Non, aux dieux vengeurs!

Tribune libre

Le monde est sous le choc depuis l’attentat parisien du mercredi 7 janvier dernier. Une journée très noire dans cette France déjà fragilisée par tant de défis sociaux et économiques. Une scène d’horreur invraisemblable! À Charlie Hebdo, des terroristes sans scrupule ont crié : « Allahou Akkbar! Nous avons vengé le Prophète! »

La tragédie s’est produite en plein cœur de Paris la magnifique. Des
journalistes, des créateurs, des humoristes, certes quelque peu
irrévérencieux et lessivants quant à leurs propos et leurs caricatures,
ont péri sous les balles de deux frères extrémistes Chérif et Said
Kouachi. Mais quel prophète? Quel Dieu souhaite vraiment de tels carnages
et de telles atrocités en ce 21e siècle? En l’espace de quelques
minutes des dizaines de milliers de personnes se sont dites : « Mais
qu’est-ce qui vient de nous arriver? »

Cela dépasse évidemment l’entendement dans un monde que l’on prétend civilisé, démocratique et savant. Entre vous et moi, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond
sur cette planète dépassant les 7 milliards d’humains confrontés à tant de disparités, d’effarantes inégalités et en quête de bonheur extrême. Quel Dieu, en quelque part, consentirait à ce que de tels actes puissent être posés en son nom? C’est du délire ma foi!

Dans notre monde tourmenté, des hommes et des femmes victimes de
l’obscurantisme, souvent ostracisés, tombent sous le joug de gourous
exaltés, d’ayatollahs échevelés et de dictateurs écervelés. À
l’ère de la mondialisation effrénée et des frontières de plus en plus
perméables, nous assistons inévitablement au croisement de civilisations
autres, de cultures différentes et de visions tellement opposées. Nous
vivons dans un contexte puissamment explosif s’il n’y a pas les
éléments fondamentaux de dialogue et de compréhension mutuelle.

Ce n’est pas une affaire de religion, loin de là, mais vraiment de
face-à-face, voire d’affrontement de composantes de civilisations.
Comment un musulman modéré et radical, un chrétien à la page et
conservateur, un athée indifférent et laïcisant ou tout simplement un
libre penseur peuvent-ils vivre harmonieusement ensemble dans une
démocratie du monde libre dans le plus grand respect mutuel? Comment
peut-on s’épanouir dans une culture où règne tant soit peu la violence
ou la guerre? Nous ne sommes pas faits pour la guerre et pour la violence,
un point c’est tout! Si nous sommes vraiment créés à l’image de
Dieu, selon l’Écriture sainte, j’aimerais que ce soit des visages de
bonté, d’accueil, d’ouverture, de compréhension, de compassion,
d’entraide qui soient reflétées dans nos communautés humaines.

Nous le savons que trop bien, la religion est un instrument facile, voire
privilégié, pour certains viles manipulateurs d’âmes et de consciences
innocentes. Les intérêts mercantiles et despotiques de ces saccageurs de
la paix sociale ne font pas de doute. C’est le maintien dans
l’ignorance qui est réducteur et qui tue au fond de soi ce qui a de
meilleur en l’être humain! Il en faudra du temps pour absorber ces
événements tragiques.

La France ne sera plus la même après de tels actes, le monde aussi. Comment reprendre le chemin de la vie coutumière après un tel choc brutal? Des sentiments de révolte, de vengeance, de rejet surgiront sans nul doute dans le cœur de milliers de personnes.

L’histoire du monde en est témoin, il en va de soi, la violence par la
violence ne règlera jamais rien! Certes il y a toujours la justice pénale
qui s’appliquera pour les perturbateurs de tous acabits qui parcourent
nos cités et nos pays. Il revient à chacun de nous de développer dans
nos espaces citoyens des solidarités qui édifient, des carrefours réels
de dialogue et d’éducation civique qui créent des liens durables et
bénéfiques.

Nous sommes tous tributaires à bien des égards de notre éducation
familiale et sociale. Tout au long de notre itinéraire humain et
spirituel, ils sont parfois nombreux ces dieux raisonneurs de la vérité,
du savoir-faire et du quoi-penser qui ont martelé notre manière d’être
au monde. Il n’est pas facile de sortir des routes apprises et hors des
sentiers battus. Nous sommes marqués à jamais par tant de choses apprises
machinalement que nous en oublions parfois le sens même.

C’est un défi constant et exigeant que de vivre dans des sociétés cosmopolites où les
accommodements dits raisonnables non pas encore réussis à faire le
moindre consensus, à trouver preneur quoi. Il ne faut donc pas
s’étonner l’émergence dans certains milieux de l’intégrisme
provocateur et de gestes radicaux plus fréquents. Il faut dire non à ces
dieux de l’intransigeance, de l’arrogance et de la violence qui
fanfaronnent sur tous les tons leurs diktats au nom de certaines
philosophies abrutissantes à bien des égards.

Luc de Larochelière chante si merveilleusement bien dans La vie est si fragile : « On est seulement ce que l’on peut. On est rarement ce que l’on croit et sitôt on se
pense un Dieu sitôt on reçoit une croix. Et la vie est si fragile. Car le
temps est là toujours la seule justice ici-bas. On est si fragile. »

Puisse le temps nous apprendre à vivre-ensemble de mieux en mieux dans le
dialogue et le respect. Les attentats terroristes dans l’Hexagone nous
renvoient immanquablement au sens profond de notre identité, à nos
fragilités, à nos références essentielles et à notre capacité de
vivre harmonieusement dans un monde différent où la liberté, celle entre
autre de l’expression, est un principe intangible.

Là encore la mesure de celle-ci a ses limites qu’il faut savamment apprivoiser selon les grands fondements de la liberté d’expression dans le monde. La violence
et la vengeance seront toujours le refuge de l’incompréhension, de
l’ignorance et de l’incompétence. Oui, faites ce que vous voulez,
comme vous le voulez, quand vous le voulez, mais ne faites rien de ce que
vous voulez au détriment des autres. Non et non aux dieux vengeurs qui
surgissent trop souvent encore dans nos rues et nos cités! L’harmonie et
la paix ont bien meilleur goût.


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