Parizeau déplore le «flou artistique» au PQ

Le parti doit passer du rêve au projet souverainiste, dit l'ancien premier ministre

PQ - XVIe congrès avril 2011



Jacques Parizeau: «On doit transformer le rêve en projet, puis le projet en chantier.»

Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir

Québec — Le Parti québécois de Pauline Marois cultive le «flou artistique» au sujet de la souveraineté, déplore Jacques Parizeau. À trois semaines d'un important congrès où le PQ doit adopter son programme et tenir un vote de confiance sur le leadership de Pauline Marois, l'ex-premier ministre, dans une lettre au Devoir, relance le débat sur l'article 1. À ses yeux, la formulation proposée actuellement dans la «proposition principale» adoptée en juin 2010 ne convient pas puisqu'elle est totalement «muette» sur la préparation du référendum et l'utilisation des fonds publics pour le faire.
La déception quant aux moyens pour passer «du rêve au projet» (titre de sa lettre) se double, chez le ténor souverainiste, d'une frustration: la direction du parti a étouffé «avec un zèle intempestif» le débat sur la question. C'est «silence dans les rangs!», soutient M. Parizeau.
En effet, depuis l'automne, la conjointe et «députée préférée» de M. Parizeau, Lisette Lapointe, ainsi que certains militants, dont le petit-fils de l'ancien premier ministre, Adrien Parizeau, ont bien essayé de faire adopter une modification à l'actuel libellé de l'article 1, mais le comité directeur du congrès d'avril a récemment jugé cette proposition «irrecevable». «Tout amendement à l'article 1 [est] considéré comme attentatoire à l'autorité de la chef», déplore Jacques Parizeau dans sa lettre.
La «proposition Crémazie», du nom de la circonscription de Mme Lapointe, affirmait d'abord qu'une fois arrivé au pouvoir, le PQ créerait «une Commission de préparation à la réalisation de la souveraineté». Celle-ci ferait «périodiquement rapport de ses travaux aux instances du parti». De plus, elle indiquait qu'en arrivant au pouvoir, le PQ prendrait «les moyens techniques et juridiques nécessaires pour parachever les études, préciser les projets et en assurer la diffusion dans le public».
Jointe la semaine dernière, Lisette Lapointe s'est dite «assez atterrée» par la décision des hautes instances du parti de refuser le débat sur sa proposition. Mais elle a soutenu qu'elle gardait espoir, puisque la décision a été reportée en appel.
«Inconcevable», dit Turp
Candidat à la présidence du parti, le constitutionnaliste Daniel Turp ne se gêne pas pour qualifier d'«inconcevable» la décision de rejeter tout débat sur cette proposition, et ce, même s'il est personnellement en désaccord avec la «proposition Crémazie». «Je ne suis vraiment pas heureux de la tournure des événements parce que je crois que les gens ont le droit de débattre dans ce parti», a-t-il confié au Devoir jeudi dernier, ajoutant qu'il s'était plaint à «qui de droit».
Lui-même a été aux premières loges dans cette affaire puisque, à titre de président de la commission politique, il préside d'office le comité directeur du congrès. La proposition de Lisette Lapointe avait été adoptée — avec certaines variantes — dans trois congrès de circonscription (Crémazie, Hull et Rimouski), mais avait été battue de peu dans les congrès régionaux qui se sont tenus cet hiver. Selon les statuts cependant, il est possible de faire «remonter» au congrès national une proposition battue au régional. Un «comité de recevabilité» doit alors trancher. Celui-ci est composé de trois personnes du «comité directeur». Au terme d'un long débat, raconte M. Turp, le comité a conclu que la proposition créait une nouvelle instance et ne pouvait donc pas être débattue devant le congrès, mais bien devant la CNPP (conférence nationale des présidents et présidentes). La décision est actuellement en appel, mais «ce sont les mêmes trois personnes qui trancheront», a-t-il noté.
Comme les jeunes
La lettre de Jacques Parizeau reprend le titre de celle de [50 jeunes militants->32091] souverainistes qui, début novembre, publiaient un texte dans nos pages pour dénoncer la notion, chère à Pauline Marois, de «gouvernance souverainiste», une perspective qu'ils associaient à un «autonomisme» à la Mario Dumont «sous un autre label». Certains de ces jeunes ont échoué à faire adopter des propositions du type «Crémazie» dans plusieurs instances.
Dans sa «réflexion sur le congrès du Parti québécois», Jacques Parizeau plaide pour que l'article 1 aborde la préparation du référendum et l'engagement de fonds publics.

«Traiter de ces questions ou les passer sous silence, c'est toute la différence entre l'élaboration d'un projet qui permet aux électeurs de voir où on veut les amener et ce que l'humoriste français Alphonse Allais appelait "les paroles verbales". Dans un cas, on montre sa volonté de réaliser; dans l'autre, on maintient un "flou artistique" sur ses intentions et sur ses projets d'avenir.»

Si les souverainistes persistent dans le «flou artistique», une fois au pouvoir, ils se retrouveront dans la position du PQ après l'arrivée de Lucien Bouchard à sa tête en 1996: «On découvre qu'on n'a pas le mandat pour faire la souveraineté et donc qu'on ne peut pas "en conscience" utiliser des fonds publics à cette fin.» Cela est démobilisateur, plaide-t-il, et actuellement, même si l'opinion publique reste «étonnamment assez attachée à la souveraineté», «de plus en plus de gens pensent qu'on n'y arrivera pas».
Soutenant que l'exclusion de la «proposition Crémazie» n'est «pas raisonnable», il conclut ainsi: «Le pouvoir semble être la portée de main. Il faut être clair quant à ce que l'on veut en faire.»


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