Nous...

Chronique de Patrice Boileau

Il ne faut pas se surprendre que la nouvelle chef du Parti québécois, Pauline Marois, réhabilite le discours identitaire pour ramener les nationalistes qui ont tourné le dos à sa formation politique à la dernière élection.
Certes, cette stratégie vise d’abord à affaiblir l’Action démocratique de Mario Dumont, parti qui jouit dorénavant du titre d’opposition officielle à Québec. Avec un ton qui rappelle quelque peu celui diffusé par une certaine radio de la Capitale Nationale, le député de Rivière-du-Loup est parvenu à canaliser un certain ras-le-bol d’une classe d’électeurs qui en ont marre des discours politiques aseptisés.
Sans parler de référendum, les interventions nationalistes du chef de l’ADQ en ont séduit plusieurs. Mario Dumont s’aventure néanmoins sur une glace mince en faisant vibrer la corde identitaire des Québécois. La moindre rebuffade ou signe d’exaspération du gouvernement fédéral face à des desseins trop « autonomistes » du leader adéquiste, pourrait rapidement raviver l’option indépendantiste.
D’où l’harangue que la nouvelle dirigeante du PQ a prononcée dans Charlevoix! Sans préciser de calendrier renfermant une démarche en direction de l’indépendance nationale, Pauline Marois veut profiter de l’ouverture que crée son rival adéquiste. Supposément fédéraliste, le chef de l’opposition officielle n’est effectivement pas dénoncé outrageusement par l’establishment médiatique québécois, même s’il proclame sans retenue qu’il faut défendre les siens. Identifier la majorité de langue française du Québec et souhaiter sa prédominance partout sur son territoire sans être l’objet de représailles fédéralistes, constitue pour les péquistes une aubaine. Si l’Action démocratique peut aborder ce sujet tabou en toute quiétude, pourquoi pas le Parti québécois, d’autant plus qu’il a mis officiellement en veilleuse son article 1… Attentisme, quand tu nous tiens!
Le subterfuge de la leader du Parti québécois n’est cependant pas passé inaperçu aux yeux de l’éditorialiste en chef du quotidien La presse. S’accrochant au machiavélique multiculturalisme élaboré par Pierre Trudeau pour mieux banaliser la nation québécoise, André Pratte craint que la résurrection du « nous » finisse par enthousiasmer les Québécois autour d’un projet commun. Maladroitement, l’homme de main d’Ottawa tente alors d’accoler à ce désir collectif de s’identifier une étiquette d’exclusion : [notre « nous » créerait en effet instantanément un « eux »!->8644]
L’argumentaire avancé par l’éditorialiste du journal La Presse est d’une faiblesse sans nom. L’identification d’un groupe vise à le démarquer des autres. Ce qui ne veut pas dire qu’il leur tourne le dos et ne veut pas dialoguer! L’affirmation nationale des peuples n’est pas automatiquement une manifestation raciste à connotation négative! J’en veux pour preuve les Jeux olympiques. Les athlètes qui concourent pour leur pays et qui pleurent de joie devant leur drapeau lors de la remise des médailles, ne manifestent pas de l’intolérance face aux autres! Ils font partie dignement d’un « nous » qui affrontent des « eux ». Mais le tout se déroule dans un climat de saine compétitivité. Idem dans le domaine économique, bien que la concurrence puisse être à l’occasion féroce! N’avons-nous pas vu des gens de Guelph, en Ontario, tenter, avec l’aide du gouvernement de l’endroit, de « voler » à deux reprises un hôpital aux Québécois en décrivant un « eux » belliqueux? André Pratte a-t-il alors défendu dans les pages de son quotidien le « nous » auquel il appartient?
Il est rafraîchissant d’entendre les membres de l’intelligentsia péquiste, avec sa chef en tête, ramener à l’avant-scène le « nous » si longtemps camouflé. Restera à voir si ces gens résisteront aux attaques des fédéralistes qui essayeront de lui attacher le même grelot que celui dont fut victime l’ex-premier ministre Jacques Parizeau. Il est vrai que le ton revanchard de l’homme fut mal avisé pour dénoncer les malversations de l’État canadien, le soir du 30 octobre 1995. Reste que ce dernier a eu raison d’exprimer sa fierté d’appartenir à un groupe qui disait majoritairement « nous » pour la première fois, depuis la conquête de 1760.
Patrice Boileau




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3 commentaires

  • Georges-Étienne Cartier Répondre

    6 septembre 2007

    Mais bon Dieu, c`est-y que je ne pourrais plus dire "je" sans être un sale "rat visqueux" ( Sartre...) de discriminant excluant rejetant ? Faut croire !C`est que le "je" est encore plus restrictif, limitatif, réducteur, excluant, rejetant ( etc : les mots me manquent!) que le "nous" ! Étroitesse d`esprit quand tu nous tient ! Heureusement qu`on a le Bouchard, le Pratt etles autres qui ne disent jamais "je" et " nous" ,eux... oh pardon...Mais c`est plus fort que moi : rien à faire, je ne suis pas eux. Et, de fait, grâce à Dieu !
    Blague à part, c`est tout l`art éminemment nécessaire de la DÉFINITION qui est nié par les fana anti "nous", car s`identifier, ça n`est rien d`autre qu`amorcer sa propre définition avec l`espoir d`en arriver à une conversation intelligible et sensée.Faut croire que ça leur fait très peur, ça ...

  • Archives de Vigile Répondre

    5 septembre 2007

    Ce discours de Marois prouve que le PQ est incappable de se réformer.
    C'est le discours d'un faible.
    C'est le même vieux discours du PQ, sous un différent manteau.
    Toujours sur la défensive, jamais l'innitiative et surtout pas d'attaque au véritable problème.
    Les Pratte ont tout de suite profités de l'occasion! Marois leur a donné les armes. Le bon vieux PQ au service des fédés.
    Même discours qui transpose tout le problème sur le dos de l'identité des Québécois. Comme si le problème était l'identité des Québécois. La solution, il y a 20 ans, était le reniement du "nous" en le remplaçant par une nation "civique" inclusive, et maintenant la solution est le reniement de cette nation civique en réhabilitant le NOUS sous chapeau civique "ouvert et pluraliste".
    Autrement-dit, on reviens à la case départ et le problème reste intact. Mais on donne l'impression d'avoir pris une décision importante et fait avançé les choses.
    La seule stratégie possible à une telle attitude courbée de culpabilité est le désir du PQ à retrouver non-pas l'identitaire des Québécois (qui n'a jamais été un problème) mais l'association de cet identitaire au PQ. Que le PQ soit l'identitaire Québécois. Le NOUS de Marois est les Péquistes. Sont problème n'est pas les "EUX" mais l'ADQ.
    La réalité, hors PQ, est que le NOUS des Québécois n'a jamais été au coeur du problème. Les Québécois n'ont pas à se soucier d'êtres ouverts puisqu'ils nont jamais été fermés. Le problème est uniquement la minorité des EUX qui sont fermés et refusent d'êtres ouverts avec les Québécois.
    Ce n'est donc pas un discours des NOUS que veulent les Québécois, mais un discours sur ces EUX (ce dont ils s,attendent de la commission Bouchard-Taylor). Et c'est ce discours que l'ADQ a le courrage d'aborder et que les Québécois apprécient. C'est celui qui désarçonne les fédés et donne les véritables raisons de la nécessité d'êtres indépendants ou au moins autonomes.
    Marois gagnerait à se forger un discours percuttant sur ces "EUX" et pourquoi pas un geste d'éclat par des excuses publiques envers Yves Michaud.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 septembre 2007

    EXCELLENTE CHRONIQUE M. BOILEAU.
    D'accord avec vous à 100 %
    Le chemin vers des changements constitutionnels pour le Québec est très intéressant, probablement plus que le résultat qui en sortira. L'éternel recommencement alors...recommencera.
    Profitons de ce cheminement, en attendant.