Où sont les républicains canadiens?

Mais ce serait bien le comble de la médiocrité politique de laisser le Royaume-Uni bouter son roi dehors avant nous. Le comble du ridicule colonial, aussi.

Visite royale - Charles - Novembre 2009


En voyant la manifestation contre la visite du prince Charles, hier, je me disais qu'il y avait erreur sur le manifestant.
Ce devrait être en effet un projet fédéraliste, que d'abolir la monarchie. Le Québec nationaliste, toutes tendances confondues, s'est débarrassé mentalement depuis longtemps de la monarchie.
Ce qui est beaucoup plus intrigant, c'est de penser que dans les mêmes cercles où l'on voue un culte à Pierre Elliott Trudeau, on accepte comme une fatalité l'idée que le Canada ait pour l'éternité une reine comme chef d'État.

Les Jeunes Patriotes qui vont dénoncer la monarchie britannique? Ceux-là enfoncent des portes ouvertes. Trop facile.
Ce devrait être Michael Ignatieff, qui se déclare républicain! Ce serait un projet nationaliste canadien cohérent que de fonder une république et de dépouiller pour de bon le Canada de ses derniers symboles coloniaux.
Dans les mêmes cercles qui pleurent encore Pierre Elliott Trudeau, on devrait être un peu conséquent. Le grand ouvrage de Trudeau n'était pas seulement de combattre le nationalisme québécois. C'était d'y opposer un nouveau nationalisme canadien.
Faire venir de Londres la Constitution canadienne, en 1982, en y ajoutant une Charte des droits, accomplissait les deux: c'était un outil de contrôle du nationalisme québécois mais surtout un acte fondateur de ce nationalisme canadien.
Trudeau aimait citer Henri Bourassa, pour qui il ne pouvait y avoir de «nation canadienne» tant qu'il n'y aurait pas de patriotisme canadien.
Ce patriotisme, comme tous les autres, a besoin d'actes fondateurs. Déraciner la monarchie en serait un particulièrement puissant.
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Bien entendu, l'expérience australienne a de quoi refroidir les républicains canadiens. Après des années de débats, après avoir créé une commission constitutionnelle, l'Australie a voté à 55% contre l'abolition de la monarchie dans un référendum, en 1999.
On proposait de remplacer la reine et son gouverneur général par un président élu par le Parlement. Il aurait conservé les mêmes fonctions pour l'adoption des lois, le protocole et l'arbitrage des crises parlementaires. Car, comme Alain Dubuc l'écrivait récemment, on aurait beau abolir la monarchie, on ne fera pas l'économie de la fonction constitutionnelle, même si elle est essentiellement symbolique.
Bien qu'encore officiellement républicains, les principaux partis politiques australiens ne parlent plus de référendums. L'opinion est divisée à peu près également avec, au milieu, un bloc de 15% d'indécis...
Ce mouvement est né en Australie d'une crise constitutionnelle bien particulière. Mais songez un peu qu'il n'y a aucun débat sur la question au Canada. Absolument rien.
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Pendant combien de décennies devra-t-on expliquer à nos enfants ce qu'une reine étrangère fait sur nos billets de banque? J'en conviens, il y a, universellement, une foule d'étrangetés politiques difficiles à expliquer aux enfants et aux autres.
Il s'agit tout de même de la question du chef de l'État canadien... qui est étranger.
Du temps où l'élite canadienne-anglaise singeait la société britannique dans ses manières, son architecture et ses institutions, pour le meilleur comme pour le pire, il n'était évidemment pas question de toucher au roi. Le Canada n'était qu'un dominion de l'Empire.
Mais le Canada est peuplé majoritairement maintenant de gens qui ne sont pas d'origine britannique. À l'hostilité historique des Canadiens français, s'ajoute donc maintenant cette énorme indifférence de tous ceux qui n'ont aucun attachement au Royaume-Uni.
Il y a donc un marché politique largement ignoré pour un acte symbolique de décolonisation finale de ce pays.
Je sais bien qu'il y a plus urgent à l'agenda politique. Je sais bien qu'après une phase de boulimie il y a 20 ans, nous sommes entrés dans une phase d'anorexie constitutionnelle.
Mais ce serait bien le comble de la médiocrité politique de laisser le Royaume-Uni bouter son roi dehors avant nous. Le comble du ridicule colonial, aussi.


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