Pauline et Gilles

Le dernier sondage montre que s’il était à la tête du Parti québécois, Gilles Duceppe et le PQ formeraient le prochain gouvernement, battrait François Legault, et reléguerait loin derrière le Parti libéral et l’ADQ. Allons-nous bouder notre plaisir?

Élection Québec 2012




«Il n’y a rien de plus réel et de plus substantiel dans ce monde que les illusions», disait un penseur du XIXe siècle.
J’ai toujours fait confiance à Pauline Marois et je l’ai appuyée dès son arrivée à la tête du Parti québécois. Je me disais: l’ère des femmes dirigeantes est enfin arrivée et on va enfin voir si elles vont pouvoir faire mieux que les hommes, comme ne cessait de le répéter Michel Chartrand : « Jusqu’à maintenant, nous avons toujours été gouvernés par des hommes. Voyez le résultat. Il serait temps qu’on essaie une femme maintenant. »
Il y avait Cristina Fernandez de Kirchner à la présidence de l’Argentine, il y avait l’ombre d’Hilary Clinton qui aspirait à la présidence des États-Unis, et Ségolène Royale qui se présentait à la présidence de la France. L’élection de l’ex-guerillera Dilma Rousseff à la présidence du plus grand et plus puissant pays de l’Amérique latine, le Brésil, venait récemment conforter encore une fois mes illusions qu’il fallait faire confiance à cette femme d’expérience pour diriger le Québec. N’avait-elle pas piloté avec brio de nombreux ministères parmi les plus importants?
Marie-Jeanne Robin, qui avait travaillé dans l’entourage immédiat de Pauline, m’avait approché à l’époque pour écrire une biographie sur cette femme de tête, et j’avais d’emblée accepté de publier cette biographie, comme j’avais publié celle de Gilles Duceppe quelques années auparavant, mais des raisons de santé l’avaient empêchée d’aller de l’avant.
J’avoue aujourd’hui que l’image de Pauline passe mal, malgré son expérience indiscutable. Lorsque j’en parle autour de moi, c’est le même constat. Elle manque de charisme, «elle ne passe pas», comme on dit. Et ce n’est pas parce que c’est une femme car le Québec a beaucoup évolué comme le prouve la présence des femmes dans des chasses gardées réservées auparavant à des hommes. Mais c’était le même constat avec Pierre-Marc Johnson, Bernard Landry et André Boisclair, des hommes trop froids, sans véritable charisme, incapables de nous fasciner tout en neutralisant l’adversaire.
Qu’on le veuille ou non, un parti doit pouvoir compter sur une figure emblématique, un leader capable non seulement de rassembler ses partisans mais surtout l’immense majorité des votants qui ne sont pas membres du parti. Une personne à qui on fait totalement confiance.
Pauline Marois n’a pas réussi là où d’autres avant elle ont également échoué. Je pense qu’il est temps qu’elle accepte ce constat d’échec, en abandonnant toute illusion quant à ses véritables appuis au sein du Parti québécois, et qu’elle cède la place à quelqu’un d’autre capable de relever le défi. Les partisans de la souveraineté lui en sauront reconnaissants et valoriseront en temps et lieux sa détermination et son courage.
***
Cette autre personne, c’est aujourd’hui Gilles Duceppe, dont on ne peut non plus douter de sa compétence, puisqu’il a accumulé une vingtaine d’années comme député du Québec au Parlement canadien à Ottawa. Vingt ans au cours desquels il a dû subir les quolibets et le mépris des députés du ROC, vingt ans à livrer assidûment le combat de l’autonomie et du plein respect de la souveraineté du Québec en territoire ennemi, en ne comptant que sur le seul soutien de la députation du Bloc. Vivre ainsi dans l’adversité, vivre en minorité avec le mot Souveraineté tatoué sur le front, sans faillir une seule fois — vous imaginez facilement que si on avait pu impliquer Gilles Duceppe et son parti dans quelque scandale, on l’aurait fait depuis longtemps —, c’est quelque chose de terrible, cela forge le caractère et mérite même une médaille.
Le dernier sondage montre que s’il était à la tête du Parti québécois, Gilles Duceppe et le PQ formeraient le prochain gouvernement, battrait François Legault, et reléguerait loin derrière le Parti libéral et l’ADQ. Allons-nous bouder notre plaisir?


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