Brian Mulroney et son «ami» Karlheinz Schreiber sont invités à expliquer devant un comité parlementaire des Communes la nature du contrat qu'ils ont conclu à l'été 1993 et pour lequel l'ancien premier ministre a reçu 300 000 $ en argent comptant. À part servir l'intérêt partisan de l'opposition, cette comparution permettra-t-elle d'apporter l'éclairage qu'on attend sur cette mystérieuse affaire?
Toute la semaine, l'affaire Schreiber-Mulroney aura monopolisé l'attention des trois partis d'opposition qui, après des débats houleux, ont obtenu de pouvoir faire parader ces deux hommes devant le comité chargé des questions d'éthique. Ils ont justifié cette décision par l'urgence d'entendre leur version, l'enquête publique consentie par le gouvernement ne devant pas débuter avant plusieurs semaines, et par le risque que Karlheinz Schreiber soit expulsé en Allemagne, dès le 1er décembre peut-être, pour y répondre d'accusations d'évasion fiscale. En clair, comprenons que l'opposition se sert de cette tribune pour garder sous les projecteurs un scandale conservateur et embêter le gouvernement Harper en cette période préélectorale.
À part le côté spectaculaire de ces auditions (et ce sera certainement un spectacle haut en couleur), il y a bien peu de chances qu'on y apprenne bien des choses. Il faut se rappeler que les comités parlementaires ont des pouvoirs et des moyens limités. Une fois devant les députés, MM. Mulroney et Schreiber présenteront leur version des faits. Bien sûr, ils devront dire la vérité, mais ce sera leur vérité, et sûrement pas toute la vérité. Leurs avocats les auront prévenus de ne pas s'incriminer. Il leur faudra bien répondre aux questions des parlementaires, qui ne pourront pas aller très loin puisqu'ils ne disposent pas d'enquêteurs qui auront fouillé l'affaire au préalable.
Les audiences de ce comité ne seront rien d'autre qu'une partie de pêche. Dans le cas présent, un tel exercice aurait pu se justifier s'il n'y avait pas eu cette décision du gouvernement Harper de confier ce dossier à une commission d'enquête. Rappelons d'ailleurs que cette commission a été créée à l'insistance des partis d'opposition.
Aujourd'hui, libéraux, bloquistes et néo-démocrates invoquent l'intérêt public. En venant piétiner les plates-bandes de la future commission d'enquête, ils risquent plutôt de le desservir. Ils donneront à leurs deux témoins l'occasion d'entreprendre leur défense sans que celle-ci puisse être contestée de façon sérieuse. Les députés feront tout particulièrement le jeu de Karlheinz Schreiber, lui qui distille depuis quelques semaines des bribes d'information qu'il accompagne de sous-entendus selon lesquels il sait beaucoup de choses... et qu'il parlera si on le garde au Canada plutôt que de l'expulser en Allemagne. Devant ce manipulateur de première classe, on peut se demander à quel bout de la ligne se retrouvera le poisson.
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Si on cherche un avantage à la démarche des députés, on le trouve du côté de Brian Mulroney. On pourra l'entendre de vive voix, plutôt que par attaché de presse interposé, confesser l'«erreur colossale» qu'il a commise en acceptant 300 000 $ en argent comptant des mains de Karlheinz Schreiber. C'est la moindre des choses qu'il s'explique ouvertement. Depuis quelques jours, il cherche à limiter les dégâts. La défense qu'il construit en exprimant ses regrets d'avoir fait un geste aussi stupide pourra peut-être lui servir devant la commission d'enquête mais pas devant l'opinion. Une aussi piètre excuse qu'une situation financière personnelle difficile, alors qu'il rénovait à grands frais une résidence payée plus de 1,2 million de dollars, est irrecevable. Pire, elle entache irrémédiablement la qualité de jugement de cet ancien premier ministre dont l'héritage était jusqu'ici apprécié de ses concitoyens québécois. Si c'est là la seule explication qu'il s'apprête à offrir devant le comité parlementaire, ce sera un spectacle bien désolant.
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