Tout ça pour ça…

Géopolitique — Afrique du Nord

Non, il ne s’agit pas d’une suite au film de Claude Lelouch, intitulé Tout ça pour ça.
Le «ça», c’est la Libye, un pays aujourd’hui à moitié détruit, avec plus de 70 000 civils morts sous les bombes et la mitraille, des centaines de milliers d’exilés qui ont fui les zones de combat depuis les huit derniers mois, un début d’épuration ethnique entrepris par les vainqueurs, un président mort en combattant, sans abandonner son peuple comme il l’avait promis ou plutôt assassiné de sang froid par des mercenaires armés par les champions de la démocratie, les pays membres de l’OTAN, la France, les États-Unis, l’Angleterre, l’Italie et le Canada, au mépris des traités internationaux sur les prisonniers de guerre, et enterré en catimini comme on l’a fait pour le Che en Bolivie.
Le «ça», c’est maintenant un nouveau président non élu, à la tête de hordes barbares armées par l’OTAN et que la presse à solde a qualifiées honteusement de révolutionnaires, qui proclame que le pays «libéré» sera administré selon la loi divine de la charia, une «charia modérée compatible avec la démocratie», s’est-on empressé de rectifier pour rassurer les amis qui, de toute façon, n’en veulent qu’au pétrole libyen comme l’affirmait le sénateur démocrate Ed Markey. Le sale boulot a maintenant été fait : Kadhafi est mort et il ne risque pas d’accuser les gouvernements occidentaux de duplicité, avec preuves à l’appui.
Que l’on lapide ou fouette les femmes adultères ou les homosexuels en toute légalité, qu’on encourage la polygamie, qu’on interdise le divorce, qu’on voile le visage des femmes, qu’on viole en toute légalité les épouses des ennemis vaincus, qu’on sépare les femmes des hommes dans plusieurs activités publiques, dont l’enseignement ou les loisirs, bref, qu’on régresse au lieu d’avancer, l’Occident s’en fout, il a mis la main sur le pétrole libyen. D’ailleurs, le ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, a dit qu’il ne fallait pas trop s’en faire, «voyons ce que la charia va entraîner», a-t-il dit. Y a-t-il quelqu’un d’assez crédule pour croire à cette «charia démocratique»?
Pourtant, ce sont ces mêmes islamistes modérés puis radicaux que les forces de l’OTAN combattent en Afghanistan, ce sont ces mêmes islamistes qui gagnent du terrain en Irak après que les forces de l’OTAN aient renversé le seul homme capable de maintenir le fragile équilibre entre les différents groupes religieux.
Finalement, Kadhafi a commis l’erreur fatale de faire confiance aux faux amis, Bush, Blair, Sarkozy et Berlusconi, qui lui avaient demandé de démanteler son système de défense anti-aérien et de se défaire des missiles sol-air. «À quoi bon si nous sommes maintenant amis», lui ont-ils dit, rassurants. C’est ainsi que ces faux amis ont pu si facilement bombarder la Libye sans que celle-ci puisse offrir une véritable résistance.
Finalement, Kadhafi a oublié ce que plus d’un lui avait rappelé par le passé : que les États-Unis n’attaquent que les plus faibles, que des ennemis qu’ils jugent suffisamment affaiblis pour ne pas pouvoir résister. C’est ce qu’ils ont fait avec l’Irak, qui sortait d’une longue guerre meurtrière avec l’Iran et qui était également affaibli par de longues années de blocus et de sanctions économiques de toutes sortes, de 1990 à 2003. Et c’est ce qui explique pourquoi ils n’ont jamais envahi Cuba, parce que, malgré le blocus qui dure depuis 50 ans et qui, pour la vingtième année consécutive, vient d’être condamné une autre fois par 186 pays membres des Nations Unies (sur un total de 192), une attaque contre Cuba entraînerait de lourdes pertes en vies humaines chez l’attaquant qui n’est qu’à 90 milles des côtes cubaines. Cela, tous les services secrets étasuniens le savent et l’Oncle Sam n’est pas prêt à pas payer le prix.


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