 8 % polyester ». Dans cet article, il mettait en évidence le pharisaïsme du gouvernement fédéral, l’arrogance du journal The Gazette et les contradictions de l’ex-ministre Robert Perreault.
En premier lieu, Michel David prend à contre-pied le gouvernement fédéral à partir d’une citation qu’il extrait d’un document de la « Direction générale de l’intégration » du ministère de l’Immigration du gouvernement fédéral. Il cite d’entrée de jeu ce texte :
« Des colons français se sont établis le long du fleuve Saint-Laurent au début du XVIIe siècle. La société québécoise d’aujourd’hui est l’héritage vivant de ces colons ».
Il commente :
Comment peut-on écrire encore une chose pareille en l’an 2000, n’est-ce pas ? Quelle manifestation éhontée de « purelainisme » ! Il n’y a que des séparatistes attardés et - oui, disons-le - racistes pour nier de façon aussi grossière l’apport des communautés culturelles, sans parler des anglophones et des autochtones.
Il précise ensuite :
Eh bien, non, ce paragraphe honteux n’est pas tiré d’un discours de Guy Bouthillier ou d’un document de propagande péquiste, mais bien d’une publication officielle du gouvernement fédéral intitulée Regards sur le Canada. [...]
Mais pourquoi, se demande Michel David, personne n’a-t-il protesté contre cette phrase intrigante : « La société québécoise d’aujourd’hui est l’héritage vivant de ces colons [de la Nouvelle-France] » ?
David répond :
Si personne ne s’est jamais formalisé de cette description du Québec, c’est peut-être qu’au fond, tout le monde sait bien que c’est son héritage français qui le distingue de n’importe quel autre endroit en Amérique du Nord.
C’est quand même curieux, non ? Quand ça vient d’Ottawa, c’est tout à fait acceptable. Quand ça vient de Québec, c’est une manifestation d’« ethnicité », pour ne pas dire de tribalisme.
Eh oui, que voulez-vous, la majorité des Québécois sont « de souche » française. Est-ce qu’il faudrait s’en excuser ? Il y a des limites à se laisser culpabiliser. (En gras par nous.)
Doit-on « se laisser culpabiliser » ? David répond :
Personne ne songe à nier l’existence des nations autochtones et d’une communauté anglophone, dont les ancêtres ont conquis - encore un vilain mot - la Nouvelle-France, ni la contribution des communautés culturelles à l’édification du Québec moderne.
Sur le « purelainisme » décrié par le quotidien The Gazette, Michel David s’étonne. « Faut-il absolument préciser, à chaque fois : 80 % laine, 12 % coton, 8 % polyester ? »
En rapport avec le document de travail déposé par l’ex-ministre Robert Perreault pour alimenter les débats au Forum national sur la citoyenneté et l’intégration en septembre 2000, Michel David note ce qui suit :
Le quotidien montréalais a été particulièrement choqué de la référence aux « conquêtes remarquables » de la société québécoise et à son triomphe sur les « périls de la folklorisation ». Vous ne trouvez pas ces propos horriblement exclusifs ? Allons, qui d’autres que les francophones ont échappé à la folklorisation ? Ah, vous voyez bien !
Michel David décrit ensuite le projet de promotion de la citoyenneté québécoise.
Cela dit, il est évident que cette entreprise de promotion de la « citoyenneté québécoise » vise surtout à promouvoir le projet souverainiste. « La citoyenneté et la démocratie québécoises sont indissociables de l’existence du peuple québécois » [p. 19], peut-on lire dans le document. Entre le peuple et la citoyenneté, qu’est-ce qui manque, sinon un pays ?
David trouve la réponse dans le document de travail du ministre.
Du « droit à l’autodétermination » [p. 15], présenté comme l’expression fondamentale de la citoyenneté, on passe au « droit de la majorité à prendre les décisions », pour aboutir enfin aux « horizons communs ». Subtil, n’est-ce pas ?
Il s’interroge ensuite sur les contradictions de la démocratie québécoise en prenant à partie le document de travail.
Même si la majorité des Québécois ont indiqué à deux reprises qu’ils ne voyaient pas d’incompatibilité à demeurer également Canadiens, le document y voit plutôt un « conflit de loyautés » [p. 22], qui « impose des distorsions importantes à la démocratie québécoise » [p. 24].
« L’évolution d’une société démocratique est marquée par des choix collectifs qui sont le résultat d’un processus dont la légitimité ne peut être constamment remise en cause » [p. 33], affirme le document, faisant référence aux contestations à répétition de la Charte de la langue française.
Alors, comment expliquer la multiplication des référendums sur la souveraineté jusqu’à l’obtention du résultat souhaité. Les deux premiers NON n’étaient-ils pas aussi « des choix collectifs » résultant de ce processus « dont la légitimité ne peut être constamment remise en cause » [p. 24] ?
N.B. Le numéros de pages entre crochets se réfèrent au document de consultation qui a servi aux participants du Forum national sur la citoyenneté et l’intégration des 21 et 22 septembre 2000.

Les suites de cette prise de position ont donné, selon Michel David, le résultat suivant :
En conférence de presse, on a demandé au ministre de l’Immigration et des Relations avec les citoyens, Robert Perreault, si l’objectif était de remplacer la citoyenneté canadienne par la citoyenneté québécoise. Sa réponse a consisté en une juxtaposition de phrases totalement décousues. (Mots mis en gras par nous.)
Comme il fallait s’y attendre, le ministre fédéral, Stéphane Dion a répliqué au Forum national du Québec. David écrit :
À Ottawa, Stéphane Dion est tombé à bras raccourcis sur ce « pamphlet séparatiste ». Rappelant la malheureuse déclaration de Jacques Parizeau sur « l’argent et le vote ethnique », il a dit voir dans le Forum sur la citoyenneté l’expression du « désespoir » péquiste face au refus des communautés culturelles d’appuyer le projet souverainiste.
Mais il corrige le tir en ajoutant :
Après avoir distribué les certificats de citoyenneté comme s’il s’agissait de tracts publicitaires, à la veille du dernier référendum, le gouvernement fédéral est cependant bien mal placé pour faire la leçon à qui que ce soit.
Le gouvernement poursuit inlassablement son combat pour la défense de l’« identité canadienne ». Son action ne se limite pas à des gestes ponctuelles.
On peut toujours s’interroger, écrit Michel David, sur l’opportunité de dépenser 200 000 $ pour un Forum comme celui-là, mais c’est insignifiant comparativement aux dizaines de millions qui sont investis sous de multiples formes dans la promotion de l’identité canadienne.
Il termine son article par cette recommandation :
N’empêche, la prochaine fois que le premier ministre Bouchard se plaindra des incursions d’Ottawa dans les champs de juridiction des provinces, Jean Chrétien aura beau jeu de lui souligner que la citoyenneté relève exclusivement du gouvernement fédéral. Et que même pour voter PQ à une élection et OUI à un référendum, il faut d’abord être citoyen canadien.
Source : Michel David, « 80% laine, 12 % coton, 8 % polyester », Le Soleil, 23 septembre 2000, p. A24 (Opinions. « Chronique politique »). Depuis le mois de septembre 2001, Michel David écrit pour le quotidien Le Devoir.
Donc, la question angoissante concerne la citoyenneté québécoise ou canadienne. Laquelle choisir ? Peut-elle être commune ? Et l’identité québécoise ? Et l’identité canadienne ? Serait-ce la quadrature du cercle ?
* Une réflexion s’impose sur l’histoire
Les théories des représentations collectives sont en ce moment habitées par des chimères. Nos intellectuels soliloquent de plus en plus tout en nous serinant continuellement à l’oreille leurs propres imaginaires qu’ils croient fondés dans la réalité, car ils ne voient dans la réalité que des représentations.
La meilleure propagandiste de toutes ces scories demeure l’ineffable Marie-France Bazzo qui fait du béni-oui-oui avec ceux et celles avec qui elles partagent le même discours soporifique. À cet effet, la Société Radio-Canada a une très grande responsabilité morale envers la population du Québec. Le créneau idéologique de l’émission Indicatif présent de Radio-Canada est devenu infect. Trop, c’est trop sur la même note et sur le même ton. Il nous faut d’autres points de vues que ceux d’Homel, Godbout, Dubois (René-Daniel, bien sûr !) et consorts. Nous souffrons à l’heure actuelle d’une indigestion aiguë du discours monocorde et uniforme à cette émission diffusée pour les bonnes âmes « canadiennes » au Québec. On y reçoit surtout les chantres d’une sorte de négationnisme historique.
En conséquence, nous proposons un petit graphique pour servir à la compréhension de l’histoire.

L’histoire du Québec contemporain est coincée entre une histoire passéiste et une histoire futuriste. Les historiens du type Jacques Lacoursière se cantonnent dans l’analyse et le récit du passé dans l’esprit traditionnel où, selon le vieux proverbe, nil novi sub sole. Cette vérité de La Palice ne règle rien quant à l’histoire qui se déroule sous nos yeux ainsi que pour tout ce qui se prépare pour demain. C’est un divertissement pour l’esprit. En revanche, d’autres historiens du type Gérard Bouchard (plutôt sociologue qu’historien), entrevoient dans la construction du futur des éléments incontournables de rupture. Ces ruptures conduisent même à supposer que le passé ne soit qu’une forme de nos représentations imaginaires. Tout se déroule dans notre imaginaire collectif ! La flèche du temps futur impose ses conditions au présent et au passé, d’où leur proposition d’une réécriture de l’histoire au Québec. L’histoire devient une sorte de représentation de leurs fantasmes. Ce qui n’entre pas dans leurs « bulles » doit être extirpé. Ainsi, les Canadiens-Français peuvent jeter aux orties les « souches » de la Saint-Jean ! C’est une ambition qui défie le Passé et transforme l’historien en propagandiste d’une vision historique du futur. L’histoire se prête au service d’une cause. Ils militent comme les curés hier défendaient la foi (catholique). Ils ont les mêmes schèmes de pensée ! L’ordre !
Ces remarques peuvent paraître très dures voire injustes, mais jetons un coup d’oeil au graphique ci-dessus. L’histoire se vit au Temps présent (T0). Le temps T0 est le produit d’un Temps passé (TP1...). Le Temps futur (TF1...) est le résultat des efforts des vivants pour bâtir leur avenir (ce que sera demain). Cela dit, le continuum T implique un emboîtement des T successifs (d’hier, d’aujourd’hui et de demain). Il est donc vain de vouloir se débarrasser du Passé parce que notre Futur lui serait indépendant et que le Présent, notre hic et nunc, nous permettrait d’agir impunément à notre guise, c’est-à-dire comme si...
C’est se bercer d’illusions que de croire qu’on peut effacer (ou refaire) le Passé, se recréer un Présent dans notre imaginaire et inventer un Futur qui pourrait ressembler étrangement à bien des égards à un château de cartes. C’est rêver. Pour le moment, nos utopies se multiplient et même s’amplifient. À telle enseigne que notre vocabulaire pour traiter le monde et la société québécoise est déconnecté de la réalité : il n’existe que dans nos esprits. Notre société dérive dans des discours. La collectivité ne suit pas. Le Québec Français s’ennuie de tant de discours compliqués et souvent inutiles.
La double angoisse humaine (les deux points d’interrogation) nous assaille. Notre regard sur le Passé nous effraie et on voudrait voir autre chose. Notre regard sur le Futur nous excite, car on croit pouvoir résoudre l’imbroglio par de savantes démonstrations compliquées en rapport avec la Nation québécoise, la citoyenneté et le vivre ensemble. Puis finalement, notre regard sur le Présent est empreint ou de mécanismes psychologiques d’autoflagellation ou d’une conception téléologique de l’histoire. Comment peut-on expliquer cette transmission culturelle à l’intérieur de l’histoire des idées du Québec Français autrement que par des anthologies de documents ?
Très prochainement, le journal La Presse commencera « Le Forum des Québécois ». Ceux et celles qui auront le courage de lire tout ça risquent de perdre leur boussole. Il y en aura pour tout le monde ! Ce sera un exercice de plus que l’on qualifiera de démocratique, mais qui dans les faits ne servira qu’à brouiller les cartes. Une société ne peut pas indéfiniment passer son temps en discours ; une société vivante doit AGIR POUR VIVRE ET VIVRE POUR AGIR. Pour ceux et celles qui exerceront leurs droits de paroles, je crois qu’ils auraient intérêt à analyser cette « petite leçon sur la citoyenneté ». Cela dit sans prétention et avec tout le respect que je dois exprimer envers mes concitoyens et concitoyennes.
Conclusion
Le mot « fusion » signifie l’« union d'éléments distincts en un tout homogène » comme, par exemple, la fusion des divers peuples qui ont formé la nation française ou comme la fusion de sociétés commerciales. Le débat autour de la citoyenneté québécoise soulève des questions nombreuses par rapport à la population. La citoyenneté met en cause les trois LIENS exprimés dans le « Modèle exploratoire d’analyse de la citoyenneté ». Ces LIENS conditionnent sans nul doute la nation et les peuples. C’est ce que nous pourrions qualifier de « boîte noire » de la société.
Si les Québécois Français ne parviennent pas à faire une bonne lecture de la « boîte noire » sociale, ils risquent de vivre les conséquences de la « fusion » malgré la persistance de l’existence de la langue française au Québec parce qu’ils deviendront, au sens fort du terme, une « minorité nationale ». Ils pourront bien parler le français et même très bien, mais ils n’auront plus le nombre. Par l’immigration d’abord et par la fusion ensuite, le Québec Français s’amenuisera. Comme le signale Maurice Séguin dans Les Normes : « La fusion s’accomplit graduellement, spontanément, là où les indigènes (*) sont nombreux... Le processus [...] échappe en grande partie à la volonté des individus et des organismes privés ou publics. »
Apprenons donc clairement que le « purelainisme » n’est pas le cas que des Canadiens Français au Québec !

Apprenons aussi que la citoyenneté peut être une boîte de Pandore.

Apprenons encore que la langue n’assure pas ipso facto la défense d’une culture.

Apprenons de plus que la nation majoritaire ne peut vivre complètement que si elle s’affirme et se défend absolument.

(*) C’est-à-dire la personne née dans le pays où elle habite.

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Bruno Deshaies209 articles

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BRUNO DESHAIES est né à Montréal. Il est marié et père de trois enfants. Il a demeuré à Québec de nombreuses années, puis il est revenu à Montréal en 2002. Il continue à publier sa chronique sur le site Internet Vigile.net. Il est un spécialiste de la pensée de Maurice Séguin. Vous trouverez son cours sur Les Normes (1961-1962) à l’adresse Internet qui suit : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-1-20 (N. B. Exceptionnellement, la numéro 5 est à l’adresse suivante : http://www.vigile.net/Les-Normes-en-histoire, la16 à l’adresse qui suit : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-15-20,18580 ) et les quatre chroniques supplémentaires : 21 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique 22 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19364 23 : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19509 24 et fin http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-Chronique,19636 ainsi que son Histoire des deux Canadas (1961-62) : Le PREMIER CANADA http://www.vigile.net/Le-premier-Canada-1-5 et le DEUXIÈME CANADA : http://www.vigile.net/Le-deuxieme-Canada-1-29 et un supplément http://www.vigile.net/Le-Canada-actuel-30

REM. : Pour toutes les chroniques numérotées mentionnées supra ainsi : 1-20, 1-5 et 1-29, il suffit de modifier le chiffre 1 par un autre chiffre, par ex. 2, 3, 4, pour qu’elles deviennent 2-20 ou 3-5 ou 4-29, etc. selon le nombre de chroniques jusqu’à la limite de chaque série. Il est obligatoire d’effectuer le changement directement sur l’adresse qui se trouve dans la fenêtre où l’hyperlien apparaît dans l’Internet. Par exemple : http://www.vigile.net/Les-normes-en-histoire-1-20 Vous devez vous rendre d’abord à la première adresse dans l’Internet (1-20). Ensuite, dans la fenêtre d’adresse Internet, vous modifier directement le chiffre pour accéder à une autre chronique, ainsi http://www.vigile.net/Le-deuxieme-Canada-10-29 La chronique devient (10-29).

Vous pouvez aussi consulter une série de chroniques consacrée à l’enseignement de l’histoire au Québec. Il suffit de se rendre à l’INDEX 1999 à 2004 : http://www.archives.vigile.net/ds-deshaies/index2.html Voir dans liste les chroniques numérotées 90, 128, 130, 155, 158, 160, 176 à 188, 191, 192 et « Le passé devient notre présent » sur la page d’appel de l’INDEX des chroniques de Bruno Deshaies (col. de gauche).

Finalement, il y a une série intitulée « POSITION ». Voir les chroniques numérotées 101, 104, 108 À 111, 119, 132 à 135, 152, 154, 159, 161, 163, 166 et 167.





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