Que veulent les étudiants?

En fait, cette lutte ne rallume-t-elle pas la flamme qui est en train de s’éteindre au cœur des nouvelles générations de Québécois?

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012


29 février 2012 - Ça brasse un peu partout au Québec! Des jeunes prennent la rue, d’autres manifestent pacifiquement, certains bloquent le pont Jacques-Cartier. Et ils sont nombreux à le faire. Depuis deux semaines, les manifestations se sont intensifiées pour contester la hausse des droits de scolarité sur le plan universitaire prévue par le gouvernement Charest. L’augmentation sera de l’ordre de 325 $ par année d’ici 2017. « Ce n’est pas énorme! » clament les gens d’affaires, les élus gouvernementaux et les raisonneurs bien pensants. « Qu’ils travaillent ces jeunes qui ont tout cuit dans le bec! » s’exclament d’autres. « Au lieu de voyager, de faire la fête et de se payer des sorties coûteuses, qu’ils économisent tout simplement! » rétorquent certains. Nous avons tout entendu ou presque sur ce dossier qui devient de plus en plus épineux. Quelle sera l’issue ultime de ce mouvement de contestation puisque le gouvernement Charest ne bronchera pas, parole d’un premier ministre bien décidé, et que les étudiants, convaincus de leur cause, sont prêts à tout?
Sur nos écrans de télé, des jeunes qui savent très s’exprimer sont venus prendre parole pour exprimer leur point de vue souvent légitime à bien des égards. Certes, ils ne sont pas tous solidaires dans cette démarche risquée, voire périlleuse. Ils ont beaucoup à perdre dans cette aventure quelque peu rocambolesque, mais ce qui impressionne, c’est l’ampleur de la mobilisation. Il y a longtemps que le Québec n’avait pas vécu un tel mouvement de solidarité. Cela ressemble un peu, sans la casse, aux allures de mai 68 en France, non? Il faut bien l’avouer, il y a plus que les droits de scolarité en cause. Selon plusieurs analystes, c’est aussi un débat de fond, un questionnement en profondeur qui porte sur notre société. Quelles sont les valeurs qui incarnent le Québec d’aujourd’hui? Quelle est la place des jeunes dans une société où le pouvoir de l’argent achète tout ou presque? Lorsque l’on regarde les tendances actuelles de l’économie et de la diminution des acquis sociaux, il y a de quoi inquiéter les générations qui émergent.
Le mouvement des indignés qui a secoué quelque peu nos certitudes au cours des derniers mois reflète certes un mal d’être, un besoin d’exister autrement que nos gouvernements dans leur tour d’ivoire ne saisissent pas toujours. Nous le savons plus que trop bien, nos politiciens ont tendance à s’enfermer dans leur bureaucratie parfois étouffante en oubliant ceux qui triment dur pour payer leurs impôts et survivre tant bien que mal. Nous connaissons tous la précarité financière des foyers québécois. Nos savants économistes, chiffres à l’appui, ne cessent de prédire le pire des désastres. L’endettement et la pauvreté touchent des millions de Québécois dans un pays d’opulence qui se targuent de sa social-démocratie en faisant souvent la morale aux autres pays du sélect G8.
Imaginez, il y a présentement 57 associations et plus de 71 000 étudiants en grève illimitée. C’est quand même beaucoup et le mouvement ne semble pas diminuer d’intensité. En y pensant bien, les revendications des étudiants ne s’inscrivent-elles pas dans une mouvance de changement, de renouveau des valeurs ambiantes, de remise en question d’une certaine vision de société? Ne s’apparentent-elles pas à ce que nous, les baby-boomers fatigués et au bord de la retraite, avons connu et instigué dans les années soixante. Il y a eu des succès, mais aussi des échecs amers, voire retentissants, mais nous étions là, bien vivants et désireux plus que jamais d’une société égalitaire avec une place au soleil que nous réclamions au nom de la justice.
Pourquoi serions-nous opposés à un désir chez les jeunes générations d’une société nouvelle, plus équitable et plus éthique? Celle que nous avons fabriquée ne pèche-t-elle pas par bien des excès et des abus de tout genre? Sommes-nous fiers de cette économie chancelante, de la collusion à outrance dans les officines des divers paliers gouvernementaux, des fréquentes enveloppes brunes et des pots-de-vin de nos élus, du taux de décrochage alarmant et endémique, de nos infrastructures qui s’écroulent au fil du quotidien, du fossé s’élargissant sans cesse entre les riches et les pauvres, de ces magnats des finances qui se retirent pleins aux as, de ces établissements bancaires qui frôlent des profits records en pleine récession? Serait-il possible que les jeunes générations en aient soupé des discours somnifères de nos politiciens trop imbus de leur pouvoir et de leur visée carriériste?
Ce mouvement de grève des étudiants nous invite peut-être à revoir nos priorités et nos valeurs. Il est clair que l’éducation est un droit et non une option pour ceux qui en ont les moyens. Même les universités, qui sont sous-financées, doivent se remettre à leur planche à dessin afin de réviser leur expansion gigantesque et même revoir leur mission fondamentale. Ne l’oublions pas, ce sont les prochaines générations qui devront venir à notre rescousse quand nos fonds de retraite seront au bord de la banqueroute et que notre système de santé ne pourra plus nous accueillir dans la gratuité. Je ne sais pas si la hausse des droits de scolarité est légitime. Mais à vrai dire, 75% de hausse en 5 ans, cela apparaît beaucoup aux yeux de plusieurs. Au-delà des droits de scolarité, il faut peut-être creuser un peu plus profondément les enjeux réels de ce mouvement étudiant. « Même sans espoir, la lutte est encore un espoir » disait l’écrivain Rolland Romain. En fait, cette lutte ne rallume-t-elle pas la flamme qui est en train de s’éteindre au cœur des nouvelles générations de Québécois?
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Jean-Guy Roy
L’auteur est directeur général de la station 91,3 FM à Montréal.


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    1 mars 2012

    Ce que veulent les étudiants?
    Être formés pour pouvoir répondre aux besoins du marché capitaliste mondialisé afin d'avoir un jour un salaire enviable et un rang social enviable.
    Avec la fougue de leur jeunesse, ils pourraient, il me semble, vouloir d'un autre monde dans lequel tous pourraient vivre décemment.
    Ils pourraient, par exemple, militer pour un revenu universel qui leur permettrait de poursuivre leurs études sans trop s'endetter.

  • Archives de Vigile Répondre

    1 mars 2012

    Le problème, c'est le gouvernement de roi-nègre qui dirige actuellement le Québec. Qui s'aplatventrit devant les multinationales en les gavant de subventions à coups de tarifs L (Alouette, Adriana et Arcelor Mittal), d'infrastructures de transport (Stornoway Diamond) et d'entente secrètes particulières (Rio Tinto Alcan). A nos frais. Par exemple, la route construite pour Stornoway (revenus anticipés de 5,4 milliards $ sur 25 ans à sa mine du nord québécois) coûtera à Charest, donc à nous Québécois, quelque chose comme 300 millions $. Notre bon Charest vient aussi d'allonger quelque 180 millions $ de notre argent pour former les travailleurs de ces multinationales du Plan nord. Faut bien bien que des cochons de contribuables paient les largesses du tandem Charest-Bachand! Et les étudiants en font partie qui y contribuent avec la hausse de leurs frais de scolarité. Ils ne devraient pas être seuls dans la rue, c'est tout le Québec qui devrait les y accompagner.

  • Archives de Vigile Répondre

    29 février 2012

    Vive Option nationale et son appui à la gratuité scolaire pour notre plus grande richesse: nos jeunes étudiantes et étudiants du Québec!!!
    Vive l'indépendance!
    Vive la RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU QUÉBEC!!!

  • Micheline Dubois Répondre

    29 février 2012

    Entierement d'accord avec vous M. Cloutier. En plus de donner nos richesses naturelles a de riches exploiteurs étrangers ... et de nous priver de millions de dollars de redevance , le gouvernement tente de priver la nation Québécoise de sa plus grande richesse , soit l'instruction .Je suis tres fiere des jeunes étudiants qui se mobilisent pour donner acces a l'instruction a toutes les classes de la société Québécoise.
    Micheline Dubois

  • Archives de Vigile Répondre

    29 février 2012

    En ce qui me concerne je suis en faveur non seulement de la gratuité scolaire de la maternelle au doctorat mais en plus, je souhaiterais que le droit à l'éducation et à la gratuité de l'éducation soit inscrit en lettres d'or dans un projet de loi transitoire sur la nation québécoise et dans la constitution permanente d'un Québec souverain et indépendant.
    En procédant de cette façon, ce droit serait à l'abri de tous les gouvernements qui suivraient et des forces du marché qui tenteraient de le privatiser et chaque citoyen pourrait invoquer ce droit devant les tribunaux.
    Le régime pourrait être financé par la nationalisation des ressources naturelles et les étudiants bénéficiant du programme au niveau collégial et universitaire pourrait contribuer au programme par un service civil communautaire durant leurs études, ce qui leur permettrait d'acquérir le sens de la solidarité sociale.
    En passant Option Nationale a mis la gratuité de l'éducation de la maternelle au doctorat dans son programme.
    On appelle cela un projet de pays.
    Pierre Cloutier