Parti libéral du Canada - L'apprenti

Ignatieff - le PLC et le Québec

Un dicton veut qu'en politique, une semaine soit une éternité. Après la semaine intense qu'il vient de vivre, le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, sait maintenant combien cela est vrai. Ce furent des moments difficiles, révélateurs des faiblesses de l'équipe libérale et d'un chef encore vert.
Etre chef de l'opposition officielle n'est pas une sinécure. Le chef libéral l'a répété plusieurs fois ces derniers jours alors que s'étalaient ses déboires avec son ex-lieutenant au Québec, Denis Coderre. Un sentiment que d'autres avaient déjà ressenti. Ainsi, Brian Mulroney a déjà avoué que la période la plus difficile de sa carrière politique avait été ses années dans l'opposition. La chose s'explique. Le gouvernement a entre les mains tous les instruments du pouvoir. Contrairement à un premier ministre, un chef de l'opposition ne peut s'assurer l'appui de ses militants, organisateurs et députés par des nominations ou des promesses de subventions et de bouts de routes. Tout au plus, peut-il leur faire miroiter que le pouvoir est à portée de la main.
Le drame vécu par Michael Ignatieff cette semaine aura été de réaliser que le pouvoir est loin d'être à portée de la main. La stratégie annoncée lors du caucus de Sudbury il y a un mois aura fait long feu. La motion de censure annoncée a été battue jeudi, si bien que le gouvernement Harper, grand gagnant de cette opération, semble en selle pour encore plusieurs mois. C'est le retour à la case départ pour les libéraux.
À tous égards, la crédibilité de M. Ignatieff se trouve affectée par cet échec. On voit aujourd'hui à quel point il a mal mesuré le risque pris en défiant le gouvernement. Il était clair pourtant que les Canadiens ne voulaient pas d'élection à ce moment-ci. Il a mal lu les sondages d'été, généralement peu fiables, qui le mettaient au coude à coude avec le Parti conservateur. Surtout, il a eu tort de croire que 35 jours de campagne suffiraient pour prendre la tête et remporter l'élection.
Intellectuel à peine sorti de son université, Michael Ignatieff manque manifestement de flair. Contrairement à un Brian Mulroney ou à un Jean Chrétien, il n'a pas cette sensibilité qu'on appelle l'instinct politique qui, d'emblée, vous indique d'où le vent souffle et avec quelle force. Il n'a pas non plus ce réflexe de toujours s'assurer de ses appuis au sein même du parti et de la loyauté de ses proches, ce qu'illustre l'incident avec Denis Coderre. Il savait pourtant qu'en dépit de ses talents d'organisateur, celui-ci pouvait être un électron libre qu'il fallait encadrer. Résultat, faute d'avoir autour de lui des conseillers politiques connaissant bien le Québec, Michael Ignatieff a permis à banale chicane interne d'investiture locale, comme tous les partis politiques en vivent, de se transformer en conflagration. La sortie du lieutenant québécois sur l'influence des conseillers torontois sur les affaires du parti au Québec, tout exagérée qu'elle soit, laissera des traces profondes dans l'inconscient des électeurs. Jacques Parizeau appelait cela «s'auto-pelure-de-bananiser».
Être chef de l'opposition officielle, c'est être prétendant au poste de premier ministre. En présentant une motion de défiance pour faire tomber le gouvernement, il nous disait être prêt à le devenir. Manifestement, il ne l'était pas. Le néophyte politique qu'il est devra poursuivre son apprentissage. Il peut remercier les néo-démocrates qui, en assurant la survie du gouvernement conservateur, lui donnent la chance de se rattraper.
bdescoteaux@ledevoir.com


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