Parizeau prépare le troisième référendum

L'ancien premier ministre lance un essai destiné à secouer les souverainistes

Parizeau relance le projet de souveraineté

Robert Dutrisac - Québec -- Jacques Parizeau exhorte les leaders souverainistes, dont il constate le manque de détermination, à préparer sans attendre le troisième référendum sur la souveraineté, dont la tenue est écrite dans le ciel. «Il y aura une troisième tentative d'atteindre l'indépendance du Québec», affirme avec certitude l'ancien premier ministre Jacques Parizeau dans son dernier ouvrage, La Souveraineté du Québec. Hier, aujourd'hui et demain.
«Il faut tirer les leçons de 1995», écrit Jacques Parizeau dans son livre de 254 pages qui se présente comme un essai étoffé sur le projet souverainiste sous tous ses angles: politique, stratégique et économique.
Selon M. Parizeau, «il est tellement important que le mouvement souverainiste élabore les programmes de gouvernement d'un Québec indépendant avant même de prendre le pouvoir». L'ancien chef péquiste signale qu'il a commencé dès 1988 à préparer le référendum de 1995 et que le Parti québécois, alors dans l'opposition, avait commencé des études avant l'élection de septembre 1994. «Néanmoins, le temps a manqué. L'avalanche d'études au cours des derniers mois précédant la campagne référendaire projetait une image de désordre dommageable.»
S'appuyant entre autres sur un sondage dont il avait fait état devant les Intellectuels pour la souveraineté (IPSO) en juin dernier, Jacques Parizeau juge que «le soutien à l'objectif, la ferveur de l'idéal [semblent] se maintenir avec une vigueur surprenante». Il en veut pour preuve le fait que les militants ont imposé leur slogan -- «On veut un pays» -- durant les élections fédérales et québécoises en 2008 «alors que la direction des deux partis avait abordé l'année avec beaucoup de circonspection quant à l'objectif de la réalisation de la souveraineté».
Lors de l'émission Tout le monde en parle, hier, à l'écrivain Dany Laferrière qui lui demandait si la cause de la souveraineté avait brûlé sa vie ou encore l'avait illuminée, Jacques Parizeau a répondu que cet «espoir» lui avait appris à aimer le Québec, ce qui n'était pas évident pour quelqu'un de sa «culture» (sa classe sociale). Le «nationalisme étroit» a amené bien des politiciens à un certain mépris du Québec, a poursuivi M. Parizeau, qui pensait sans doute à Pierre Trudeau, notamment. «J'ai partagé ça quand j'étais plus jeune et c'est vraiment l'espoir de la souveraineté du Québec qui m'a amené vraiment à aimer le Québec.»
Le gouvernement fédéral est, pour les Canadiens, leur vrai gouvernement, ce qui ne fut pas toujours le cas, rappelle-t-il dans son essai. Quand un jeune Canadien colle un drapeau du Canada sur son sac à dos, il n'a pas de problème identitaire. «Le même qui a collé le fleurdelisé sur son sac n'est pas très sûr de ce qu'il est», illustre M. Parizeau. Est-ce une affirmation culturelle ou politique, de ce qui est ou de ce qui sera? «Tout cela est bien difficile à démêler. Il faut d'ailleurs traiter avec un certain respect ce jeune qui ne trouve pas toujours chez les leaders souverainistes la détermination qu'il faudrait.»
Paradoxalement, plus la mondialisation s'intensifiera, plus la souveraineté des États sera nécessaire aux citoyens qui y verront une essentielle protection dans un contexte où plus de pouvoirs seront délégués à des organismes internationaux, entrevoit Jacques Parizeau. Les États devront être l'expression d'une culture commune, d'un «vouloir vivre ensemble». «C'est dans ce sens que l'avenir des fédérations est compromis», croit-il. Une fédération qui doit s'engager sur le plan international envers des questions de plus en plus variées et compliquées «finit par ne voir que des inconvénients à une structure politique qui accorde des pouvoirs souverains» à des États ou provinces sur des activités aussi stratégiques que la santé, l'éducation, la culture, le droit commercial, explique celui qui fut longtemps professeur d'université. La centralisation croissante est déjà amorcée au Canada. «C'est dans ce cadre que va s'insérer la nouvelle tentative de réaliser la souveraineté du Québec», écrit-il.
Or, après le référendum de 1995, «l'État du Québec redevient petit à petit la province de Québec». Un gouvernement souverainiste «plonge tout à coup dans une sorte de jansénisme financier», poursuit l'objectif du déficit zéro et devient «l'obligé» d'Ottawa. «Il y a là un mystère qui n'a jamais été complètement élucidé», estime l'ancien chef politique.
Dans le chapitre qui traite de la «perspective internationale», Jacques Parizeau reconnaît cependant qu'aujourd'hui, après de longues années où «l'idée de l'indépendance du Québec a graduellement perdu son caractère urgent et prioritaire dans l'opinion publique, les rapports que les souverainistes québécois avaient établis avec l'étranger se sont relâchés». Et puis, à la fin de 2008 survient «un véritable scandale, quelque chose de littéralement insensé, une caricature des rapports de la politique et de l'argent»: le président Nicolas Sarkozy, «récupéré par Paul Desmarais», exprime sa foi dans l'unité canadienne. Ces déclarations «changent complètement, pour un temps, la donne internationale», déplore-t-il.
L'ouvrage de Jacques Parizeau est aussi un traité d'économie politique. Il s'en prend aux «lucides», qu'il surnomme les «déclinologues»; il conteste leurs sombres prévisions sur les effets du vieillissement de la population et fait valoir que la dette du Québec, en pourcentage du PIB, est bien moindre que celle des États-Unis et est inférieure à la moyenne des pays de l'OCDE. Enfin, le Québec n'est pas «l'enfer fiscal» que l'on se plaît à décrire, soutient l'économiste Parizeau.
Citant un sondage commandé par le Bloc québécois, dont Le Devoir a fait état en juin, Jacques Parizeau constate qu'une majorité de Québécois croit que la souveraineté est souhaitable et réalisable et qu'une majorité pense qu'elle ne se réalisera pas. Le Québec donne l'impression d'une société «bloquée», l'avenir semble souvent «sombre, difficile, voire bouché», se désole Jacques Parizeau. «Comment rétablir l'optimisme, l'assurance et la confiance dans l'avenir? La réponse n'est pas simple.» Mais elle viendra, il en est persuadé. Pur produit de la Révolution tranquille, Jacques Parizeau est un incorrigible optimiste.


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