Accord de libre-échange Canada-UE

Paris et Québec réclament d'urgence l'exception culturelle

Accord de libre-échange Canada - Union européenne


Paris — Alors que Jean Charest achevait hier sa visite officielle à Paris, la France et le Québec ont joint leur voix pour réclamer de toute urgence «une clause d'exception culturelle large» dans l'accord de libre-échange qui se négocie actuellement entre le Canada et l'Union européenne.
«Nous voulons que l'entente Canada-Europe soit très claire sur la capacité des États à soutenir leur secteur culturel», a déclaré le premier ministre québécois après s'être entretenu environ 45 minutes avec le président Nicolas Sarkozy à l'Élysée. Celui-ci s'est d'ailleurs engagé, selon les dires du premier ministre, à en parler dans la journée même au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.
«Il faut être conscient que les 27 États membres [de l'Union européenne] [...] n'ont pas tous le même degré de sensibilité et pour cette raison, nous voulons inscrire en toutes lettres l'exception culturelle», a renchéri Jean Charest.
On sait qu'un certain nombre de pays européens plus libéraux, comme le Royaume-Uni et certains pays d'Europe de l'Est, sont traditionnellement plus réticents à exempter la culture des accords commerciaux. Alors que les négociations entre le Canada et l'Union européenne sont «dans le dernier droit», le premier ministre dit s'inquiéter tout particulièrement du fait que certains signataires de la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle aient dû récemment céder sur cette question. Ce fut notamment le cas du Maroc face aux États-Unis.
«On sait qu'il y a un certain nombre de pays [...] pour qui les produits culturels sont considérés comme des activités commerciales», a confirmé l'ancien premier ministre Pierre Marc Johnson, qui représente le Québec dans ces négociations. Selon une source proche des négociations, les réticences pourraient plutôt venir de certains membres de la Commission européenne. La récente négociation d'un accord de libre-échange entre la Corée et l'Union européenne, sous la responsabilité de la Britannique Catherine Ashton, avait suscité des débats animés sur l'audiovisuel. Néanmoins, pour le délégué du Québec à Bruxelles, Christos Sirros, «les milieux culturels ont des alliés autour de la table».
Le premier ministre français François Fillon a joint sa voix à celle du premier ministre québécois et du président français. «Nous défendons l'exception culturelle avec la même force et nous allons la défendre dans le cadre de la négociation entre l'Union européenne et le Canada», a déclaré François Fillon.
Même longueur d'onde
Au terme de cette 16e rencontre alternée, les premiers ministres français et québécois se sont félicités de la rapidité avec laquelle les ententes sur la mobilité de la main-d'oeuvre ont été signées. Deux ans seulement après le lancement des négociations, environ 70 ordres professionnels et corps de métiers français et québécois sont arrivés à un arrangement. «Il faut maintenant qu'Européens et Canadiens regardent ce que nous, Français et Québécois, avons fait pour l'étendre à l'ensemble de l'Union européenne et du Canada», a dit François Fillon.
Les deux premiers ministres semblaient sur la même longueur d'onde. «On est tellement en phase l'un avec l'autre qu'on s'est tous les deux tapé un vote de confiance» cette semaine, a ironisé Jean Charest devant François Fillon. En France, la popularité de François Fillon est cependant nettement plus élevée que celle de Jean Charest au Québec.
Les deux premiers ministres ont présidé à la signature de plusieurs ententes. Parmi elles, une déclaration de principes vise à faciliter l'obtention de visas de travail pour les professionnels dont les diplômes et les compétences auront été reconnus.
Fillon au Nunavik
Le premier ministre français a aussi manifesté un certain intérêt pour le Plan Nord de Jean Charest. Ce projet, qui sera déposé en mars prochain, devrait fixer le cap du développement des ressources économiques du Grand Nord québécois. La prochaine visite de François Fillon au Québec, en juin ou juillet 2011, devrait d'ailleurs le conduire dans le Nunavik. On envisage aussi que les ministres de la Santé français et québécois se concertent afin de combattre le choléra en Haïti. Il serait même question d'une visite commune.
En fin de journée, Jean Charest a prononcé un discours en compagnie de la ministre de l'Économie Christine Lagarde. Ils clôturaient un symposium franco-québécois sur les pôles de compétitivité. Le premier ministre a vanté la construction d'«un espace de mobilité en français» devant la ministre, qui est par ailleurs réputée en France pour ses sentiments très anglophiles. Jean Charest s'est aussi félicité de la signature d'une vingtaine d'ententes entre des entreprises françaises et québécoises. Parmi elles, le fabricant de trains d'atterrissage Héroux-Devtek, qui deviendra le premier fournisseur non européen du géant français de l'industrie militaire Dassault.
Interrogé sur les déclarations du nouveau ministre de la Défense Alain Juppé pour la politique traditionnelle de la France de «non-ingérence et de non-indifférence» à l'égard du Québec, François Fillon s'est contenté de dire que «les relations entre la France et le Québec n'ont jamais été à un meilleur niveau».
***
Correspondant du Devoir à Paris


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->